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— Tu as grandi, dit Dereck en le détaillant de haut en bas. Ton séjour à la prison de Belmarsh t'as fait du bien, à ce que je vois.

Aucun mot ne sortit de la bouche de Nabil. Il l'avait entendu, mais son esprit était à des années lumières de là où il se trouvait. Plus précisément dans le passé, deux ans et demi en arrière. Il se revoyait dans l'usine désaffectée en compagnie des différents membres que constituaient la Croix Rouge, le gang de N.

Un frisson lui traversa la colonne vertébrale, ses poils se hérissèrent. À mesure que son visage perdait des couleurs, toutes les craintes enfouies au plus profond de son être émergeaient tel un virus se répandant dans son système immunitaire et ravageant ses défenses. En une fraction de seconde, Il se retrouva démuni et mis à nu devant Dereck qui ne le quittait pas des yeux.

— Qu'est-ce qui t'arrives ? On dirait que t'as vu un fantôme, pouffa le gangster.

Nabil usa d'une force surhumaine pour reprendre contenance et se forger un masque d'impassibilité pour éviter à son interlocuteur de croire qu'il avait le dessus sur lui. Il s'agissait peut-être d'une simple discussion banale, mais perdre la face serait comme accepter l'emprise qu'ils détenaient sur lui et sa soumission.

L'ex-prisonnier ignora sa blague de mauvais goût. Son visage d'ordinaire jovial disparut derrière la carapace forgée pendant sa période d'incarcération pour lutter contre le déluge du monde extérieur. Il contracta ses poings et se mit en garde.

— Qu'est-ce que tu viens faire ici ?

— Te rendre visite, ça ne se voit pas ?

— Tu n'as rien à faire ici, cracha-t-il amèrement.

— Pas la peine d'être agressif, je viens en paix.

Dereck fit un pas vers le jeune homme. Les sens en alerte, Nabil en fit un en arrière.

— N'approche surtout pas.

— Du calme, soupira le gangster. Je sais qu'on a eu des différents par le passé, mais c'est pas une raison pour être violent. Je ne te savais pas si rancunier.

   Dereck porta son regard sur la maison qui s'étendait derrière Nabil et siffla d'émerveillement.

— Pas mal la maison. C'est ici que tu vis avec Jamal. Jamal Harrison, je me trompes ?

Le cœur de Nabil fit un bond. Il perdit patience.

— Je t'interdis de prononcer son nom, connard.

— T'es devenu cinglé ma parole.

— Et je te préviens, ne remet plus jamais les pieds ici ou tu auras à faire à moi.

Nabil se détourna de lui, mais Dereck lui empoigna fermement la main lui empêchant de s'en aller. Son regard se fit plus obscur et sa voix plus dure.

— Hé, ne me tourne pas le dos, j'ai un message pour toi. Fais un mouvement de plus et t'es un homme mort.

Dereck souleva les pans de son t-shirt qui dépassent sous son pull et lui montra le calibre rattaché à sa ceinture. Nabil se laissa faire docilement.

— C'est plutôt toi qui serais un homme mort, si tu ne le lâches pas tout de suite.

— Fais vite ou je n'hésiterai pas à te mettre une balle dans la tête.

Contre toute attente, Sam et Nath, deux policiers de la brigade encerclèrent Dereck, chacun une arme tendu dans sa direction. Nabil retint son souffle, ahuri par ce retournement de situation inédit.

Les ombres du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant