Les ombres du passé

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— Surtout faites attention en rentrant, leur dit Erein en son rôle d'aînée qu'elle prenait très au sérieux. Pas seulement avec Heley sa cousine et Luda le frère à son mari, mais avec tout le groupe qu'elle connaissait depuis leur bas-âge.

   La gente dame quitta le palier de la porte, délaissant Othman qui se tenait droit comme un piquet, l'air soucieux pour s'empresser de prendre sa cousine dans ses bras. Heley répondit de tout cœur à son étreinte tout en prenant soin de ne pas la brusquer. La nouvelle de la grossesse d'Erein encore fraîchement imprégnée dans son esprit, la jeune femme craignait de manquer de tact et de lui causer du tort. Chose plutôt difficile à faire, ne sachant comment se comporter avec une femme enceinte. C'était tout nouveau pour elle. Elle se doutait bien que c'était absurde de paniquer à l'idée de faire un câlin à sa seule cousine sous prétexte qu'elle attendait un enfant, mais ne pouvait refouler cette peur qui la tétanisait presque. Son inquiétude s'envola sitôt qu'elle apparut lorsqu'Erein la plaqua avec force contre sa poitrine.

— Tâchez de veiller les uns sur les autres, poursuivit Erein alors qu'elle passait une main tendre sur le visage de sa cousine.

   Des réponses plutôt vagues et mal formulées s'en suivirent. Erein ne chercha pas à comprendre les mots incompréhensibles que débitaient les garçons alors qu'ils se chamaillaient entre eux et continua de prodiguer des conseils à Heley, notamment sur Nabil en qui elle n'avait pas foi, mais à qui elle accordait le bénéfice du doute puisque sa cousine lui faisait confiance. La gente dame s'écarta d'Heley après avoir deposer un baiser sur sa joue.

— Prends soin de toi, Heley.

   Heley lui fit un signe de la main tout en s'éloignant rejoindre les garçons. Ils descendirent un chemin de pierres bordé de feuilles et de fleurs qui montaient le long d'un talus. Alors que la troupe gagnait l'extérieur du domicile, la voix de Erein leur parvint une dernière fois :

— Et toi Luda ne tarde pas trop dehors. Tu ne t'es pas bien couvert, je ne veux pas que tu tombes malade. Reviens vite, d'accord ?

Il l'appréciait bien, Erein. De toutes les compagnes de son frère Ivan, elle était de loin la plus raisonnable. Mais parfois, elle le jetait au fond du gouffre sans s'en rendre compte et c'était regrettable. Luda se prépara au pire. Il feignit l'indifférence lorsque ses amis lui lancèrent leur regard qui en disait long sur leurs intentions mesquines.

— Ce qu'il peut être fragile notre petit Luda, ça me donne presque envie de tirer sur ses joues.

La phrase faussement innocente de Kharis fut le top départ des souffrances de Luda, assailli par Lee et Collins. Les deux jeunes hommes prirent un malin plaisir à le narguer sachant pertinemment que leur camarade ne supportait pas les moqueries. Malgré son stoïcisme apparent, il finirait par mordre l'hameçon et péter un câble. Luda céda au bout de deux minutes.

Luda repoussa Lee lorsque ce dernier tenta de mettre son bras par dessus ses épaules. Il perdit l'équilibre et se cogna soudainement à Nabil, qui, n'ayant pas participer à l'échange car obnubilé par le fil de ses pensées, pencha légèrement la tête sur le côté pour les observer. Dans la nuit noire, les rayons de l'astre lunaire incendièrent sa silhouette élancée et recouvrèrent ses cheveux d'un éclat bleuté. Il baignait dans un halo de lumière lui attribuant un côté presque irréel, fantomatique. D'un simple regard mélancolique, il fit taire l'hilarité de ses compagnons soudainement perturbé par  son comportement.

— Qu'est-ce qui t'arrives ? Lui demanda Kharis lorsqu'il reprit ses esprits.

— Tu n'aurais pas dû accepter la proposition Othman, lui reprocha-t-il fermement.