Chapitre 6.

2.1K 290 98
                                    

Locas se sentait bien. Pour la première fois depuis longtemps, il avait l'impression d'être à sa place. Mary-Ann était près de lui, comme elle lui avait manqué ! Son corps chaud se pressait contre son torse et sa peau soyeuse courrait sous ses doigts. Il adorait se réveiller contre elle, tout son corps était déjà prêt à la satisfaire.

Il enfouit son visage dans ses cheveux et pris une profonde inspiration, elle sentait... la teinture pour cheveux et le jasmin ?

Son rêve éclata comme une bulle de savon et Locas ouvrit brusquement les yeux. Loin des boucles brunes de son aimée, il avait le nez dans des épis bleu électrique, la femme qui se tenait dos à lui, nue, avait des formes bien plus généreuses que sa compagne.

Une fureur noire l'envahit et il bondit littéralement du lit, réveillant la louve en sursaut.

— Qu'est-ce que tu as foutue ! rugit-il sans se soucier de sa nudité.

La découverte de cette femme lui avait ôté toute libido de toute façon. D'ailleurs, elle quitta le lit avec précipitation enroulant la couverture autour d'elle, ses grands yeux bruns écarquillés de surprise.

— Tu n'as pas honte de toi ? comment peux-tu encore te regarder dans la glace ? Ça t'excite de coucher avec un loup ? Moi j'appelle ça un viol !

Parfaitement immobile, les yeux fixés au sol, la femme ne disait rien.

— Et bien ? Tu as perdu ta langue ? C'est plus facile de s'en prendre à un loup sans son humain hein !

La colère lui tordait les entrailles, elle n'osait même pas soutenir son regard. Il était furieux contre cette femme qui avait couché avec son loup, furieux contre lui-même de l'avoir désiré, même si ça n'avait duré qu'un instant. Ça lui donnait envie de vomir !

Sa fureur était telle qu'il continua à l'injurier, usant de mot peu habituel à son langage, jusqu'à ce que sa rage se calme un peu. Elle ne bougea pas, et il finit enfin par se taire. De longues secondes passèrent.

— Tu peux utiliser la salle de bain, chuchota-t-elle finalement.

Il aurait voulu lui cracher dessus, lui dire qu'il n'en avait pas envie, mais ça aurait été un mensonge. Sans un mot, sans un merci, il se dirigea vers la pièce d'eau, pressé de se débarrasser de l'odeur de cette femelle de peu de valeur.

En croisant son regard dans le miroir, il eut un instant de choc. L'homme qui le regardait était un inconnu aux cheveux gras et aux yeux cerclés d'or. Depuis combien de temps était-il bloqué dans son loup ? Et comment diable cette femelle avait fait pour coucher avec lui, déesse qu'il était laid !

Enfin, une douche ne lui ferait pas de mal, pour commencer, ça enlèverait la crasse accumulée par son loup. Il prit tout son temps, peu presser d'affronter la réalité. Mary-Ann était morte. Ça faisait combien de temps ? il ne connaissait même pas la date du jour.

Il laissa l'eau chaude lui couler dessus et usa même, avec répugnance, du shampoing au jasmin de la louve et de son savon pour le corps. Il allait sentir la femelle, mais aucune importance, c'était toujours mieux que l'odeur de la femme.

Lorsqu'il sortit, la mort à l'âme, il réalisa qu'il n'avait pas de serviette. Bien sûr, il y avait celle de la bleue, mais il ne s'était pas débarrassé de son odeur pour la récupéré tout de suite après !

Sortant encore mouillé de la salle de bain, il fut soulagé de voir qu'elle avait décampé... en laissant sur le lit une serviette propre, un pantalon et un t-shirt.

Il se sécha en la maudissant de tous les noms, et s'habilla. Son loup dans sa tête commençait déjà à s'agiter, et ses instants de lucidité risquaient d'être courts, il fallait qu'il trouve où il était. Le loup essayait de dire quelque chose, mais Locas le chassa, conscient que s'il l'écoutait, il perdrait de nouveau sa raison. Or, il devait découvrir pourquoi et comment il était revenu. La douleur dans sa poitrine était encore présente, comme une plaît ouverte, avivée par la désillusion de la louve bleue.

Le lieu de vie de la louve était une sorte de petit studio, une unique pièce avec une kitchenette, un salon avec bibliothèque et un lit dans lequel il s'était réveillé. Deux portes, sans compter celle du placard : une qui menait à la salle de bain, alors par défaut, il supposa que la seconde menait à l'extérieur.

Il sortit. Dans le couloir tapissé de rouge et au mur beige éclairé à égale distance par des lanternes, une femme l'attendait. Un visage rond, des cheveux acajou, un sourire maternel.

— Bonjour, je m'appelle Brigitte, tu es actuellement à la Meute Eclipse ! Tu es en sécurité, Ethan t'attend si tu te sens prêt à lui parler, après ça tu auras droit à un bon repas mon pauvre petit chou ! tu es tout maigrichon ! à croire que Laura ne t'a pas nourri !

Malgré lui, Locas ne put s'empêcher de sourire. Une femelle maternelle, on pouvait compter sur elle pour s'inquiéter qu'il soit bien nourri. Il mourrait de faim, mais voir Ethan était une priorité, tant que son esprit était encore lucide. Il n'était qu'à moitié surpris d'apprendre qu'il était à Éclipse, après tout ses derniers souvenirs étaient liés au chef de cette meute.

— Mène-moi à ton alpha.

Hochant joyeusement la tête, la jolie femme le guida dans les couloirs en tout point identique et tortueux jusqu'à l'un d'eux, remplie de tableaux d'ancien alpha. Des hommes et des femmes sages qui avaient maintenu cette meute au sommet de la chaîne alimentaire, et ce malgré sa proximité avec un territoire humain. Locas reconnut Lanshlan, qu'il avait côtoyé quelques années en tant que jeune alpha avant que celui-ci ne prenne sa retraite en faveur d'Ethan.

— On y est ! chantonna la louve acajou en lui présentant une porte.

Il entra sans toquer. Ethan était derrière son bureau, à ses côtés il reconnut Elina, sa compagne albinos qu'il semblait aimer de tout son cœur. Alan était là aussi, ainsi que deux autres lieutenants qu'il ne saurait nommer. Un blondinet aux yeux bleus qui avait l'air bien jeune pour être là et un homme à l'air teigneux et au visage scarifié. Son loup s'agita, se sentant cerné dans cette pièce pleine de dominants agressifs.

— Tout vas bien, Locas, nous te voulons aucun mal, assis-toi, débuta Ethan d'un ton calme qu'il pourrait utiliser pour apaiser un soumis.

Locas resta debout.

— Quel mois sommes-nous ?

— Début de la deuxième lune d'été, répondit Alan. De l'année d'après.

Le cœur de Locas fit un bond puissant dans sa poitrine. Ça faisait plus d'un an qu'il était loup ? Plus d'un an que Mary-Ann l'avait abandonné...

— Locas, tout va bien, répéta Ethan.

Mais sa voix lui parvenait comme à travers un filtre, son loup hurlait sa douleur.

Soumise ! disait-il.

— Soumise, répéta Locas sans comprendre.

— Oh ! s'exclama Alan, je crois qu'on devrait lui trouver une soumise pour calmer.

Son loup se jeta avec tant de violence sur les barreaux de son esprit qu'il tomba à genoux en se tenant la tête pour lutter contre la transformation qui menaçait de s'emparer de lui. Une image s'encra sur ses rétines, l'image d'une femme aux cheveux bleus. Des émotions contradictoires se bousculèrent en lui. Dégoût, haine, honte, besoin, affection. Désir.

— Non ! s'agaça-t-il quand il entendit Alan demander à un homme qui passait dans les couloirs d'aller chercher un soumis. La Soumise ! Ma Soumise !

Sa voix n'était pas tout à fait humaine, et l'instant d'après, il bascula totalement.

5 - La Meute Eclipse - Lueur SauvageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant