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   Cela durait des heures qu'il était dans cette position, la tête collée au mur et les bras reposant de part et d'autres de ses jambes écartées. Depuis hier, le jeune homme avait les yeux grandement ouverts, perdus sur un point invisible. Errant entre le réel et l'abstrait, il ne dicernait plus le vrai du faux. Et ne savait pas si le bruit perpétuel qu'il entendait était l'œuvre de son imagination ou non.

   Le bruit ressemblait à des coups portés contre sa porte. Des coups qui s'intensifiait à mesure que le temps passait et qui ne semblaient pas s'arrêter. Etait-ce vraiment sa porte que l'on cognait ou lui-même dans un énième souvenir ? Le jeune homme ne savait plus. Il avait la sensation de se faire taper dessus à chacune de ces claques mais d'une autre part, ce bruit lui paraissait si loin qu'il n'était plus sûr. Tout s'embrouillait dans sa tête. Il était complètement à l'ouest et n'avait pas la force, ni même la volonté de se sortir de cet état de latence dans lequel il s'était égaré, un peu comme quand il se droguait avant. Nabil avala difficilement sa salive.

   Maintenant que Nabil y songeait, il en avait envie. Non, il en avait besoin. Juste un peu, histoire de se redonner du courage. Quoique nuisible, elle avait aussi ses biens faits. C'était un peu bête de se dire qu'il avait pu lutter contre ce désir brûlant et que pour une raison idiote, il en avait soudainement besoin. Si le docteur Reeds le voyait, elle l'aurait sûrement assommé avec une gifle monumentale. Mais bon, l'ex-prisonnier était faible, il n'avait plus la force de combattre. Puis comme le disait Nolan, il était...

   La porte s'ouvrît brusquement. La lumière du jour se fraya un passage dans la pièce. Nabil plissa les yeux et sa main fit office de barrière entre lui et les rayons du soleil, lui harcelant le visage. Kharis déboula dans la pièce et atterrit rudement au sol, tête la première. Il jura entre ses dents et épousseta ses vêtements. Sa main alla se poser sur ses cheveux crépus, retenus par un élastique qu'il remit en ordre tout en maugréant contre lui-même. Son regard percuta celui du blond. Ce dernier l'observait à peine. Il avait encore l'impression d'être dans un de ses souvenirs et dû scruter son ami un moment avant de se rendre compte qu'il n'était pas entrain de rêver. Kharis se trouvait vraiment dans sa chambre.

— Kharis, c'est toi ?

— Bien sûr que c'est moi, pauv' con, répondit-il, lasse. Tu peux me dire ce qui te prends ?

   Nabil pencha légèrement la tête sur le coté. Les sourcils froncés, il l'insista à poursuivre.

— Je cogne depuis tout à l'heure contre ta porte et toi tu restes assis là sans m'ouvrir. J'ai dû forcer l'ouverture, tsss. Voilà que maintenant on doit payer les réparations.

   Le jeune homme s'attarda sur la porte. Celle-ci pendait presque dans le vide puisqu'il l'avait défoncée pour pouvoir entrer. Il frotta machinalement son bras endolori.

— Si j'avais su que t'allais bien, je me serais pas déplacer. Jamal s'est fait un sang d'encre pour toi.

— Jamal ? répéta le blond un peu à l'ouest.

— C'est lui qui m'envoie. Il est passé te voir ce matin, mais tu n'as donné aucun signe de vie. Il s'est dit que t'étais peut-être parti un peu plus tôt à Pizza Express aujourd'hui, mais tu n'y étais pas quand il s'y est rendu et personne ne t'a vu de la matinée. Alors il m'a demandé de te chercher, ce que j'ai fait. Tout ça pour te trouver enfermer dans ta chambre. T'aurais pu le dire que tu te sentais pas bien. Ç'aurait éviter à ton grand père de s'inquiéter et à moi de perdre mon temps. Geez ! Bientôt mon cours de l'après-midi et j'ai la flemme maintenant.

— Désolé, souffla-t-il, indifférent.

   Ses yeux dérivèrent sur la pendulette. Elle afficha treize heures. L'ex-prisonnier se rendit compte que non seulement il s'était égaré dans l'espace, mais il avait perdu la notion du temps.

Les ombres du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant