Chapitre 23.

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Laura avait toujours adoré se promener sous sa forme de louve, mais elle le faisait peu. Sa situation de soumise rendait compliquer les balades sur le territoire de la meute, car à tout moment elle pouvait croiser un dominant et elle ignorait comment sa louve risquait de réagir face à ce qu'elle considérait comme des menaces directes. Si sous forme humaine, les dominants s'abstenaient bien d'écraser les soumis ou de les poursuivre, leur part animale n'était pas toujours aussi réfléchi.

Mais là, plus que quelques kilomètres de Jaykam, protégée par le couvert des arbres et à des lieux de la moindre meute de loups, elle ne risquait rien.

Du moins, elle en était persuadée, jusqu'à ce qu'un coup de feu éclate. Elle eut un violent sursaut alors que sa queue se glissait entre ses pattes, et elle se précipita vers un grand buisson pour se dissimuler. L'oreille aux aguets, elle attendit, le cœur battant à tout rompre, jusqu'à ce que des voix lui parviennent.

— Tu l'as eu ?

— Non, je ne crois pas, fais chier...

Des bruits de botte non loin d'elle la firent se terrer un peu plus. Des chasseurs. Quelle était la probabilité pour qu'il ne lui tire pas dessus, malgré sa fourrure bleue ?

Infime, s'il y avait bien une règle que la meute apprenait aux louveteaux, c'était de ne jamais faire confiance à un chasseur. Ne jamais partir du principe qu'il vous épargnera.

Les bottes s'arrêtèrent juste sous son nez, il y en avait quatre, donc deux chasseurs seulement, elle avait peut-être une chance de les semer si elle courait vite... ses espoirs furent réduits à néant quand elle entendit le grognement d'un chien et vit ses pattes qui apparurent dans son champ de vision. Elle était face au vent, et son odeur était masquée par la terre et le buisson, ce qui empêcha le chien de la sentir.

— Il nous faut cette fourrure de loup, mec, on ne peut pas se permettre de rentrer sans !

Le cœur de Laura remonta dans sa gorge. Elle n'avait aucune chance face à eux.

— Ma femme va me trucider si je rentre les mains vides.

Les pas s'éloignèrent et Laura se détendit un peu, il ne l'avait pas vu.

Elle resta tout de même dissimuler une dizaine de minutes supplémentaires avant de songer à sortir en douceur de sa cachette. Les branches du buisson lui éraflèrent la peau, arrachant quelques touffes de poile alors qu'elle s'extirpait de là. Étirant ses muscles raides d'être resté trop longtemps immobile, la jeune louve observa tout autour d'elle avant de s'éloigner vers Jaykam. Elle savait bien qu'elle ne pourrait pas traverser la ville en tant que louve, et que nue, ce serait pire, mais elle y réfléchirait lorsqu'elle serait aux abords de celle-ci...

Une paire de crocs se referma sur son cou, si vif et surprenant, et la soumise eu tout juste le réflexe de s'écraser avec un couinement plaintif. Il lui fallut une minute supplémentaire pour calmer sa panique et pour que son museau se remette à fonctionner.

Locas... Locas la maintenait par la gorge et il avait l'air passablement furieux.

Il grogna, mais Laura et sa louve n'étaient pas assez stupide pour relever son défi, elles se contentèrent donc de rester aplatie, les oreilles plaquées contre le crâne et la queue entre les jambes, attendant que sa mauvaise humeur passe. Son cœur battait à la chamade, à tout moment, il pouvait lui arracher la gorge. Était-il suffisamment en colère de son rejet pour la tuer ? Des loups dominants à l'ego surdimensionné, incapable d'accepter un « non » d'une femme, ça s'était déjà vu. Ce genre d'individus, malheureusement, n'était appréhendé qu'après leur premier crime.

Non, songea Laura, refusant de croire qu'un homme qui a tant aimé sa femme puisse avoir ce genre d'humeur.

Locas lui donna raison une dizaine de secondes plus tard, en la relâchant après un dernier avertissement. Elle ne se redressa pas tout de suite, gardant une attitude soumise, pas tant parce qu'elle le voulait que parce que sa louve lui interdisait tout autre comportement.

Puis le mâle lui donna un coup de museau et elle redressa la tête pour le lui lécher.

Ce n'est que lorsqu'il lui tourna le dos pour avancer dans les bois que la soumise réalisa qu'elle s'était comportée avec lui comme avec un dominant de sa meute.

Idiote.

Elle le suivit tout de même, mais ils ne firent pas dix mètres que les aboiements rauques d'un chien de chasse attirèrent leur attention. L'oreille tendue vers le lieu, ils entendirent les humains grâce à leur ouïe animale.

— De la fourrure bleue ? Peut-être un animal rare ! Par-là !

Le chien, qui devait être tenu en laisse, aboya de plus belle et Locas vint mordre le jarret de la louve bleue pour l'inciter à courir. Elle ne se fit pas prier, filant à travers les arbres, mais bien trop lentement pour une louve.

Et Locas ne pouvait pas l'aider. Elle était en surpoids, lui manquait d'exercice et donc d'endurance, le chien, qui était désormais à leur trousse, n'allait pas tarder à les rattraper. Ils pourraient peut-être se transformer, mais le molosse capterait tout de même leur odeur et pourrait tenter de les mordre. Et des personnes nues dans une forêt, c'était soit des nudistes – peu probable – soit des changelins. Et la meute n'avait rien fait pour cacher les assassinats de sang-froid des chasseurs qui s'était sur leur terre l'année précédente. Laura préférait ne pas imaginer si ceux à leur trousse les avaient connus.

Locas, qui courait à ses côtés, orientait leur cheminement à travers les arbres et soudain, il la poussa pour qu'elle tourne. Laura ne se fit pas prier et elle vit une rivière, ou plutôt une minuscule courte d'eau. Locas s'arrêta alors que la louve bleue plongeait, désireuse de masquer son odeur.

Elle s'arrêta avant de l'avoir traverser.

Qu'est-ce que tu fais ?

Va te cacher.

Non !

Cache-toi et attends que je revienne !

Il lui montra les crocs et Laura termina de traverser à reculons. Le chien n'était plus qu'à quelque mètre, s'il la voyait encore quand il arriverait, il partirait à sa poursuite à elle, car c'était son odeur qu'il avait enregistrée. À cause de la fourrure qu'elle avait perdue dans le buisson. Quelle idiote !

Laura n'hésita qu'une seconde avant de disparaître dans les bois, et Locas partie dans la direction opposée, sans passer par l'eau.

Cache-toi, avait-il dit.

Soit. Elle courut et repassa à plusieurs reprises dans l'eau et poussa même le vice à se couvrir de boue avant de se trouver un endroit confortable sous une grande pierre qui faisait comme une grotte ou un terrier.

Le temps sembla passer au ralenti. Son cœur battait la chamade et chaque seconde qui passait elle se demandait si elle avait bien fait de laisser le mâle affronter seul deux chasseurs et un chien.

La nuit tombait lentement, et toujours aucune nouvelle de Locas.

Et puis, lorsqu'elle crut qu'il ne la trouverait jamais, le son le plus horrible qui soit retentit dans le calme de la forêt, à plusieurs lieux de là.

Un coup de feu.

5 - La Meute Eclipse - Lueur SauvageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant