Vingt-quatre

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— Ce que c'est bon de revoir vos bouilles tous les quatre. On s'est vu toute la semaine et pourtant j'ai l'impression qu'on vient de passer une année éloignée.

— Tu ne nous présentes pas.

Elle ressent rapidement mon ton sec. Il la désarçonne, sûrement car cela vient de moi, mais se reprend. J'espère bien qu'elle ne s'attend pas à mieux. Cette inconnue fait chauffer mon sang. Et puis qu'est-ce qu'elle a à sourire comme une imbécile. Elle sent les emmerdes à plein nez, une odeur que je ne supporte pas. Rien de plus pour m'énerver avant de savoir ce qu'elle peut bien faire devant moi.

— Vous vous souvenez que j'ai fait du bénévolat cet été.

— Comme tous les étés en fait. On ne change pas les bonnes vieilles habitudes.

— Eh bien j'ai rencontré une fille qui a vraiment su capter mon attention, avec qui je me suis direct entendue. Vous me connaissez, j'aime vivre les choses pleinement, alors on a tenté par-ci, par-là avant et puis...

— Vous êtes ensemble en gros. Pas de quoi gravir une montagne pour nous l'avouer.

C'est la seule raison qui faisait qu'Ulys n'avait aucune chance d'avance. Il courait dans du sable mouvant. De toute manière, il a changé de bord en moins de temps qu'il a prétexté vouloir emmener ma meilleure amie je ne sais où, une partie du week-end. Il était si peu intéressé par elle, qu'il n'a jamais envisagé une seconde le fait que Cassidy puisse ne pas être hétéro.

Cass n'a jamais caché le fait qu'elle pouvait être attirée par des filles, bien au contraire. Et ça n'a jamais dérangé personne. De toute manière même si c'était le cas, au final c'est elle que ça regarde. Pas nous. Le problème est tout autre.

— Je vois, et quand est-ce que l'on va pouvoir la rencontrer ?

C'est sa dernière chance pour qu'elle nous dise que ce n'est pas l'individu assistant à notre conversation. À sa place, j'attraperai la corde à deux mains.

— Je me suis dit que si elle venait à la soirée sur la plage ça serait pas mal non ? Une ambiance détendue, sans prise de tête et avec mes amis. Je vous présente donc...

— Mais la soirée c'est ce soir, je la coupe instantanément, et tu m'avais dit qu'on la passerait toutes les deux principalement. Que tu trouvais qu'on s'était éloigné ces derniers temps. Je me trompe ? Sans parler du fait que je devais annoncer une nouvelle à mes amis. Seulement mes amis.

— Oui je sais mais ça ne changera rien. Je serais quand même avec toi, avec vous tous, au même titre. Alors voici Aizeul, ma copine. Aizeul je te présente la crème de la crème. Joe et Sidney, mon jumeau Casey et ma meilleure amie Ornella.

Cassidy est officiellement un clown. Sa surprise elle peut se la mettre où je pense. Une surprise est censée faire plaisir. Nous sommes loin du compte. Des univers diamétralement opposés.

Sans en attendre plus, je me sépare d'eux. Pour ma santé mentale, il vaut mieux que je rejoigne une des tables où la nourriture et les boissons coulent à flot. Je suis en manque de limonade ou ce qui s'en rapprochera le plus. Si ce n'est pas le cas, j'y vais quand même. Tout autre endroit sera plus convenable. L'air est d'une toxicité.

— Tu n'es pas contente pour moi à ce que je vois.

Je termine un énième verre de soda. Je ne sais pas exactement ce que c'est mais le goût de citron a suffi à m'en faire ingurgiter plus d'un.

— Si tu penses qu'elle fait l'affaire, je n'ai pas mon mot à dire. Honnêtement, je ne la porterai probablement jamais dans mon coeur.

— Ella..., elle soupire. Aux premiers abords sans doute. Il n'y a que les cons qui ne changent pas d'avis. A toi de voir dans quelle catégorie tu souhaites être.

Non, c'est juste qu'elle semble fausse de la marge au dernier carreau. Personne n'adopte un sourire couillon devant des inconnus. Elle croit d'ailleurs que je n'ai pas vu ce dernier s'agrandir quand je suis partie. Je le répète, je ne la sens pas. Trop beau, trop faux.

— Je t'aurais prévenue. Cette fille finira par t'attirer des ennuis.

En disant cela, je regarde la concernée qui nous rejoins.

— Je vois bien que ma présence fait défaut. Il vaut mieux que je m'en aille, on se verra demain de toute façon.

On se verra demain de toute façon. Toujours plus de blabla intempestifs. T'as raison fous le camp, tu déranges. Je connais suffisamment Cassidy. Elle est tombée dans le panneau et ne fera pas gaffe à ses warnings. C'est continuellement la même rengaine. Dès qu'elle a un coup de coeur, seul se prendre la muraille de Chine en plein front la fera sortir de ses rêveries. Autant dire que c'est peine perdue pour le moment.

— Quoi ?! Bien sûre que non. Ornella préfère se calmer, elle appuie lourdement sur ce mot, un peu dans son coin avant de revenir avec nous. Rien avoir avec toi.

— Allons danser. La musique qu'ils passent me donne envie qu'on s'éloigne nous aussi.

Elle se remet bien vite de son instant déprime et délaissement. Faire semblant de se sentir de trop pour attirer l'attention. Elle a décidé d'accomplir la liste des choses que je n'aime pas.

Je remplie une énième fois mon gobelet du soda mystère. Ce sera mon dernier avant quelques heures ou je risque de m'uriner dessus à tout moment.

Dans l'espoir de retrouver Sidney, je croise le genre opposé. Ce n'est pas plus mal. Occupé à discuter, je tapote le bras de Casey.

— Suis moi s'il te plaît.

— C'est à propos de la fille qui est venue avec Cassy ?

Je tique mais ne répond pas de suite, à la place je lui montre un côté plus éloigné où nous rendre. À l'abri des regards, je nous arrête là où la plage est suffisamment en contrebas.

— On s'en fout d'elle.

Je passe une main derrière son cou. La lune dans mon dos fait briller ses pupilles. C'est comme si de jolies étoiles y habitaient. Il sait ce que je pense de lui mais je ne peux m'empêcher de lui souffler qu'il est à tomber ce soir. D'un pas rapide, je réduis la distance entre nous. Peut-être un peu trop brusque.

— Arrête. Tu es à des kilomètres mentalement, je te connais Ornella.

Je te connais. Si c'était le cas, tu me laisserais aller au bout. Tu ne me regarderais pas avec de la peine dans les yeux. Tu ne ferais pas assombrir mes yeux en me repoussant ainsi.

— Je souhaite juste évacuer la tension, oublier les dernières minutes. Tu pourrais faire ça pour moi.

— Va parler avec Cassidy. Trouvez un bon compromis à ce nouveau problème. On remet ça, il balade son index de lui à moi, bientôt sois en sûre.

Casey me pince la fesse pour me faire reculer. Il me regarde, tentant de discerner mon humeur ou je ne sais quoi. Je ne sais vraiment pas ce qu'il trouve mais son bras me ramène à lui dans la foulée. Ma tête vient taper sur son torse et il me serre contre lui. Je ne m'en étais pas rendu compte mais cela fait un moment que nous ne nous étions pas pris dans les bras l'un de l'autre. Une légère masse vient se poser sur mes cheveux et je le sens embrasser le haut de mon front. C'est ce qu'il me fallait en réalité.

Je décide de suivre son conseil. La communication est la clé de tout. On repart vers le point culminant de la fête. Ça n'aura pas duré longtemps. Quand je repère ma tête blonde préféré je le laisse vaquer à ses occupations : à l'heure actuelle, c'est rejoindre l'attroupement qui passe sous une barre en bois à la manière d'un limbo improvisé.

— Cass on pourrait se parler maintenant. Ce n'est pas une question, je tiens à le préciser.

— Pour le moment on est occupé, mais plus tard si tu veux.

De quoi se mêle le grand espadon. Elle pense avoir un droit de parole avec moi quand je m'adresse à mon amie. Elle délire sur toute la ligne. La chaleur du feu lui monte au cerveau.

Pourtant, ma meilleure amie s'écarte de moi main dans la main. Elle me sort un sourire qui se rapproche le plus d'une grimace que j'ai du mal à déchiffrer. Je comprends seulement que ce n'est pas tout de suite que nous communiquerons. Génial.

Pourquoi m'avez-vous enterré ? (en correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant