Locas, adosser à un arbre, regardait l'homme qui se tenait à côté de lui. Il ne l'avait pas reconnu, mais comme son loup ne s'était pas crispé, il avait accepté de le suivre jusqu'à un campement, sur un autre territoire. L'homme lui avait donné un pantalon, mais ne l'avait pas invité à entrer dans l'une des habitations en bois. Il s'était retransformé et l'avait suivi sans un mot près d'un ruisseau. Ils s'étaient assis côte à côte et depuis conservaient le silence.
Locas ressentait une drôle de chaleur dans sa poitrine, comme s'il avait retrouvé un vieil ami.
— Je suis désolé, dit l'homme. C'était plus facile, plus naturel, quand tu étais un loup. Non pas que je sois triste que tu sois revenu ! c'est super !
Le loup l'écouta et se détendit un peu.
— Comment est-ce que tu t'appelles ? demanda-t-il avec bienveillance.
Le loup était plus jeune que lui, et il semblait avoir beaucoup souffert, qu'importe ce qui les relier, ça comptait pour lui.
— Julyam, souffla-t-il. On était ensemble au Zoo, enfin, j'y étais et tu m'as rejoint dans ma cellule après...
Locas serra la mâchoire. Il n'en avait aucun souvenir, mais on lui avait expliqué qu'un groupe de changelin s'était échappé d'une institution carcérale qui jouait les organisateurs de jeux glauques et violents. Locas se demandait si lui aussi avait tué durant ces mois d'enfermement. Si c'était le cas, il n'en avait aucun souvenir. Peut-être n'avait-il pas envie de se rappeler, tout simplement.
— Je ne m'en souviens pas, avoua-t-il.
Julyam commença à arracher nerveusement les brins d'herbe autour de lui.
— Ouais, tant mieux, parce que moi, je me souviens de tout. Je crois que je suis devenu fou, là-bas, mais tu étais avec moi... enfin, le loup était avec moi, je lui parlais, je lui racontais plein de choses ça me permettait de ne pas perdre pied. Ta mémoire renferme mes pires secrets, avoua-t-il d'un air penaud.
Locas haussa un sourcil.
— Et alors ? Tu vas me tuer pour que je ne les révèle pas ?
Julyam éclata d'un rire rauque qui s'estompa trop vite.
— Non, j'aimerais ne plus jamais voir la mort, elle n'est pas de très bonne compagnie.
Il s'interrompit et le silence s'étira entre eux.
— Depuis que tu es redevenu humain, je me surprends à te chercher pour te parler, c'est idiot hein ?
Locas secoua la tête.
— Pas vraiment non. Je suis désolé, je ne peux pas reprendre ma forme de loup pour t'aider à dire ce que tu as sur le cœur, je crois que si je le faisais, j'irais retrouver...
Il s'arrêta en réalisant qu'il avait failli dire à ce presque inconnu qu'il serait retourné voir Laura. Julyam ne sembla pas s'apercevoir de son hésitation, car il hocha la tête.
— Je ne vois pas pourquoi tu m'écouterais, de toute façon, on ne se connaît pas. Je suis désolé de t'avoir importuné, Ethan n'aimerait pas que tu sois là avec moi.
Locas haussa un sourcil.
— Ethan n'est pas mon alpha, rassied toi. Je ne suis peut-être plus le loup que tu as connu, mais tu m'as quand même sauvé, toi aussi, dans ce Zoo. Je t'écouterais, mon ami.
Julyam avait dans le regard cette lueur des hommes rongés par la culpabilité. Il ne savait pas ce qu'il avait fait, mais il semblait profondément le regretter. Ça faisait plusieurs mois qu'il était sorti de la prison, mais il n'avait pas pris de poids pour autant. Il était d'une minceur maladive.
Ils gardèrent le silence encore une minute puis enfin le loup émacié s'exprima.
— J'ai rencontré quelqu'un. Quelqu'un de bien. Mais moi, je ne suis pas un homme bien. Elle ne veut rien savoir !
Il releva la tête vers Locas, avec un air outré.
— Elle pense que je mérite une seconde chance. Au début je n'osais pas l'approcher, mais... je crois, enfin, non, je suis sur qu'elle est mon opposée... elle est extraordinaire. Douce, gentille, mais d'une main de fer aussi. Elle m'a abordé la première. Elle n'est pas bien grande, je pense que même moi je pourrais la casser, mais elle n'a peur de rien.
— Tu l'aimes ?
Julyam se figea, la mâchoire serrer.
— Et si je ne savais pas ce que c'était ? L'amour ? J'ai peur de ne pas savoir l'aimer...
Les paroles de Julyam tournaient encore dans la tête de Locas le soir après le repas. Et lui est ce qu'il savait aimer ? Son union était devenue un terrain miné avec le temps, mais peut-être était-ce parce qu'il n'avait pas su aimer Mary-Ann comme elle le méritait... cela dit, il n'était pas non plus amoureux de Laura. Elle l'intriguait, c'était certain, et il mourait d'envie de la mettre dans son lit. Rien d'étonnant, Laura était belle, charnue comme une poire elle lui donnait envie de mordre et de lécher. Son loup était d'accord. Mais ce n'était pas de l'amour.
Il réfléchissait encore lorsqu'il toqua à sa porte, une pâtisserie cachée dans une boîte. Elle lui ouvrit.
— Je viens prendre le dessert, déclara-t-il en lui montrant la boîte.
Elle semblait un peu mal à l'aise, mais elle le laissa entrer. Il l'avait vu au repas du soir, mais n'avait pas osé l'aborder, ça ne l'avait pas empêché de remarquer qu'après le passage d'un groupe de louve, elle avait abrégé le repas et sauter le dessert. Pourtant, c'était ce qu'elle préférait, ça l'agaçait de se dire qu'elle pouvait se priver à cause d'autre personne.
Ils s'installèrent à sa table à manger et Locas fit mine de grignoter pour ne pas la mettre mal à l'aise. Son loup, toujours heureux de la nourrir, se pavanait tout content dans son esprit.
— Tu m'en veux ? demanda doucement Laura en jouant avec un morceau de cheesecake.
Locas soupira en se détendant.
— Non, non je ne t'en veux pas, Laura. Tu parleras quand tu te sentiras prête.
Ça ne servait à rien de la culpabiliser pour son silence, outre la rendre plus mal encore. La soumise sembla se sentir soulagée et elle engloutit sa douceur avec plus d'enthousiasme. Locas sut qu'il avait fait le bon choix. Il garderait un œil sur elle, et la prochaine fois que Mael s'en prendra à elle, il serait témoin et il ne le raterait pas.
Tâchant de garder un air aimable, il sourit à Laura qui lui rendit son sourire et finit sa pâtisserie. Ils se levèrent en même temps pour débarrasser, mais alors que la jeune femme s'apprêtait à faire la vaisselle, il lui prit doucement les poignets et la poussa vers le plan de travail.
— La première fois, ça s'est mal passé, déclara-t-il en se penchant vers elle et en lui libérant les poignets. Alors cette fois, on va se mettre d'accord. Laura, je vais t'embrasser.
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5 - La Meute Eclipse - Lueur Sauvage
FantasíaLocas est brisé. Depuis la mort de sa compagne, il a abandonné sa forme humaine pour se complaire dans son animal, au point que plus personne ne l'appelle par son nom. Désormais Loup, ses seuls plaisirs résidents dans les visites régulières d'une do...