Vingt-neuf

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Je déplie un pantalon rayé noir et blanc de mon armoire. Je ne l'avais pas sorti depuis cet été, c'est l'occasion de lui faire voir la lumière extérieure. Il s'accompagne d'un ruban comme ceinture. Le tissu me fait penser à un mouchoir que l'on poserait délicatement : fin et léger. Un débardeur noir à bretelles s'ajoute. J'avais le nez dehors durant presque toute la journée et la température ne s'est pas rafraichit tant que ça depuis. On fera donc l'impasse sur la veste. Aujourd'hui est l'une des rare fois où je réussi à trouver comment me vêtir en si peu de temps. Pour me rendre chez Ulys en plus. Le comble.

La dispute avec Cassidy m'incite vraiment à faire des choix que je ne ferai pas en temps normal. Qui sait, peut-être qu'au final, c'est ce dont j'ai besoin. Renouer avec ma vie d'il y a quelques mois. Quand tout suivait son court tranquillement. Je ne suis pas forcée de recommencer chaque point, seulement ceux qui me feraient changer d'air pour oublier mes tracas du temps présent.

A deux doigts d'arracher chacun de mes brins de cheveux, je plaque rageusement mes mains sur la surface en bois devant moi. On dirait que c'est trop demander d'accorder ce que j'imagine dans ma tête et ce que j'arrive à reproduire en vrai. J'inspecte mon reflet dans le miroir, avant de menacer la colonie de pilosité sur le sommet de mon corps.

— Faites les malins. Ce soir je vais vous noyer sous le shampoing puis vous dresser à coup de brosse. Ça vous fera passer l'envie de faire les difficile.

De toute manière, je ne compte impressionner personne chez la famille Springs. Je ne devrais pas me mettre dans de tels états. On dit souvent que trop s'énerver, produit du mauvais sang et raccourcis la longévité. Au possible, j'aimerai vivre plus d'années que je ne peux en compter sur mes dix doigts. Je repasse la brosse plus tranquillement cette fois, abandonnant par la même occasion le fameux chignon pour les cheveux relâchés.

Ulys m'a envoyé un message pour me faire savoir que je peux me mettre en chemin. Je récupère le nécessaire en quatrième vitesse avant de descendre. Il ne manquerait plus que je sois en retard et à moitié préparé. Ce serait le combo parfait pour passer une mauvaise soirée.

— Papa, je pars dans quelques secondes.

— Ta mère a choisi un bouquet de fleurs pour Jin, il est dans la cuisine. Passe une bonne soirée chérie.

— Je compte rentrer assez tôt, sûrement avant le retour de maman d'ailleurs.

Assis sur le canapé, je le vois loucher sur l'horloge. C'est évident, à mes yeux seulement il faut croire, que je ne vais pas m'éterniser chez Ulys. J'y vais car j'ai dit que je venais et je n'ai qu'une parole mais aussi car depuis notre rupture j'ai coupé les ponts avec sa famille. Et ce malgré qu'ils m'aient toujours bien accueillie et intégrée à la leur. On est voisin et j'ai tout orchestré pour les croiser le moins possible.

— Tu sais que tu n'es qu'à deux minutes de la maison ? Tu devrais profiter qu'on te laisse sortir autant pour t'amuser aussi longtemps que possible chez tes amis. Dans quelques mois, j'espère juste que tu te mettras à travailler sans qu'on ait besoin de te le dire.

— Bien sûre ! Tu n'as pas à t'en faire là-dessus. Ta fille est d'un exemple sans faille. Durant les prochains mois, tu seras fière de moi. Plus que jamais.

Sur ces paroles, je pars récupérer ce que je pense être des pivoines rose et quitte le foyer. Direction mon soi-disant ami. Ce qu'il ne faut pas entendre je vous jure. Je dirai qu'il est plutôt une présence qu'il m'arrive de tolérer. Quand ça se produit alors on peut dire qu'il est de bonne compagnie.

Ce soir, la rue est assez inoccupée. Un des bienfaits d'habiter une petite ville tranquille et sans problème apparent. Bon, il faut se l'avouer, je sors pendant la période où la plupart des gens vont passer à table. C'est logique que je sois la seule âme errante sur le trottoir, profitant des rayons de soleil tardifs. Juste de quoi dessiner de jolies ombres sur le bitume sans pour autant réchauffer la première couche de peau.

Pourquoi m'avez-vous enterré ? (en correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant