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— Je peux savoir où tu étais ?

   À peine eût-elle franchi le seuil de la porte qu'elle se retrouva nez à nez avec sa cadette, les bras croisés sur sa petite poitrine, une mine sérieuse plaquée sur le visage. L'ainée des soeurs arqua un soucil l'air de lui demander ce qu'il se passait.

— Pourquoi c'est à cette heure que tu rentres ? enchaîna la cadette. T'es partie depuis ce matin.

— Un problème ?

— Oui, hurla presque la jeune soeur. Je me suis faite un sang d'encre. Tu sors à l'improviste et tu reviens comme si de rien était, bien sûr qu'il y a un problème.

— Annaelle, j'ai bien le droit de sortir, reprocha Heley comme si c'était une évidence.


   Annaelle agissait comme leur défunte mère, voire pire. Elle était indiscrète, insupportable et se mêlait toujours de ce qui ne la regardait pas. Heley se sentait à l'étroit dans sa propre maison car la jeune femme empiètait son espace personelle à longueur de journée comme si elle n'était pas capable de gérer sa vie sans être surveiller par sa petite soeur. La jeune femme se croirait encore à la maternelle à force de rendre des comptes à un père exigeant et à une soeur exaspérante.


   Cela lui arrivait que très peu, mais Heley songeait parfois à quitter sa petite ville pour aller se refugier à l'autre bout du monde, là où elle serait certaine d'échapper aux griffes de sa famille. Dommage que son voeu ne resterait qu'un parmi tant d'autres. Elle n'avait pas assez d'autorité pour s'affirmer. Le voulait-elle vraiment ? la jeune femme n'avait pas la réponse mais en y réflechissant bien, elle ne se sentait pas prête à affronter le monde seule.


   Cette dernière remonta les marches du grand escalier qui se scindait en deux et prit l'allée qui donnait sur leurs appartements. Annaelle, n'en ayant pas fini avec elle, la suivit comme son ombre.

— Personne ne t'interdit de sortir, ça je le sais très bien, je ne suis pas papa pour ça.


— Merci. Au moins tu en as conscience. Alors évite de me prendre la tête.

— Mais, tu ne comprends rien.

— C'est quoi le problème, lâcha Heley en haussant la voix.

   Contrairement à la jeune femme qui avait tout hérité de son père, que ce soit ses longs cheveux bruns et ses yeux gris, sa jeune sœur, quant à elle, n'avait de commun avec Heley que son regard. Annaelle avait pris de leur défunte mère, sa chevelure blonde vénitienne qui roulait telles des vagues dans son dos.

— Le problème est que tu sors sans rien dire. Quand je me suis réveillée ce matin et que je me suis rendue dans ta chambre, tu n'etais plus là et tout ce que les domestiques ont trouvé à me dire c'est que t'étais sortie. Mais personne ne savait où t'es partie.

— Et c'est pour ça que tu me fais toute une histoire ?

   La cadette écarquilla des yeux, outrée qu'elle lui réponde avec autant de non-chalance.

— Évidement que oui ! Ce n'est pas dans tes habitudes de sortir sans rien dire alors oui, je t'en fais tout une histoire.

   Exaspérée, Heley lui tourna le dos et se dirigea vers sa chambre. Cette discussion ne menait nulle part, elle était sans intérêt.

— Ne me tourne pas le dos, Heley je te parle.

   Heley fit une dernière fois face à soeur et la regarda droit dans les yeux, de son air le plus neutre possible.

Les ombres du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant