Quarante-deux

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J'entre dans le gymnase avec une dizaine de minutes de retard. Après le séjour en prison, on s'est arrêté manger, encore. Sauf qu'en chemin, je me suis rappelée que je n'avais pas pris mon autre sac pour l'école. Ma mère n'a pas vu l'opportunité de passer à la maison pour y rester ensuite. À la place je me suis retrouvée à grimper à vitesse grand V les escaliers quand elle s'est mise à me klaxonner depuis la route pour me presser. En ville ? J'en connais une qui devrait revoir les règles routières. Forcément tout ce temps de perdu nous a mise en retard alors que nous étions à l'heure. De toute manière c'est la dernière semaine avant les vacances, détendons-nous.

— Bonjour, désolé de mon retard.

Je présente mon motif plus que valable. Un papier signé du juge où sont imprimées mes dates de convocation, dont celle d'aujourd'hui qui tombait en pleine semaine. Le point positif c'est que dit comme cela, la signature du juge met à l'amende n'importe qui qui pourrait penser que je bluff. À l'inverse, ça montre que j'ai déjà des problèmes avec la justice.

— Tu peux aller te changer, tu prendras les consignes auprès de tes camarades.

J'acquiesce et repars en sens inverse pour enfiler une tenue plus adaptée. Celle qui n'a pas réussi à me faire rester à la maison.

Quelques minutes plus tard, la classe est sur le terrain sportif en extérieur. Je trottine vers eux, histoire de rattraper deux ou trois secondes de mon retard.

Mon ex copain me lance un coup d'oeil furtif que j'arrive à intercepter. Je me rapproche de lui. Il tient des plots que l'on va certainement utiliser tout à l'heure.

— Tu sembles perdue, tu n'auras qu'à faire comme moi au pire des cas. 

— Et cela implique que je doive être à tes côtés jusqu'au dernier coup de sifflet ? Tu rêves mon petit, je rigole en m'éloignant.

Je rejoins Cass qui a commencé, contrairement à moi, à s'échauffer. Je la connais assez pour savoir qu'elle a compris ce qu'il faut faire et puis il faut que je lui raconte comment était mon séjour touristique en prison pour mineur.

— Ulys est aux aguets cette après-midi.

— T'as pourtant l'air d'apprécier que certains te courent après.

Tête baissée avec les fesses qui pointent vers le haut, j'étire mes muscles du bas du dos. À moins que ce ne soit pour les jambes ? Quand on va passer au gainage mon mental devra être aussi dur qu'un roc. Sinon, je me vois d'avance ne pas tenir la minute réglementaire.

— Pourquoi tu me dis ça ? Pour Ulys en plus c'est différent, c'est visible que rien ne vient de moi. On a d'ailleurs remis les compteurs à zéro. Nous sommes bons amis, rien de plus.

— Je vois qu'aujourd'hui tu veux bien te confier facilement à moi.

— J'ai oublié de te parler de quelque chose ? Si c'est pour ce midi, je comptais te raconter mes aventures pendant l'heure.

— J'aimerai juste suivre le cours maintenant s'il te plaît. Si ce n'est pas trop te demander.

Mon envie du cours de sport étant déjà minime, je ne compte pas me prendre le chou avec ma meilleure amie. Ces heures risquent de s'écouler lentement. Je ne veux pas qu'Ulys pense que je me sers de lui quand je suis seule. Cependant, c'est vers lui que je me dirige pour entamer au moins la première heure.

On court l'un à côté de l'autre sans parler. Ça me convient. Parler en courant fatigue plus que nécessaire. Si je n'arrive pas à me construire un minimum d'endurance, la Navy ne fera qu'une bouchée de ma petite personne. Là-bas je partirai de zéro avec des personnes sûrement plus avancées sur le papier. Il faudra que je fasse mes preuves sur plusieurs niveaux.

— Alors toi et Casey hein ? il m'envoie un petit coup de coude dans les côtes. Je ne pensais pas que ça puisse arriver. J'aurai dû faire plus pour pouvoir te garder.

— Pardon, il vient de me créer un point de côté ?!

— Oh ! Ne fais pas l'étonnée, je te connais sous toutes les coutures. Quand je pense que je lui ai demandé de l'aide pour que l'on se remette ensemble et il n'a pas bronché d'un pouce.

C'est le cas de le dire.

— Il n'y a vraiment que Cassidy pour ne voir que ce qu'elle veut. Elle ne changera jamais. Elle a une confiance si aveugle en toi qu'elle en vient à se cacher elle-même l'évidence. Ce que vous pouvez être nocive l'une pour l'autre par moment.

Tout le monde me le dit, sauf la dernière partie. Là c'est Ulys qui se laisse un peu trop aller. Notre professeur de sport ne me laisse pas le temps de lui donner la moindre réponse. Il nous demande de passer à la vitesse suivante en augmentant le rythme des exercices imposés.

Après quelques tours de terrain tous ensemble, on se divise en plus petit groupe. Groupe par groupe, on va devoir faire les tests de vitesse. Puisque je n'ai pas toujours été présente, j'ai l'impression d'être moins avantagé sur le plan endurance. Ou alors c'est dû au fait que je ne la travaille pas des masses en dehors de l'école.

Essoufflée. Une baleine échouée sur la plage. Voilà à quoi je ressemble après ces deux heures de sport. J'ai donné mon maximum, quitte à finir par devenir une épave dans les vestiaires. Avec un peu de chance, les fois où je ne suis pas venue seront oublié. Qui ne tente rien n'a rien de toute manière.

Je tire des morceaux de rouleaux de papier toilette pour éponger la sueur de mes dessous de bras. Vivement la douche en rentrant. Je garde mon ensemble de sport. Si je sens le fennec, j'aimerai bien que tous mes vêtements ne s'imprègnent pas de l'odeur. Mes affaires rassemblées dans mon sac, je quitte les vestiaires.

Cassidy n'a pas perdu de temps, elle est déjà sortie des vestiaires sans que je ne la voie. Elle n'a pas dû faire attention que je n'avais pas suivi le mouvement. Au loin, je la reconnais debout près des bus. Le nôtre est déjà présent, pourtant elle reste sur le bas-côté.

— Tu ne montes pas.

— Je préfère rentrer seule que mal accompagnée, prends-le, toi. Je vais attendre le prochain bus.

Qu'est-ce qui lui arrive à nouveau...

Pourquoi m'avez-vous enterré ? (en correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant