Les ombres du passé

18•

— Tu es sérieux? se plaignit Nabil en arrêtant de manger pour lancer un regard courroucé à son ami.

Tous regroupés dans le salon de la demeure du père de Kharis, la petite équipe se remplissaient le ventre des nombreuses boites de nouilles qu'ils avaient commandé lorsque Kharis remit, pour la énième fois, le sujet sur la table.

— Non, parce que c'est surprenant.

— Je t'ai déjà tout expliquer.

— Reprend encore une fois, je pense pas avoir saisi complètement tout.

— Kharis, lâcha Nabil dans un murmure. Ce n'est pas dur à comprendre, bon sang ! Heley est venue me voir au Pizza Express. On est tous les deux partis se prendre un truc à boire pas loin, puis quand elle m'a laissé pour vous rejoindre au bahut, elle a fait tomber son bracelet par mégarde. Alors je me suis dit que j'allais le lui rendre, point barre. C'est comme ça que je me suis retrouvé à l'université. Voilà, t'es content ?

— Donc si je comprends bien, tu as risqué ta peau, sachant pertinemment que ça pouvait mal tourner si les autres te voient, ce qui a été le cas, tout ça pour un bracelet ?

Le blond, ne sachant toujours pas où Tête d'ananas voulait en venir malgré son sourire insistant, haussa des épaules.

— C'était pour Heley.

— Et quand bien même ! Qu'est-ce qui t'empêchais de le lui rendre un autre jour ? Je sais pas moi, genre, quand elle passerait au restaurant, par exemple.

— Je me suis dit que c'était important.

— Au point de te mettre dans le pétrin ?

C'était un peu idiot quand on y repensait. Les occasions de la voir ne manquait pas. Il lui suffisait d'être patient. Mais, il n'avait pas voulu attendre. Tout ça parce qu'il voulait passer plus de temps avec elle.

— Si ça peut aider...

Nabil s'empara d'une nouvelle boîte de ramen qu'il s'empressa d'ouvrir croyant en avoir fini avec son ami. Pas du tout du même avis, Kharis continua d'embêter son vieil ami. Tête d'ananas enchaîna les questions, ce par quoi l'ex-prisonnier répondit par les grognements d'un animal affamé.

— Écoute, je ne vois toujours pas où tu veux en venir.

Et pourtant c'était évident. Même Sean, posé sur le canapé à sa droite, avait saisi car il lui lança un regard rempli de sous-entendus. Il n'y avait que Nabil pour ne rien voir ou faire semblant qui sait ? Quelqu'il en soit, cela sautait aux yeux que Nabil aimait bien Heley, au point de prendre des risques comme il l'avait fait au campus. Kharis étouffa son rire derrière une fausse quinte de toux.

— C'est bien gentil à toi, mais évite de faire ça la prochaine fois. Tu sais bien qu'Elsie et les autres te supportent pas. Plus tu te retrouves aux mêmes endroits qu'eux, plus il y aura des confrontations. Et ça, on en a pas besoin.

— Pas la peine de me le dire, je le sais très bien. Et puis ce n'est pas comme si je cherchais les problèmes. Ils n'avaient qu'à faire comme si je n'existais pas. Ça serait plus facile pour tout le monde comme ça.

— Tout ce qu'ils veulent c'est que tu disparaisses, expliqua Sean, les yeux rivés sur l'écran plasma.

Pendant que les autres dévalisaient les boites de nouilles, lui jouait à Call of Duty.

— Ça tombe mal parce que je ne compte aller nulle part. À moins qu'ils ne viennent me buter, rit Nabil.

— Bref, évitons les embrouilles ça vaut mieux. Je n'ai pas envie que tu te battes contre eux. Ce sont nos amis, malgré tout.