Les ombres du passé

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La cloche retentit dans tout l'établissement, signalant la fin des cours. D'un mouvement presque automatique et pressé, les étudiants rangèrent leurs affaires. L'autorisation du professeur donnée, tous sortirent l'un après l'autre hors de la salle. La journée s'achevait enfin.

Encore clouée sur son siège, les bras croisés sur son pupitre, Heleyna Wheeler regardait par la fenêtre le groupement de jeunes qui se formait dans la grande cour centrale. Dans un brouhaha similaire au bourdonnement des abeilles, tous se dirigeaient vers la sortie principale. Une monotonie ennuyeuse qu'elle avait pris pour habitude d'observer tous les jours, à la même heure.

Notant l'arrivée de sa voiture devant les grilles forgées de l'université, Wheeler se leva de son assise et alors qu'elle quittait de la pièce, tomba nez à nez avec Elsie Reyen, une blonde aux yeux bleus d'un mètre soixante-dix et Sena Moore, une rousse aux grands yeux verts qu'elle détailla. Tandis qu'Elsie était vêtue d'une magnifique robe t-shirt kaki et de bottines, Sena, quant à elle, portait un chandail blanc comme neige, un jean slim et des converses.

Aux côtés de ses deux beautés aux formes proportionnées et au look impeccable, Heley eut l'impression de ressembler à un sac poubelle dans sa salopette en jean ample avec ses cheveux bruns relevés en une queue de cheval décoiffée.

— Je savais qu'on te trouverait ici, dit Sena d'une voie enjouée.

— Salut les filles, vous avez besoin de moi?

— On fait une virée, ça te dis de venir ? lui proposa Elsie. Avec les examens de fin semestre en approche, on a pas vraiment le temps de se voir. Alors, avec Sena on s'est dit qu'une virée pour s'amuser un peu ne nous ferait pas de mal.

— C'est une super idée, vraiment. Malheureusement le chauffeur est là et je dois...

— Non s'il te plait, ne commence pas, coupa la rousse en s'accrochant à son bras. Allez quoi, ça remonte à quand notre dernière sortie en groupe?

À une éternité, pensa-t-elle, consciente du recul qu'elle avait pris vis-à-vis de ses amis.

Par le passé, Heley n'aurait jamais hésité à sortir s'amuser avec eux, car ils étaient pour elle, le meilleur moyen d'échapper à l'ennui et la solitude qui sévissaient dans son coeur une fois qu'elle rentrait chez elle. Ils lui avaient appris à être courageuse et pleine d'assurance. Sa nature timide avait fait d'elle une adolescente effacée peu sûre d'elle, à qui personne ne prêtait attention et que l'on évitait sous prétexte qu'elle était la fille d'un homme haut placé, mais avec eux, les choses avaient été différentes. Elle s'était sentie libre d'être elle-même, non pas la fille aînée d'un businessman. C'était avant que Nabil ne finisse en prison.

— Ça te fera du bien de sortir un peu. Et puis ton père sera d'accord, ajouta la blonde, la prenant elle aussi par le bras.

Son père ? songea-t-elle d'une lippe imperceptiblement moqueuse.

   Il ne refuserait jamais ouvertement, mais la jeune femme savait comment il réagirait s'il apprenait qu'elle était allée se divertir avec « ce groupe de jeunes turbulents » comme il aimait surnommer ses amis. Bien qu'il connaisse chacun d'eux personnellement, ayant quelques affaires avec certains de leurs parents, Harry Wheeler n'appréciait pas particulièrement ses compagnons, pire depuis l'épisode noire de leur vie, il y a de cela deux ans. Il la laissait peut-être continuer son train de vie habituel, mais surveillait néanmoins ses sorties.

— Promis on ne tardera pas trop, poursuivit Sena pour la convaincre. En plus, Neville sera de la partie. Tu n'as aucun soucis à te faire.

À la mention du nom du jeune Sullivan, Heley roula des yeux. Si l'envie de les suivre lui avait traversé l'esprit ne serait-ce qu'une seconde, celle-ci fût très vite dissipée. Ce prétentieux imbu de lui-même l'agacé au plus haut point. Certes, il était gentil et attentionné avec elle, mais son caractère quelque peu intrusif lui déplaisait fortement. La jeune femme ne l'appréciait pas tant que cela. Malheureusement que ce détail, ses amies ne le voyaient pas. Lui rabachant sans cesse les oreilles à son sujet, l'incitant à lui donner une chance car paraissait-il, l'héritier de la famille Sullivan aurait le béguin pour elle. Ce dont elle refutait. Pour Heley, Neville la considérait seulement parce qu'elle était la fille d'Harry Wheeler, président directeur général d'une chaîne d'entreprise internationale.