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Des éclats de voix parviennent à mes tympans. Sans difficulté, je reconnais celle de Sidney. Je ne sais pas contre qui elle hausse le ton de la sorte mais la personne en face ne se laisse pas démonter.

— Je vous dis que ça va fonctionner. Alors vous me laissez réessayer que je puisse enfin rentrer.

— Ne me faites pas appeler l'administration mademoiselle.

— Sidney ! Quelque chose ne va pas ?

Pour réponse, la brune nous tend son poignet. En plein milieu de son tatouage s'est formé une zone cicatrisée. Elle fait onduler les marques noires tout le long. Ça explique le pourquoi du comment on en arrive là. Le scanner ne peut déchiffrer l'intégralité de son poignet bien évidemment.

— J'ai testé une nouvelle figure de skate hier. J'aurai mieux fait d'attendre qu'il fasse de nouveau jour. J'ai beau le passer dans tous les sens ça ne marche pas.

N'allez pas croire que les nouvelles générations n'ont pas réfléchi à un tel scénario. N'importe qui peut se blesser au poignet et avoir un plâtre. Cela empêche à tous rayons du scanner de rentrer en contact avec notre code barre.

C'est pourquoi toute personne, sur ce continent en tout cas, détient le code barre sur son téléphone. Il demande quelques minutes pour être généré et ne dure qu'une minute. Il est donc préférable de faire attention que notre symbole identitaire ne soit jamais défiguré ou caché. On gagne en temps et par la même occasion en patience. Chose que ces deux femmes ont forcément oublié.

— Génère le double sur ton téléphone. On a écoulé assez de minutes ici.

— Le temps que ça soit fait, laissez passer ceux qui arrivent en règle pour étudier.

— Pardon ? Mais je viens étudier moi, madame. Pour la peine, nous allons tous attendre gentiment que mon code arrive.

Des plaintes émanent rapidement de la masse d'étudiants. Je n'étais pas au courant que beugler comme des vaches aidait à changer la situation.

Si ce n'était pas mon amie, je me connais suffisamment pour savoir que je serais rentrée en force si besoin. Une reloue n'allais pas mettre en pause ma matinée pour son bon vouloir. Mais la situation étant différente, je ne compte qu'attendre que ce satané code arrive pour que nous puissions passer à autre chose.

Entre temps, je remarque que Cassidy s'est éclipsée. Je la retrouve un peu plus loin en pleine communication avec quelqu'un de dos. Ça aurait pu être à nouveau Ulys mais il se trouve bien plus près de moi que je ne l'aurai prévue. Sa seule présence à présent, a le don de m'irriter. Par flemme, et aussi car je ne suis pas là pour fliquer mes amis, je la laisse faire sa vie. Elle reviendra quand elle aura fini.

— C'est bon ! Il est là. Faites votre travail et laissez-moi passer maintenant. Je viens étudier moi, pas me tourner les pouces en attendant la fin de journée.

— D'accord, je pense que l'on a tous compris. On va rentrer maintenant.

— Demain faites l'effort de vous présenter avec le nécessaire.

Perdue, je regarde la dame de la loge, celle qui gère les entrées et sorties du bâtiment. Elle a bien dit demain.

— Elle se moque de moi en plus.

Je tire Sidney par le bras avant qu'elle ne saute au cou de la moindre personne dans son périmètre.

J'interpelle Cass au loin, qui me répond d'un signe de main qu'elle en a pour deux minutes mais que l'on peut avancer sans elle.

Si tôt dis, si tôt fait. Je passe rapidement sous le scanner et on franchit la porte. Après notre passage, la circulation se fait de manière plus fluide pour le plus grand soulagement de tous.

— Non mais attends Ella, on est d'accord que demain c'est le week-end ?

J'hoche la tête.

— C'est dingue, elle ne sait même pas quel jour on est et elle pense pouvoir me faire la leçon en plus. Venir en règle pour venir étudier. On aura tout entendu ce matin.

Mon cerveau est capté par un nouveau message entrant. Pensant qu'il s'agit de Cass, je ne perds pas de temps et l'ouvre directement. Malheureusement, l'individu prenant de mes nouvelles est loin d'être la fille avec qui je partage ma vie depuis des années.

A bien y réfléchir, j'ai connu Casey au même moment. Donc on pourrait dire que lui aussi je le connais depuis des années. Ah mais non, j'oubliais. Je ne partage pas ma vie avec lui pour le moment.

D'ailleurs, lui et Joe doivent se la couler douce à ne pas commencer dès la première heure. Bande de chanceux.

— Grande prêtresse Sidney appelle sa fidèle coéquipière Ornella.

— Et je t'écoute.

— De quoi étais-je en train de me plaindre alors ?

Elle ouvre de grands yeux accusateurs tout en passant devant moi. Ses yeux sont prêts à me cribler de balles si je me trompe.

— Ton code qui ne fonctionnait pas.

— Non. Je parlais d'Ulys. Il vient vers nous d'ailleurs.

— Quoi ? Pardon ? Mais où ça ?

— Je rigole. Je voulais juste être sûr et certaine que tu me portais de l'attention.

Je passe une main dans mes cheveux. Je viens de prendre un kilo de tension en l'espace d'une nano seconde. Ce genre de plaisanterie, très peu pour moi.

— De quoi vous parlez ?

Je me reçois un coup de rein, gage de la présence récente de Cass près de nous. Elle ne sait donc pas faire meilleure entrée. Sidney encore dans l'hilarité de sa blague l'en informe.

— Je ne sais pas si Ornella t'a déjà raconté. Il a tenté de me charmer en sport.

— Pourquoi tu ne lui dis pas tout simplement qu'il ne t'intéresse pas ?

— Il ne m'a pas fait d'avances concrètes et encore moins posé la question. Contentons-nous de cette réponse pour l'instant. Et puis si ça te dérange par rapport à votre vécu commun, je peux le comprendre et l'arrêter de suite.

— Non. Mon dieu, faites-la taire. Ulys Springs est un garçon on ne peut plus détestable. Ce n'est pas sur lui que je jette mon dévolu.

— Ceci explique cela. Tu ne parles plus de lui depuis les vacances, ce qui veut dire qu'il y a quelqu'un d'autre et tu ne nous en a pas parlé.

— Ella, serait-ce une réunion de crise qui s'annonce ?

À demie offusquée, je penche ma tête sur le côté. Elles me jettent des regards taquins en haussant et abaissant leurs sourcils. Bien sûr que non, il n'y a pas lieu de quelconque rassemblement de ce genre. Tout de suite les grands mots.

Je suis entrée dans un cercle émotionnel bien plus profond avec ton frère depuis des semaines. Et cela, sans qu'aucune personne du groupe ne soit mise au courant.

Il va de soi que cette pensée ne dépassera pas ma sphère cérébrale. Déclencher une guerre chez les Davis n'est pas mon intention.

— S'il y avait quelqu'un dans ma vie, ça se saurait. Je ne vis qu'aux côtés de ma famille et de la bande.

Leur sourire satisfait confirme la fin du moindre soupçon qu'elles auraient pu imaginer. Pour ne pas jouer avec le feu, je décide qu'il est temps que nous partions dans nos salles respectives. Je reprends la marche jusqu'au bâtiment.

— Vous me rappelez pourquoi je ne peux profiter de votre présence en dehors des pauses ?

— Peut-être parce que l'on n'est pas dans la même classe.

— Et que tu es la seule à avoir choisi une matière littéraire.

Une main soutenant son menton, la brune fait mine d'être en pleine réflexion intensive.

— Oui, pas faux. Sur le coup, ça me semblait une bonne idée vous savez. La future Francis Scott Fitzgerald. Imaginez ma tête à la télé, je suis née pour que les médias s'attardent sur moi.

Pourquoi m'avez-vous enterré ? (en correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant