Les ombres du passé

12•

   Contre toute attente, ils arrivèrent devant la demeure en pierres blanches de Kolton Daniels, réaménagée en boite de nuit pour célébrer l'approche des examens de fin semestre. Les épaules de Heleyna s'affaissèrent, à la fois dépitée parce que les étudiants se cherchaient tout un tas de raisons plus farfelues les unes, les autres pour pouvoir faire la fête, et parce que Kharis les y avait conduit. C'est vrai, elle ne pouvait le nier, ses amis l'avaient tenus informer de l'heure à laquelle ils débarqueraient afin qu'ils puissent tous se retrouver. Mais en restant avec Nabil, Heleyna pensait pouvoir trouver un moyen de s'éclipser. Elle avait clairement oublié que Tête d'ananas ne restait pas moins un jeune comme les autres qui aimait bien s'amuser.

   Assis dans la voiture garée sur la route, ils observaient tous les trois la maison envahie par des vignes s'étendant sur le côté et où était écris en grand sur le mur blanc, « Daniels ». La demeure vomissait des rayons de lumière multicolore par moment et laisser échapper de cris de joie capables de réveiller les morts. Nabil, ne comprenant pas ce qu'il faisait là, haussa un sourcil circonspect.

— On est où là ?

— À une fête, mon vieux.

— Une fête, tu dis ?

— Une fête tout ce qu'il y'a de plus normal. Y a pas meilleur moyen pour décompresser. Tu vas voir, on va bien s'amuser, à tel point que tu oublieras tous tes soucis.

— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, Kharis, dit l'ex-prisonnier, peu enclin à se mélanger aux autres. Il serait vu d'un mauvais œil et l'idée d'être un animal de foire ne lui plaisait pas plus.

— Fais pas ta chochotte, ça fera plaisir à Heley, pas vrai ?

   Kharis fit un clin d'œil à la jeune femme restée muette jusqu'à lors. Heley rougit, consciente que son ami se servait d'elle pour convaincre Nabil. Tête d'ananas fit tourner la clé dans le trou de serrure et le moteur de la voiture s'arrêta. Le jeune homme se tourna complètement vers l'ex-prisonnier installé sur la banquette arrière et l'asséna d'un raisonnement plausible alors que ce dernier s'entêter à refuser de le suivre.

— Nabil, tu as purgé ta peine. Tu ne referas sûrement plus les mêmes erreurs alors arrête de croire que t'es un monstre. Tu as le droit de t'amuser et de profiter de la vie.

— Tu ne comprends pas, persista Nabil. C'est pour vous éviter des problèmes avec les autres que je refuse.

— On est conscient de ce qu'on fait, tu sais.

— Kharis a raison, intervint Heley à son tour. T'en fais pas pour nous et surtout, cesse de craindre. Tu es un homme libre, ne l'oublie pas.

Voyant qu'il n'arriverait à rien avec ses deux amis bien décidés à lui tenir tête, Nabil abdiqua. Kharis lâcha un cri de victoire et sauta hors de la voiture.

À peine franchirent-ils le seuil de l'entrée que le noiraud disparut quelque part dans la baraque remplie de jeunes bourrés, à demi-mort ivres. Il était sûrement allé rejoindre quelques uns de ces potes intellos, conclut l'ex-prisonnier alors que son regard se perdait sur la foule. Il grimaça à la vue de deux jeunes qui s'embrassaient ou plutôt, qui se dévoraient mutuellement la bouche. Du coin de l'œil, il vit Heley virer au cramoisi et se racla la gorge.

— Eh bien, je crois que je vais aller me servir un truc à boire.

— Je vais faire un tour histoire de trouver les filles.

N'y voyant pas d'inconvénient, Nabil acquiesça. Ils se séparèrent, prenant chacun un chemin différent. Il se dirigea vers ce qui semblait être la cuisine et la jeune femme s'enfonça davantage dans la maison bondée.