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   L'avertisseur sonore résonna à travers toute la maison. Une. Deux. Trois fois et personne pour répondre. Agacé par ce son qui lui martyrisait les tympans, Luda s'extirpa de sa chambre et descendit au rez-de-chaussée après le quatrième retentissement. Fou de rage contre le personnel de chez lui, il ne manqua pas de faire connaître son irritation à haute voix. À quoi leur servait-il d'avoir une multitude de serviteurs s'il n'y avait pas une seule âme errante pour ouvrir une foutue porte, maugréa-t-il en cours de route.

   Le jeune homme ne donnait pas cher de la peau de ce visiteur indésirable qui le dérangeait alors qu'il se reposait tranquillement. Plus trop habitué à la vie universitaire, sa journée avait été excédante. Marcher à travers les couloirs à la recherche de ses salles de classes ainsi que des amphithéâtres fût pénible. Il doutait franchement de sa capacité à supporter ces déplacements inutiles en plus de ses crétins d'étudiants tous les jours.

   Pas une fois il n'avait été en paix. Certains étaient venus soit disant lui souhaiter la bienvenue, attention qu'il avait trouvé futile. D'autres avaient débarqué pour lui taper la causette, comme si cela l'enchantait de papoter avec eux. Sans oublier ces filles bien trop maquillées qui lui avaient fait les yeux doux en plus de Sena et Elsie, Dieu du ciel !

   Ces deux-là ne l'avaient pas lâché de l'après-midi, bien trop heureuses de le revoir parmi eux. Elles piaillaient tellement qu'il crut devenir sourd. Heureusement, la présence de Kharis avec qui elles étaient en froid, l'avait sauvé. Luda n'aimait pas être redevable, mais il devait bien reconnaître que la venue de Tête d'ananas lui avait épargné les récits fabuleux de ses amies excentriques. Il penserait à lui offrir une boisson en guise de remerciement à cet accro de l'informatique. Pour le moment, aucunes d'Elsie et de Sena ne savaient que lui aussi soutenait Nabil. D'ailleurs vivement qu'elles le sachent pour qu'elles le laissent respirer. Dans le cas contraire, c'en était fini de lui.

   Au rez-de-chaussée, Luda croisa Erein, sa belle-sœur. Une femme élancée au cheveux blond foncé coupés en carré, aux yeux noisette et à la carnation délicate. Vêtue d'une robe fleurie légère qui ne laissait rien transparaître de sa grossesse puisque son ventre n'était pas proéminent, l'épouse de son aîné se dirigea vers la grande porte d'entrée. Le jeune homme perdit un peu de son mécontentement lorsque la dame lui dédia son sourire à faire craquer même le plus hargneux des hommes.

   Il l'appréciait bien, Erein. Pour quelqu'un qui ne s'attachait pas facilement aux gens, éprouvant encore quelques difficultés avec ses amis, la gente dame avait su briser ses barrières et se trouver une place, infime soit-elle, dans son cœur. Luda aimait sa compagnie. Elle n'était pas ennuyeuse, parce que les gens ennuyeux, il les détestait.

   Le jeune homme se demanda comment Ivan avait réussi à se dénicher une femme aussi charmante et douce que sa belle-sœur, lui qui pourtant avait du mal avec la gente féminine ? Son grand frère avait intérêt à lui passer quelques tuyaux. Ou peut-être que toutes les femmes de la lignée des Wheeler étaient comme la compagne de son aînée ? Ce qui signifirait alors que Heley avait ces attraits là, aussi. Luda y songea un bref instant puis balaya aussitôt cette idée de son esprit. La fatigue lui faisait dire des bêtises.

   Luda dissuada Erein d'ouvrir la porte. la jeune femme retourna docilement à ses occupations, le laissant se charger de leur éventuel invité.

   Cinq. Six. Le carillon retentit une septième fois. Le brun jura entre ses dents et regarda dans l'interphone. Comme si on déversait brusquement de l'eau glacée sur lui, son agacement se dissipa pour laisser place à de la confusion.

— Luda, c'est nous ! cria Collins

— On a ramené des collations, poursuivit Lee.

— Azy, ouvre la porte mec, ajouta Nabil

Les ombres du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant