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Parfait, mon cul, rouspéta Nabil.

   Ce plan ne lui plaisait pas, alors là pas le moins du monde. L'idée de voir Heley aux côtés de cet imbécile de Neville ne l'enchantait guère. Tout son être entier refuser d'imaginer la demoiselle aux bras du jeune homme aux cheveux étrangement cendrés qui ne l'inspirait que mépris et amertume. Rien que le fait d'y penser le mettait en rage. Il ne connaissait pas personnellement Neville Sullivan, arrivé dans la ville après son incarcération, mais le peu qu'il avait vu démontrait que le garçon était nuisible.

   A première vue, Neville Sullivan donnait l'image du parfait jeune homme bien éduqué, gentil et serviable. Du fait de son passé peu glorieux, Nabil ne pouvait prétendre concourir avec lui afin d'obtenir ce titre flatteur. Néanmoins, l'ex-détenu doutait du caractère simpliste et surfait que Neville s'attribuait. Il avait abdiqué certes, mais il ne ratifiait pas.

— Ça ne te sers à rien de bouder, la majorité l'a emporté.

   Avec certaines personnes, Nabil aurait pu vider son sac en leur crachant sa haine, son aigreur et tous les sentiments d'insécurités qui l'habitaient. Même si ces gens ne pouvaient comprendre ses motivations, ils l'auraient au moins écouter. Tous, sauf Kharis.  Parce que Kharis s'en foutait pas mal de ce qu'il pouvait ressentir, parce que Kharis ne parlait pas le langage des sentiments, mais celui de la raison et elle uniquement. Qu'il soit énervé ou non par l'implication d'Heley dans leur manigance, Kharis s'en fichait totalement.

   Foutu Tête d'ananas ! Si seulement il ne lui manquait pas cette faculté intuitive de se mettre à la place des autres, il remonterait alors un peu plus dans son estime. N'ayant d'autres choix que de se taire pour éviter une dispute inutile, Nabil lui tourna le dos.

   Lee ferma l'application dans laquelle il trainait puis verrouilla l'écran de son téléphone qu'il fit glisser dans la poche de son pantalon. Il pencha la tête dans le vide et prit appuie sur le pied de la table pour se balancer sur sa chaise avant de relancer la conversation.

— J'sais pas vous, mais j'ai l'impression d'être dans un de ses films sur la mafia russe. Genre « Les Promesses de l'ombre ».

— Moi j'aurais dis « Tokarev », répliqua Sean, soudain très inspiré. Il y a des similitudes dans le scénario. On parle d'un ancien criminel.

— « The Equalizer » aussi pourrait le faire, suggéra Collins, le regard rivé sur le plafond. Là aussi on parle d'un gars qui abandonne son passé mystérieux.

— Ne me dites pas que vous êtes sérieux ? Intervint le blond sans cacher son agacement. Les gars, c'est ma vie que vous comparez à un film de mafieux.

— Avoue que c'est drôle.

— Y'a rien de drôle là dedans, Lee.

— Décompresse ! Pas la peine de t'enflammer, lui dit-il sur un ton humoristique.

   Le jeune homme préféra se lever et sortir de la pièce. Il était à fleur de peau. Toute cette histoire lui montait à la tête et le fait que ses amis puissent plaisanter à ce sujet le mettait en rogne. Ça ne l'amusait pas du tout. D'un mouvement rapide, Nabil buta dans un petit caillou. La pierre alla se heurter contre le vieux pneu qui trônait un peu plus loin. Il recommença le mouvement en applicant chaque fois plus de force.

   Etrange fut-il, buter dans ces pierres lui procura un semblant de quiétude. Il extériorisait toute cette frustration, cette rancune et cette frayeur qui consumaient son âme petit à petit. Son tempérament de feu aussi s'atténuait grâce à ce simple geste alors il continuait et frappait toujours plus fort.

Les ombres du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant