Trente-trois

11 3 13
                                    

Je referme à clé la porte de la maison. Vêtue d'un paréo par-dessus mon maillot de bain, je réajuste la bandoulière du sac sur le haut de mon épaule. On a déjà fait les mêmes étapes chez Cass plusieurs minutes en arrière. Je remonte un peu mes chaussettes pour qu'elle ne finisse pas dissimulées dans mes baskets. Je suis fin prête.

— Il fait un soleil aujourd'hui !

Le soleil rend ses cheveux dorés. Je trouve ma copine belle de base mais la météo la transforme en un vrai canon. J'en connais une qui a été gâté par la nature.

— En route. Sinon nous n'aurons pas assez d'heure pour prendre de jolie couleur.

S'il fait un soleil rayonnant de mille feux, cela ne veut pas dire qu'on pourra le maintenir. Depuis la crise environnementale de 2030, les saisons ne sont plus mêmes. Enfin, c'est que j'ai eu à apprendre en cours.

On recommence à avoir des saisons avec des météos conformes. Cependant, par moment, il est susceptible que le climat reste fixe pendant plusieurs semaines sans prendre en compte la saison dans laquelle on se trouve. On peut avoir des journées entières sous la pluie, ou bien de neige ou de soleil à n'importe qu'elle date de l'année. Je garderai encore longtemps en tête, les vacances à la montagne. On a fini par faire du ski sur gazon tant la neige avait fondu alors que nous étions en février.

Des météorologues et des biologistes ont affirmé que nous reviendront à des temps réguliers au fur et à mesure des années. Nous ne pouvons qu'attendre et agir le mieux possible. On ne peut que remercier les anciennes générations d'avoir semé les mauvaises graines. On récolte des provisions avariées.

— Tu penses que tout le lycée est sur le sable ? Je n'ai pas envie de voir certaines têtes.

— Je n'espère pas. On les supporte du matin au soir, pas en extérieur.

Le chemin se fait tranquille. Il fait chaud mais de légères brises de vent rendent le tout moins lourd que ça aurait pu l'être. Des passants promènent un chien sur le trottoir en parallèle.

— Je n'en reviens pas que Sidney en soit arrivée à nous piéger de la sorte.

— Non, pas moi. Mine de rien, c'est bien son genre. Par contre, je ne pensais pas que notre guéguerre enfantine allait lui peser. Joe m'a dit que ça mettait une mauvaise ambiance mais j'ai dû y aller et on n'a jamais repris notre conversation.

— Oui, sur ce point, on a vraiment pensé qu'à nous...

Cass choute un caillou qui ricoche dans ma basket. A l'avenir, je m'excuserai. Ce n'était pas forcément sympa de m'être éloigné de tout le monde. Surtout pour une histoire ne les concernant pas et qui est en plus n'en valait pas tellement le coup. La preuve, j'ai retrouvé Cassidy et tout va mieux. Ils n'ont rien demandé et je les ai malgré tout mis dans le même sac.

On pose le premier pied sur le sable chaud de Santa Valeria. Je passe outre les images de la fête, censée être légendaire chaque année, qui ressurgissent. Comme on s'en doutait, il y a pas mal de monde et principalement des adolescents d'à peu près notre âge. Cela nous contraint à remonter la plage. J'attache mes cheveux en un chignon rapide. Ils gardent la chaleur dans ma nuque me donnant l'impression de pouvoir y faire cuire un oeuf.

— Ce ne serait pas l'équipe de basket ? Ils ne prennent pas de jour de repos ma parole.

— Comment veux-tu comprendre un entraînement sportif lorsque tu ne viens déjà pas à un simple cours de sport, elle se met à rire et je ne tarde pas à suivre.

— Pour le moment, je passe dans les mailles du filet une fois sur deux mais je vais me reprendre. Après tout, c'est une matière qui comptera aux examens, je ne vais pas trop avoir le choix.

On repère une zone sablée suffisamment grande pour nous deux et qui n'est pas trop proche de la grande population. On y pose serviettes et sacs.

Debout, je fais glisser mon paréo le long de mon corps. Quand je m'assois, mon ventre créé un repli que j'ai longtemps eu du mal à cautionner. Toujours une petite voix pour me dire que ce n'était pas esthétique, que ça attirait les moqueries et j'en passe. Heureusement, j'ai été et je suis bien entourée. Je ne parle pas de mon stock lipides mais de mon entourage. J'ai fini par ne plus le voir comme une anomalie mais une partie de moi. Si un de ces quatre, il disparaît je me dirai quand même temps mieux mais je ne le verrai pas comme la fin d'une tragédie.

L'équipe du lycée passe au pas de course. Pieds nus, ils courent dans le sable. Sous une chaleur pareille, je suis bien contente de me laisser lézarder et de n'avoir intégrer aucun club. Si ce n'est celui de la flemmardise.

Deux garçons sortent du lot tandis que les autres continuent de laisser des traces de pas éphémères dans le sable. Ils se rapprochent en trottinant. Joe et Ulys saisissent l'occasion de notre présence pour faire leur propre pause.

— Je croyais que votre entraîneur allait participer à la réunion.

— Et c'est le cas. L'entraînement surprise on le doit à notre capitaine, Shiny. Il s'est dit qu'on devait en profiter pour faire quelques séries. Il a proposé l'idée ce matin.

— Proposer ? Je ne me souviens pas tellement avoir eu le choix.

— Dis celui qui zappe les entraînements pour ramener Ornella chez elle. Pas étonnant que cela devienne obligatoire pour toi. Donnez-lui une main, il prendra le bras.

C'est vrai qu'en y repensant, lundi Joe a direct filé après les cours mais Ulys est rentré chez lui après qu'on ait pris le bus ensemble. Vu l'heure à laquelle nous sommes arrivés, forcément l'entraînement aurait été fini s'il y était retourné. Néanmoins, je ne m'étais pas rendu compte sur le coup, que mon cavalier bienveillant n'était pas là où il était censé être.

Le fameux capitaine, remarque assez vite qu'il lui manque deux joueurs. Il hèle le nom des abonnés absents en leur ordonnant de je cite - arrêter d'essayer de plaire au public et revenir transpirer. Mis à part les garçons devant nous, je ne retiens ni les noms, ni les visages des autres membres. Je mets un point d'honneur à suivre les matchs de Joe mais ça s'arrête là.

— Vous revenez après l'entrainement ?

— On a encore le débriefe à faire.

— Je vais envoyer un message collectif.  Comme ça, tu ne pourras pas dire que tu as pu oublier.

Ulys qui avait posé son derrière à côté de moi, prend appui sur moi pour se relever.

— Allez va courir le déserteur.

— À vos ordres ma bien-aimée.

Il m'envoie un bisou volant en s'éloignant. Un coup de sifflet retenti. Les garçons arrêtent subitement de marcher et se mettent à faire des levés de genoux jusqu'à l'équipe. Ils se font rappeler à l'ordre car il semble qu'ils ne les montent pas assez haut et on en rit sur nos serviettes. Ils sont menés à la baguette.

— Je rêve. Vous vous draguez de nouveau sous mon nez alors que tu disais qu'il ne se passait plus rien entre vous.

— On est bons amis rien de plus. On rigole bien ensemble et je n'ai plus l'esprit tracassé à devoir avancer pour deux. C'est moins prise de tête, je t'assure.

— De l'amitié à l'amour il n'y a qu'un pas ma petite Ornella. Et toi tu arrives tout de même à faire le pas en arrière plutôt qu'en avant. Advienne que pourra, on verra si tu tiendras ce que tu me dis jusqu'au bout.

Je m'allonge sur la serviette. Mes lunettes prennent leur place sur le haut de mon nez.

— Je finirai bientôt par penser que tu as un mec caché.

Elle se retourne pour récupérer la crème solaire dans son sac. Cela permet d'éviter qu'elle trouve suspect ma soudaine grimace.

C'est le secret le plus dur que j'aurai à garder de ma vie, je le sens. J'ai envie de partager avec ma meilleure amie à quel point je suis vu comme la huitième merveille du monde aux yeux de Casey. À quel point je ne regrette pas ma séparation car j'ai trouvé celui qui me correspond.

Je lui jette un coup d'oeil furtif. Elle a abaissé ses lunettes de soleil le temps de finir d'étaler la crème. On vient tout juste de faire la paix. Je ne me vois pas contrarier son humeur sereine. Il faudra que je continue à prendre sur moi.

Pourquoi m'avez-vous enterré ? (en correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant