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   Nabil sortit en trombe, claquant la porte derrière lui. Et ne se retourna pas une seule fois, malgré les cris incessants de Kharis qui l'avait suivi. À grandes enjambées, il arriva très vite sur la route bondée.

   Sans ménagement, le jeune homme se fraya un chemin au milieu des passants et se fondit dans la masse, se recouvrant la tête de la capuche de son pull qu'il avait pris sur le porte-manteau à la hâte. D'un pas pressé, il se faufila parmi les gens et se retrouva bien vite sur la grande place centrale presque vide à cette heure du soir. Et bifurqua ensuite sur sa droite, dans une ruelle assez sombre qu'il longea. Le bruit qu'émît ses pas sur le dallage firent écho avec les battements de son coeur. Tel un bourdonnement, les martèlements frénétiques de son organe vital se confondirent au bruit qui l'entourait. Nabil ne discernait rien d'autre que sa colère.

   Ce qu'ils l'avaient soûlés, tous autant qu'ils étaient. Des merdeux, voilà ce qu'ils étaient, des pov' petits merdeux. D'abord Deiko qui le provoque ouvertement puis Sena qui ne se gêne pas pour le toiser. Collins et Lee qui le snobent littéralement ensuite Tony qui le traite de criminel puis Elsie... Il serra des poings.

   Comment pouvait-elle lui dire ça ? Le reniait-elle au point de lui balancer des horreurs pareilles à la figure sans aucuns remords ? C'était impossible, pas elle... Pas elle ! Elle ne pouvait penser ce qu'elle disait. Et le pire de tous, ce bouseux de Neville. Nabil donna un coup dans une poubelle, faisant surgir un chat noir qui s'enfuit en miolant.

   D'où sortait ce crevard ? De quel droit se permettait-il de le traiter de criminel ? Ils ne se connaissaient pas et de ce fait, n'avait aucun droit de le juger, quand bien même toucher Heley, il n'avait pas son mot à dire, il n'était pas son père.

— Fais chier, ragea le blond en donna un coup dans le mur, s'écorchant la peau au passage.

   Et bien que sa main, quoique douloureuse saignait, il y prêta nullement attention.

   La prochaine fois, ce merdeux ne s'en sortirait pas aussi facilement. C'était une promesse qu'il se faisait.

— Houla, tu m'as l'air remonté comme jamais mon petit, s'enquit une voix enrouée.

   Pris par surprise, Nabil se tourna vivement sur sa droite. L'homme aux cheveux poivres et aux yeux sombres qui s'adressait à lui faisait dans la quarantaine. Vêtu de haillons et adossé à un mur crasseux, il était couché sur du papier carton et fumait une cigarette tout en buvant sa bouteille d'alcool.

— Des problèmes de coeur ? Tu t'es fait larguer ?

   N'obtenant qu'un silence en retour, le quadragénaire en déduisit qu'il eut raison et secoua vivement la tête.

— Ô la pétasse ! s'exclama-t-il. Les femmes sont toutes des hypocrites. Crois-moi, elle ne sait pas ce qu'elle rate.

   Si seulement tu savais, ne put s'empêcher de penser le jeune homme. Il eut un regard exaspéré.

— J'en ai rencontré une aussi, il y a quelques années de cela. Catherine, une vraie gueuse.

   L'homme d'âge mûr but au goulot de sa bouteille de vodka puis tendit au garçon une seconde qu'il cachait sous son lit de fortune.

— Tiens, prends-ça. T'en auras besoin. Et ça aussi, dit-il en lui proposant également sa cigarette. Dans ce genre de situation, c'est le meilleur remède.

   Sans réfléchir, Nabil lui prit la bouteille de vodka ainsi que la clope et se remit en route. Il sortit du centre-ville et remonta le chemin de terre battue. Elle séparait la zone occupée de l'espace inhabitée de Biggin Hill où tous les remparts et les édifices ayant existé dans une autre vie, avaient tous disparus pour ne laisser que des débris derrière eux.

Les ombres du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant