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— Allez les gars, c'est pas le moment de vous relâcher. Voici trois nouvelles commandes pour la table cinq, s'écria Rémi en poussant les portes des cuisines.

— Tu pourrais arrêter de hurler s'il te plaît ? Tu me casses les oreilles avec ta voix horrible, se plaignit Nabil.

— Et bah tu sais ce qu'elle te dit ma voix : trois bols de soupe aux courgettes pour la table cinq et que ça saute, s'écria le plus jeune, encore plus fort.

   Nabil lui lança son regard le plus dédaigneux, puis abandonna sa colère dans un gémissement sourd, sachant pertinemment que s'énerver contre ce gamin écervelé ne lui apporterait rien de bon. Il espérait néanmoins que le jour viendrait où il pourrait l'étriper de ses propres mains. Il rêvait de le voir se tordre de douleur alors qu'il lui presserait le cou de toutes ses forces. Son corps qui perdait en vitalité, ses cris étouffés, ses pupilles dilatés... un pure délice !

— Fais vite, les clients se plaignent de la lenteur du service.

— Et bah je suis désolé, mais tu leur diras que je fais de mon mieux, là.

Des éclats de rire fusèrent de partout, se mélangeant au vacarme des marmites en ébullition et des couteaux martelant les planches à découper. Nabil serra fortement la spatule qu'il tenait entre ses doigts et dans un geste de résignation, continua sa tâche. C'était lui qui se chargeait de la préparation des mets à la place d'Antony aujourd'hui. Pour être tout à fait honnête, il peinait à cuisiner au même rythme que les autres. C'était sa première fois tout de même !

Et puis qu'est-ce qui lui avait pris à Terrence de le mettre aux fourneaux ? Avait-il réfléchi aux conséquences ou était-ce une forme de punition pour son manque d'assiduité ? Il ne comprendrait jamais ce vieux et ses décisions sur un coup de tête. Quelqu'en soit les raisons, seul Pizza Express en subissait les conséquences puisque le service était moins efficace que d'ordinaire.

En même temps qu'il avait les yeux scotchés sur le livre de recettes, Nabil rajouta deux cuillères à soupe et demi d'huile d'olive dans la casserole. Il versa ensuite les oignons coupés, l'ail et le poivre dans la marmite puis remua le tout pendant quelques minutes. Il fit telle que la recette lui dictait, étape par étape et obtint une soupe lisse finissant ainsi la préparation.

— Voilà ! s'exclama le blond, fier de lui.

— Il était temps. J'ai bien cru qu'on allait y passer la journée.

— Rémi, ta gueule. J'en peux plus de toi.

— Ça suffit vous deux, s'immisça Terrence en s'approchant. Rémi va servir la table cinq. Je crois qu'ils ont assez attendu comme ça.

— Ah non pas si vite, rétorqua Ayane.

Cette dernière fît une analyse du plat. Elle prit une cuillère qu'elle plongea dans l'un des bols de soupe et la porta à ses lèvres. Une grimace redessina le coutour de la bouche de L'ex-prisonnier lorsque la jeune femme poussa un gémissement de dégoût. Remey pouffa de rire.

— Maintenant on va devoir servir de la merde à cause de toi, starlette, dit-il.

— Raconte pas n'importe quoi, ça peut pas être si mauvais, hein ?


— Tu feras mieux la prochaine fois, lui dit Ayane en ébauchant un sourire jaune. Antony ?

Sans un mot, le chef cuisinier prit la place de Nabil et refit la cuisson. A la fois offensé qu'elle puisse rejeté son plat et déçu d'avoir échoué au premier essaie, Nabil retira son tablier. Il déposa son calot sur le plan de travail.

Les ombres du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant