Les ombres du passé

20•

    La porte en métal émit un grincement assourdissant alors qu'elle s'ouvrait, laissant filtrer une lueur jaunâtre. Une ombre s'infiltra dans la pièce plongée dans l'obscurité et appuya sur l'interrupteur. Nabil ferma brusquement les paupières, incapable de supporter la lumière qui éclairait désormais la pièce et cligna des yeux à maintes reprises avant de s'accoutumer.

   Doucement, il porta ses billes bleus sur le nouveau venu. Ce n'était autre que N, vêtu de son habituel manteau noir imprimé de croix rouges qui lui couvrait même la bouche. L'homme svelte à forte carrure arborait un regard rempli d'animosité qui fit frissonner Nabil et l'obligea à détourner les yeux. Enchaîné contre la parois glaciale recouverte de moisissures, il se recroquevilla sur lui-même, plongeant sa tête au creux de ses bras.

— C'est comme ça que tu m'accueilles ? Je suis assez déçu.

Le blond fit mine de ne rien entendre, il ne tint compte de son bourreau et garda la tête baissée.

   N retira son manteau qu'il mît sur la chaise placée au beau milieu de la pièce vide, aux murs crasseux d'un blanc terne, avant de se planter devant Nabil et de s'accroupir à son niveau. Il empoigna les cheveux du garçon sur lesquels il tira pour l'obliger à relever la tête. Nabil grimaça de douleur.

— Tu as une sale mine, dit N alors qu'il étudiait son visage.

   Du sang dégoulinait de son front et de son nez. Il avait des bleus partout, une coupure au niveau de sa lèvre enflée et de l'arcade sourcilière.

— À qui la faute ? murmura Nabil.

— Tu ne m'as pas laissé le choix, répondit N en souriant.

   N lâcha finalement Nabil et s'écarta de lui. Il s'avança vers la table disposée dans un coin sombre de la pièce et s'empara de la bassine d'eau et du torchon qui s'y trouvaient puis revint vers le jeune homme. Doucement, il se mit à nettoyer ses plaies.

   Dégouté de recevoir de l'aide de sa part, Nabil tenta de se dégager, mais son bourreau lui empoigna fermement le visage, l'empêchant de se mouvoir. N darda sur lui un regard de remontrance qui le contraignit à rester tranquille.

— Ç'aurait pu être pire, ils auraient pu te tuer, lâcha N en passant le torchon sur le front du garçon.

— J'aurais préféré mourir que d'être là.

   N pouffa de rire, conscient qu'il s'agissait de paroles vaines. Malgré tout le courage que Nabil pouvait faire preuve, la mort restait un défi que le garçon n'était pas prêt à affronter. De plus, il avait encore besoin de lui.

— Je ne l'aurais jamais permis et tu le sais.

— C'est pourtant ce que je mérite pour avoir essayer de m'enfuir.

   Il ne lui répondit pas, se contentant de désinfecter ses plaies. Une veine pompa sur le front de Nabil, irrité par le comportement de l'homme en face de lui. Il ne comprenait pas à quoi ce dernier jouait. Qu'essayait-il de prouver, qu'il restait humain malgré toutes les atrocités qu'il avait commises et c'est pour cela qu'il l'aidait ? C'était insensé car rien ne pouvait réparer ce qu'il avait fait.

— Tu devrais me tuer, persista le blond.

— Toutes les vies ne sont pas à prendre, Nabil.

— Alors pourquoi tu les as laissés prendre celle de Miles ? enragea-t-il en le repoussant violemment. Sa vie à lui alors, elle ne comptait pas peut-être ? Pourquoi tu as fait ça ? Tout ce qu'il voulait c'était de partir.