Pourquoi m'avez-vous enterré ? (en correction)

Six

Assise autour d'une rangée de table formant un U, j'écoute attentivement les explications données à l'écran. Nous ne sommes qu'un petit groupe. Une dizaine à vue d'oeil. Pas tous de la même classe, ce qui explique que je découvre certaines têtes. Le power point défile au rythme des informations données par le prof. C'est notre tout premier cours d'informatique avancée de l'année.

La liste qui énonçait les options de cours supplémentaires avait été longue à lire. Longue, surtout dû au fait que je ne trouvais rien pouvant me convenir. Les choix ne manquaient pas et pourtant rien ne me donnait envie. J'avais beau réfléchir aux avantages que chacun pourrait m'apporter, il n'y avait rien à faire.

Je me souviens avoir pensé n'en prendre aucune. Malheureusement une note de bas de page s'était chargée de me remettre les idées en place. Elle spécifiait clairement que nous devions inscrire obligatoirement une des options dans notre dossier.

Cette après-midi-là, Casey et moi étions réunis secrètement dans ma chambre. Notre rituel depuis le début des vacances d'été. C'était nos seules occasions de se retrouver en douce. La tête sur ses cuisses, je me creusais les méninges depuis une bonne heure. Je me voyais contrainte de ruiner mon cursus pour un simple choix impossible à faire. Face à mon désarroi, il m'avait suggéré de choisir pour moi au hasard. Allez savoir d'où germait cette nouvelle idée. Cette année s'était donc jouée sur un bouchon de stylo retombant sur une des cases du tableau. Du jamais vu. Ça ne m'avait cependant pas empêché de cocher cette partie de la feuille avant de la ranger dans la pile de mon dossier d'inscription.

— Je vous prie de tous rejoindre un des ordinateurs présents et l'on va pouvoir commencer.

Je pivote d'un demi-cercle avec ma chaise et appui le bouton afin que l'écran noir, face à moi, s'allume. Rien de trop compliqué finalement. Enfin bon, ce n'est que le début. Allumer un ordinateur reste largement dans mes cordes. Tant que je ne me précipite pas de trop, le reste qui va suivre ne peut que bien se passer.

— Tu te rends compte que c'est comme nous, ça nous représente. Quand j'appuie ton bouton, tu finis généralement par t'allumer.

Penché vers ma chaise, le garçon qui me fait planer continuellement vient appuyer ses dires par un regard sous-jacent et un sourire fier de sa remarque. On peut dire qu'il profite pleinement de l'absence de sa soeur. Ce cours risque de très vite devenir mon préféré. Et cela, sûrement pas pour les connaissances qui y seront délivrées.

— Tu veux qu'on t'entende me raconter ces cochonneries ?

— Ne me tente pas Fox. Le lion veut faire hurler la lionne.

Il pose sa main sur ma cuisse. D'un mouvement de tête, je vérifie que personne ne fasse attention à nous.

— T'es bête, je ris. Écoute ou on va finir par ne pas savoir ce qu'il faut faire. On ne peut pas se permettre d'être à la traîne avant même que ça ne commence. Tout comme pour toi, il serait préférable que je ne me loupe pas.

Cette matière n'est peut-être qu'une option, ça ne veut pas dire pour autant qu'elle ne comptera pas aux examens de fin d'année. J'ai un projet secret qui m'attends bien au chaud dans un coin de ma tête. Pour avoir la chance de le réaliser, il suffit juste que j'ai mon diplôme et tout ira bien. Sérieusement, je travaille à allure correcte et je suis bien entourée socialement, que demander de plus. Rien ne pourrait me faire échouer.

— Tu te rends compte que c'est le seul endroit pendant la semaine où l'on peut vraiment être nous sans se poser de question ? Ne gâche pas tout en nous faisant exclure de cours. S'il te plaît.

— Ah bon ? Je ne me souviens pas m'être questionné pendant que l'on...

Dites-moi que je rêve. Aurait-il ne serait-ce que perçu mes derniers mots ? Forcément, c'est le plus important qui passe à la trappe.

— Tu ne prends ça au sérieux en fait. Ce que tu peux être pénible quand tu remets la situation sur l'humour. Ton problème c'est que tu ne sais jamais quand t'arrêter.

— Si nous vous dérangeons Ornella, dites-le-nous. Vos camarades et moi-même pourrions sûrement sortir de la salle pour vous laisser libre temps de raconter votre vie.

Je tourne ma tête vers le centre de la pièce. Assis sur une table, monsieur Dovo n'attends pas une réponse mais plutôt que je ferme ma bouche une bonne fois pour toute. Certains des élèves portent également leurs yeux sur moi. Génial. Exactement ce que je cherchais.

— Je...non. Je vous écoute monsieur.

Le prof reprend ses explications sur les premières inventions tandis que je me fais plus discrète sur mon siège. Première heure et je lui servais gratuitement une raison de ne pas pouvoir me saquer.

L'année d'avant avait été plus que limite. Cassidy, Sidney, les garçons et moi bien entendu, ne mettions aucune bonne volonté à suivre la première matière qu'il nous avait enseigné. L'art de mettre mon cerveau à feu et à sang. Je plaisante. Il nous transmettait son savoir sur la vie avant les évènements de 2030. Malheureusement son enthousiasme n'a jamais réussi à nous gagner.

Donc si Casey n'est là que pour s'amuser, il aurait au moins pu être honnête et me mettre au courant dès le début. Je l'aurai dissuadé de s'inscrire lui aussi. L'importance de réussir cette nouvelle année ne semble pas être la même pour nous tous apparemment.

— Ella, je prends notre relation, et les conséquences qui en découlent, très au sérieux. Tu ne devrais pas autant te prendre la tête. L'année ne fait que commencer après tout. Rien ne te fera sortir du chemin de la réussite, crois-moi.

Me faire reprendre une fois, ne lui suffit donc pas. Il repart déjà à la charge. Il est pire qu'un enfant en manque de sucre, aujourd'hui. Pour réponse, je me déplace d'une chaise et allume un autre écran. Si à ce stade, ce n'est pas plus claire, il y a un problème que je ne suis pas en mesure de régler.