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— Laisse-moi te raccompagner.

— Non, surtout pas, paniqua Heley. C'est inutile, je vais y aller toute seule.

— Je sais que t'en es capable mais te laisser rentrer seule au beau milieu de la nuit est risqué. Je viens avec toi.

— Non, répliqua-t-elle vivement.

   Le jeune homme sursauta, surpris par sa soudaine réaction. Wheeler porta sa main à son front qu'elle frotta activement. Elle avait soudain mal à la tête et transpirait à grosses gouttes. La peur qui lui tiraillait le ventre en était sûrement la cause.

— Crois-moi, il serait plus judicieux si tu ne m'accompagnais pas. Mon père ne serait pas content s'il te voyait débarquer à mes côtés à la maison.

— Dans ce cas je vais dire à Kharis ou à Sean de le faire.

— Ne les dérange pas, je peux y aller par moi-même. En plus, j'ai besoin de réfléchir.

— Tu es sûre que ça va, Heley ?

   Non, aurait-elle hurlé. Bien sûr que ça n'allait pas. Elle était morte de frousse à l'idée de rentrer chez elle et de se confronter à son père. Son organe vital battait chaque fois plus vite à mesure que les minutes s'écoulaient et elle risquait d'avoir un infarctus dans peu tant son inquiétude était grande. Mais, elle devait garder son sang froid, le temps de quitter la maison de Kharis et de n'éveiller aucun soupçon. Nabil n'avait pas lu les messages, il ne savait rien de ce qu'il se tramait.

— Oui tout va bien. J'ai juste envie de rester seule.

— Si c'est au sujet des filles, j'ai dit que...

— Je sais, ne t'en fait pas.

— Bon bah dans ce cas, à la prochaine alors ?

   Heley sembla opiner puis s'éclipsa bien trop rapidement au goût de Nabil qui se demandait ce qui lui arrivait. Incapable de mettre un mot sur le changement brusque de sa camarade, il rebroussa chemin et alla rejoindre les autres, tous agglutinés devant Apex Legends.

   Fort heureusement, la maison de Kharis ne se trouvait pas très loin de chez elle. Il lui suffisait de descendre la ruelle et de traverser l'avenue plantée d'arbres pour atteindre sa destination. En quinze minutes de marche, la jeune femme arriverait devant la muraille de mosaïque en pierres polies. Celle qui séparait le monde de sa prison dorée. Le voyage aurait été bien plus rapide en taxi certes, mais elle avait besoin de se préparer mentalement à la confrontation avec son père.

   Qu'y avait-il de si urgent que même Annaelle panique ? Avait-elle commis une faute ? Qu'elle sache, elle n'avait rien fait. Rien ne lui venait à l'esprit et cela l'agaçait énormément car elle n'avait aucune idée de ce dont son père voulait lui parler. C'était stressant à en mourir. La jeune femme détestait ces appels ou ces messages qui ne lui révélaient pas grand chose, mais qui la jetait du bord de la falaise. L'ignorance lui foutait les boules au ventre. Heley porta la main à sa poitrine et tenta d'apaiser les battements de son cœur. Mieux valait éviter de se prendre la tête maintenant, elle finirait par le savoir. Alors autant se calmer, se dit-elle.

   Heley arriva chez elle bien trop rapidement à son goût. Le temps s'était écoulé à un rythme normal qui lui avait paru accéléré. Elle franchit le seuil de la porte et fut frappée par l'ambiance glauque qui régnait dans le hall. Kate, la servante, d'ordinaire joyeuse lui parut moins guillerette. La domestique la débarrassa de son sac et de sa veste sans lui porter la moindre attention ni essayer de faire la discussion. Son attitude détachée vivifia la crainte de la jeune femme. Elle se mordit l'intérieur de la joue par réflexe.

Les ombres du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant