Les ombres du passé

41•

— Vous devriez rentrer vous reposer.

   Léonard n'eut droit qu'à un silence en retour. Aucun des étudiants présents ne lui répondirent. Tous prisonniers des pensées obscures qui tourbillonnaient dans leur cage cérébrale. Ils étaient ailleurs, bloqués dans la machine à remonter le temps qui ne cessait de leur faire revivre l'arrestation de Deiko. Et sûrement que rentrer ne faisait pas partie de leur plan. Le technicien principal poussa un long soupir. Il s'y attendait, ç'aurait été trop facile s'ils abdiquaient à sa requête aussi docilement.

— Vous êtes fatigués.

   Le mot paraissait faible pour décrire l'état physique et psychique dans lequel ils se trouvaient. Ils ressemblaient à des monstres tout droit sortis de cauchemars d'enfants avec leurs vêtements sales et leurs mines affreuses. Léonard se frotta les yeux. Il était tout autant épuisé qu'eux, la soirée avait été longue.

   Léonard s'avança vers la bande d'amis assis sur le banc contre le mur en face du laboratoire de la DTS où l'agent Kaleb Anderson somnolait et leur tendit les bouteilles de boissons énergisantes qu'il avait acheté à chacun. Assis là, ils attendaient le compte rendu de l'agent Marlyn et Karl de pieds fermes.

— Buvez, vous vous sentirez mieux après.

— Se sentir mieux ? répéta Kharis d'une voix faible. Comment se sentir mieux après une soirée aussi mouvementée?

— Commence d'abord par boire ça, insista le technicien.

— Ce n'est pas ça qui va m'aider à me sentir mieux.

— On a failli se faire exploser au musée, votre coéquipier et mon frère sont entre la vie et la mort à l'hosto, Deiko est accusé d'être le complice de la Croix Rouge et toi, tout ce que tu trouves à nous dire c'est de boire une boisson énergisante? Comme si on en avait quelque chose à faire de ta boisson énergisante, pesta Luda en passant une main sur son visage.

— C'est idiot je sais, mais ça vous aidera à tenir un peu plus, au moins jusqu'à l'arrivée de l'agent Marlyn et de Karl.

— T'aurais pu nous prendre du café alors, signala Luda.

   Le technicien principal se retint de faire une remarque cinglante et de lui lancer la cannette. En plus de se plaindre, Luda était aussi exigeant que son chef. Léonard assuma que ce comportement était un trait de famille et laissa tomber.

— Je n'arrive pas à croire que tout ça se soit passé en l'espace de quelques heures, souffla Nabil, toujours dans un état de choc.

— Moi non plus, renchérit Heley assise à ses côtés. On se croirait dans un rêve.

— Dommage que ce soit la réalité, dit Léonard. Je ne me rappelle même plus la dernière fois que j'ai autant bossé.

   Le technicien de la DTS étira son corps endolori à force d'être resté assis devant les écrans toute la soirée puis ajouta :

— Ça doit remonter à notre dernière altercation avec la Croix Rouge.

— Ces salauds nous font vivre l'enfer, grogna Kharis en serrant les poings. Putain, mais qu'est-ce qu'ils cherchent? J'en peux plus d'eux.

— Va savoir, soupira Luda.

   Le claquement des talons de l'agent Marlyn sur le carrelage les fit relever la tête en sa direction. Nabil et ses amis se levèrent immédiatement du banc lorsqu'ils la virent venir vers eux en compagnie de l'ingénieur. Elle leur fit un signe de tête, leur indiquant de la suivre dans la pièce d'en face. Ils s'exécutèrent.