C'était étrange que Molly ne me pourchasse pas en hurlant. Maintenant, j'ai la réponse. Je la détaille longuement en manquant d'exploser de rire. Elle s'est refait les couettes, plaquant minutieusement ses mèches rebelles. Elle a aussi terminé son maquillage des lèvres avec un contouring pour un effet plus volumineux, donnant l'impression qu'elle s'est fait faire des injections. Le rendu est beaucoup trop chargé et ne la met pas particulièrement en valeur.
Il n'était pas question pour elle de se montrer en public sans rectifier sa couche de maquillage. Complètement dépendante de l'image qu'elle doit renvoyer, elle a préféré terminer de se préparer avant de continuer notre altercation.
La colère déforme son visage en une grimace horrible. Je ne prends pas la fuite car dans tous les cas elle me rattraperait. Je n'ai plus qu'à attendre que sa vague de haine se déverse sur moi. Je passe ma langue sur mes lèvres, en la toisant. J'attends qu'elle entame la conversation, ce qui ne tarde pas, puisqu'elle me lance d'un ton cinglant :
— Toi !
Toujours dans la provocation, je fais mine de ne pas comprendre à qui elle s'adresse, en cherchant autour de moi, et ça l'agace encore plus. Elle ferme les yeux en serrant fort les paupières et secoue sa tête, le visage écarlate.
— Joue pas à la débile. Tu sais très bien que c'est à toi que je parle ! Tu pensais pouvoir m'humilier puis partir comme si de rien n'était ?
— Oui, c'est un peu ça. Ta session makeup semblait vraiment essentielle, je voulais pas te déranger plus longtemps, réponds-je, impassible.
— Évidemment que ça l'est ! Je peux quand même pas sortir à moitié maquillée ! Et toi, t'en as profité pour t'esquiver.
— J'avais faim, alors je suis partie pour aller manger. C'est tout.
— Commence pas à monter sur tes grands chevaux ! vocifère-t-elle.
— À chacun son talent : toi, c'est te maquiller avec... beaucoup de précision. Moi, c'est utiliser la provocation pour mieux te mettre à terre.
Elle me regarde de ses yeux ronds, en ricanant, avant de me lancer fière d'elle :
— Visiblement, ça ne marche pas. Comme tu peux le voir, je suis toujours debout : tu m'as pas mise à terre.
Éberluée, je lève les yeux au ciel, me demandant si elle est sérieuse. Je savais qu'elle n'était pas très futée, mais je ne pensais pas à ce point.
— C'est une expression, Molly ! Ça veut dire battre quelqu'un. Le vaincre, si tu préfères.
— Venant d'une fille qui ne ressemble à rien, je trouve ça drôle de recevoir des leçons !
— Donc, toi, tu es le style de fille à se pomponner avant d'aller à l'hôpital ? Tu devrais revoir ton sens des priorités.
— Moi, au moins, je ne ressemble pas à un épouvantail quand je me balade dans la rue, lance-t-elle fièrement.
— C'est vrai que tu ressembles à un épouvantail, ricane Lara.
Je lève les yeux en l'air, fatiguée de cette altercation qui ne met en valeur personne. En détaillant Lara, je remarque qu'elle est plus naturelle que son amie, avec des traits fins et un teint de porcelaine. Ses cheveux couleur des blés ne sont pas aussi agressifs que ceux de Molly. Malgré ça, elle me semble tout autant immature. À mes côtés, Élodie est mal à l'aise et je tente de mettre fin à cette conversation, à nouveau :
— Pour la deuxième fois, Molly, j'ai pas de temps à te consacrer. À la prochaine.
Élodie est tétanisée et ne dit pas un mot ; elle déteste les accès de fureur, toujours traumatisée par son passé. Je la pousse doucement, l'incitant à s'éloigner. Soudain, Molly empoigne mon épaule.
— Tu crois que tu peux débarquer ici et me voler la vedette ?
Face à ce genre d'individu, il est essentiel de rester calme pour ne pas entrer dans un cercle vicieux. Si je deviens agressive à mon tour, la situation va s'envenimer et atteindre une explosion de violence ingérable. De plus, à force de s'égosiller, Molly devrait finir par se calmer d'elle-même, fatiguée de voir que sa colère n'a aucun effet sur moi. Je combats l'agressivité par l'assertivité, et lui réponds d'un ton qui se veut calme :
— Arrête de me crier dessus, s'il te plaît. Tu me postillonnes partout sur le visage et je t'assure que ce n'est pas très agréable. D'abord, je n'ai pas débarqué maintenant, puisque j'étais déjà là l'année dernière. Ensuite, comment veux- tu que je te vole la vedette, alors qu'il n'y a rien à voler ?
Oups, ai-je oublié de préciser que face à ce genre de personne il faut éviter la provocation ? Trop tard, je viens d'aggraver la situation. Molly m'attrape furieuse et me secoue comme un prunier.
— C'est quoi ton problème ?
De manière inattendue, Élodie intervient et attrape férocement le bras de Molly pour lui faire lâcher prise.
— Laisse-la tranquille, je t'interdis de lever la main sur Emma !
C'est la première fois que je la vois autant élever la voix et cela surprend Molly qui la pousse d'un geste brusque. Élodie perd l'équilibre et s'écroule par terre, ses fesses amortissant le choc. Mon amie grimace de douleur et je ne peux plus garder mon sang-froid, furieuse qu'on s'en prenne à elle.
— Dégage ! m'adressé-je à Molly, en la poussant sans ménagement.
Celle-ci tombe à son tour et pousse un cri aigu en heurtant le sol de son coude.
— Tu vas bien ? questionné-je Élodie, en lui tendant la main pour l'aider à se relever.
— Un peu mal au postérieur, mais sinon ça va, merci.
Lara accourt pour venir en aide à son amie, mais celle-ci la repousse violemment.
— Ne me touche pas, tu sers vraiment à rien. T'as même pas été foutue d'amortir ma chute ! éructe Molly, en se relevant toute seule.
Le visage de la jeune fille se décompose et ses yeux s'humidifient. Elle s'essuie les mains sur son pantalon, complètement perdue et la lèvre tremblante.
— Mais... Je ne pouvais rien faire.
— Ferme-la !
— Mais je suis ton amie... Pourquoi tu me parles comme ça ? balbutie Lara, en fondant en larmes.
— T'es pas mon amie, tu me faisais juste de la peine à traîner seule, c'est tout ! Grâce à moi, t'as servi à quelque chose. Mais c'est fini, j'ai plus besoin de toi, va-t'en !
J'ai de la peine pour Lara qui est aussi victime de la méchanceté de Molly. La jeune fille reste pétrifiée quelques secondes et part en courant, tentant de sauver le peu de dignité qui lui reste. Élodie essaie de la rattraper par le bras, mais ses doigts se referment dans le vide.
— Molly, tu dépasses les bornes ! T'as beau être énervée, ça ne te donne pas le droit de traiter les gens comme tu le fais, dis-je.
— Et tu connais quoi de moi, au juste, pour te permettre de me faire la morale ?
— Pas grand-chose, c'est vrai. Mais à te comporter comme ça, tu risques de te retrouver seule.
Sans se donner la peine de me répondre, elle se jette sur moi, semblable à un lion prêt à déchiqueter sa proie. Prise par surprise, je réagis instinctivement, en esquivant d'un mouvement habile. Prête à en découdre, je suis aussi agile et sauvage qu'un félin.
Elle ne veut pas communiquer ? Tant pis, je sais aussi m'exprimer par la violence. Élodie me supplie désespérément d'arrêter, mais je ne peux plus faire machine arrière. Molly se jette une nouvelle fois sur moi et je l'esquive, en fléchissant les genoux. Je n'arrive plus à penser de manière lucide. Toute la haine que je gardais enfouie en moi se déverse. Je sais que frapper Molly ne résoudra rien, mais mon corps agit de lui-même. Je serre mon poing et balance mon bras en arrière.
Quand soudain, quelqu'un interrompt mon geste et me plaque à terre.
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Promis, cette fois je t'envoie en prison !
Romance✨ Gagnant des Wattys 2023 ! 🏆 Lorsqu'un terrible drame se produit, une seule obsession subsiste : la vengeance. *** Emma, étudiante en faculté de droit, est une véritable détective dans l'âme. Depuis son enfance, elle est passionnée par les enquête...