Pourquoi m'avez-vous enterré ? (en correction)

Trois

À plusieurs kilomètres du laboratoire expérimental Alcatraz - point de vue du policier en charge de l'affaire Cassidy Davis.

Je récupère mon badge sur le siège passager de ma voiture avant de descendre. La circulation jusqu'à l'institut médico-légal a été on ne peut plus fluide. Heureusement, car aux vues de ce qui m'attend entre ces murs, j'ai intérêt d'avoir la tête bien en place.

Ce matin, le légiste nous a appelé. Il y aurait du nouveau sur le corps qui a été déterré et les nouvelles ne seraient pas avantageuses pour le déroulé de l'affaire. Que peuvent bien nous avoir caché le groupe d'adolescents ? Je vais de surprises en surprises depuis que j'ai été collé à ce dossier. D'une fugue, on est finalement arrivé à un meurtre.

J'ai logiquement assisté à toutes les dépositions ainsi qu'aux plusieurs passages devant le juge. Ce que je peux dire c'est qu'on peut s'attendre à tout.

Je passe l'enceinte du bâtiment. Me dirige vers l'accueil pour savoir où trouver Stéphane Scott, le légiste attitré.

Je revois très bien la dernière comparution. Quand ils ont enfin fini par avouer où se trouvait la jeune Davis. Cela faisait plusieurs jours que ses parents nous tannaient. Leur fille ne pouvait pas avoir fugué. En connaissance de ce qui lui est finalement vraiment arrivé, j'aurais préféré rester sur la thèse de la fugue.

— Nous sommes prêts à vous dire ce dont nous nous souvenons. Tout ce dont nous nous souvenons.

— On vous écoute.

— Tout d'abord je tiens à préciser que nous n'avons qu'un bref souvenir d'après notre arrivée à la cabane.

Je me redresse sur le banc. On croirait qu'elle fait durer le suspens. J'espère sincèrement que ce n'est pas le cas. Ce serait malsain et désapproprié, même venant d'une enfant.

— D'accord, je vois.

— On se revoit plus tard, derrière. Il fait sombre mais la lumière de nos téléphones éclaire le sol. Il y a un grand trou dans la terre. Je pense que c'est nous qui l'avons creusé.

— Où étiez-vous exactement ?

— Juste derrière. Entre la cabane et la forêt.

— Et pourquoi avoir creusé un trou ?

— J'y venais. Il y a beaucoup de moments flous. Cependant, on se voit tous refermer le trou en y jetant la terre enlevée plus tôt.

Ornella Fox est une vraie meneuse. Elle trace elle-même la direction qu'elle et son groupe doivent prendre. Ils nous ont baladés pendant des jours jusqu'à ce qu'elle prenne la décision d'opter pour la vérité. Le pouvoir qu'elle exerce sur eux nous a été défavorable et n'a fait que nous ralentir.

Elle a été la première à confesser. Les trois autres qui ont suivi, ont répété la même version. On ne savait pas si tout ce qui venait d'être dit était vrai, mais on se devait de vérifier cette nouvelle piste. Ça n'a pas loupé. Après vérification, il y avait bel et bien un rectangle de terre qui visuellement semblait retournée depuis peu.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur un couloir. La lumière ne provient que d'une fenêtre à l'autre bout. Je trouve facilement l'écriteau morgue sur l'une des portes.

— Je peux vous aider ?

— Je suis là pour l'affaire Davis.

— Oui, suivez-moi, je vous attendais. Je vous préviens ce n'est toujours pas beau à voir.

Le légiste m'emmène devant plusieurs casiers. Il vérifie une liste avant d'ouvrir le numéro 24. Il tire vers nous une longue table en métal sur laquelle repose la victime recouverte d'un drap blanc.

Il me met en garde qu'il va devoir le soulever avant de continuer. J'inspire et expire fortement lorsque mes yeux se posent sur le corps calciné. La peau a fondu à de nombreux endroits.

Armés de pelles, nous nous activons à retirer la terre. Un monticule commence à se former. Ces enfants nous auraient encore une fois servi un mensonge sur un plateau d'argent ?

— Attendez !

De la main, je viens balayer l'étendue. Ma peau rentre soudain en contact avec une matière différente.

— Ramenez moi des gants et prévenez la scientifique. On a peut-être quelque chose par ici.

Je ne me trompe pas. On finit par découvrir un corps taché de terre. L'équipe scientifique procède à l'extirpation de la victime, afin qu'on ne détériore pas les preuves. Elle la pose sur un long drap posé au sol en amont.

— À première vue, toute cette couleur brune n'est pas dû qu'à l'environnement. C'est encore à déterminer mais la peau semble être brûlée à divers endroits.

Je passe une main sur mon visage et me reprends. Le légiste m'explique qu'elle pourrait avoir été brûlée vivante. L'autopsie a été compliquée, ce que je peux complètement comprendre. Il n'a pas décelé de fracture au niveau des os malgré la défragmentation de certains. La mort pourrait donc ne veut venir que du fait qu'elle aurait pris feu. Je n'ose imaginer le supplice. Elle serait restée en vie jusqu'à ce que ses organes arrêtent de la maintenir parmi nous.

— Que vouliez-vous dire par "des nouvelles non avantageuses" ?

— J'ai procédé à plusieurs tests et identifications que ce soit sur le corps ou les restes de vêtements encore présents. Je peux vous l'assurer, le corps de cette malheureuse n'est pas celui de Cassidy Davis.

— Comment !? Mais qui est-ce alors ?