Neuf

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Je sais que je ne suis pas à l'heure et pourtant ça ne m'empêche pas de marcher tranquillement. Sûrement que poudre de sommeil dans laquelle j'ai baignée cette nuit, ne s'est pas encore estompée. Je profite un peu de l'air frais matinal. La vue du bus arrivant à notre arrêt se met soudainement à stimuler une bonne partie de mes muscles, me permettant de courir jusqu'à lui. Je crains, à cette allure, de faire tomber un de mes poumons sur le trottoir.

Cass fait mine de chercher un objet dans son sac pour me faire gagner du temps. Heureusement que je peux compter sur elle. Je n'aurai eu que mes deux yeux pour pleurer si jamais le véhicule partait sans moi.

— Bonjour.

Essoufflée, je me tiens à la barre métallique pour me hisser à l'intérieur. J'attarde mon poignet un peu plus longtemps que prévu sous le scanner. Le chauffeur me fait part de son énervement matinal et me presse pour que je puisse rejoindre au plus vite un des sièges. Ne voit-il pas que je suis en pleine tachycardie ? Si je m'évanouis là, maintenant, tout de suite, j'espère qu'il ne me jettera pas sur le trottoir.

Je pourrais feindre un malaise naturellement si je le voulais. Ce n'est pas la première fois que je tente l'expérience. Sauf qu'au même moment j'entends la porte se refermer dans mon dos. Si j'avais réellement mis à exécution mon plan, j'aurai pu me retrouver ma tête d'un côté et le reste de mon corps de l'autre côté de cette porte. Ce matin, pas le temps de faire l'adolescente emmerdante.

Quand j'arrive près de la fille à la crinière blonde, elle pose son sac sur ses genoux afin que j'y prenne sa place. Notre malentendu de hier après-midi est oublié. Depuis quelques secondes seulement. Je ne peux résister à sa petite bouille implorant de se faire pardonner.

— Ça n'empêche que vous restez tous les deux des êtres humains insupportables et dénués de compassion.

— Je sais, mais c'est ainsi que tu nous aimes. En plus, j'ai des ragots à te donner. Le cours de sport a été... enrichissant.

Elle récupère l'écouteur que je lui tends et commence à me raconter comment un des garçons de notre classe a tenté de lui faire des avances pendant l'échauffement. S'il avait pris la peine de la connaître en amont, il aurait su que son pourcentage de réussite frôlait le chiffre nul. Enfin bon, qui ne tente rien n'a rien.

En descendant du bus, la chance d'être le dernier arrêt c'est que le trajet reste assez court, une file inattendue d'élèves occupe une bonne partie de l'espace devant le lycée. Ne me dites pas que la machine est tombée en panne. On va prendre un temps monstre avant de pouvoir tous entrer entre ces quatre murs. La température est convenable je le conçois mais je ne me lève pas tôt le matin pour stagner devant cette bâtisse contre ma volonté.

— Ne penses pas à faire demi-tour Fox. On va s'avancer pour voir ce qui ne va pas.

J'affiche mon plus bel air étonné face à cette accusation. Pour une fois que je n'y ai pas pensé ne serait-ce qu'un millième de seconde. Je fais face actuellement à une sous-estimation de ma personne. C'est mal me connaître voyons. De plus, si je prends la décision de partir, Cerbère m'attendra sûrement devant la porte de la maison.

— Je te suis.

Un groupe de filles se plaint quand elles voient qu'on les dépasse. Ce n'est pas comme si vous alliez avancer dans la minute alors ce serait mieux de faire profil bas. Se donner en spectacle si tôt sorti du lit, il faut vraiment s'être levé du pied gauche.

— Cassidy !

La concerné pointe sa tête de son index. Elle vérifie sur les côtés que c'est bien à elle que l'on s'adresse. Il n'en faut pas plus pour qu'un fou rire me prenne. C'est évident que c'est elle.

Parmi la foule, un garçon se détache du lot en nous approchant. Les bras tendus vers le ciel, il fait survoler son sac au-dessus de sa tête.

Un sourire scotché en permanence sur le visage, une fossette sur chaque joue, un tee-shirt à manches courtes. Il fait beau mais ce n'est pas la canicule. Ulys, un des élèves de notre classe mais aussi un ami des garçons, pourrait faire l'effort de finir de s'habiller au moins une fois dans la semaine. Hallucinant. Il n'en faut pas plus pour que mon regard se détache de lui. De toute manière, ce n'est pas moi que l'on appelle.

— Non mais pas encore.

— Tu veux dire que celui qui t'as fait des avances hier c'était ça ?

— T'es méchante.

Ça ne l'empêche pas de rire pour autant.

— Il mériterait que quelqu'un lui dise ses quatre vérités. Et puis comment ça se fait qu'il se prépare à moitié avant de venir ? C'est minable. Même venant de lui.

— Tu n'as cas le faire.

— Pour que ma mère me prenne la tête pour avoir de mauvaises relations avec notre voisin ? Sans façon.

— Salut, Ella. Je ne t'avais pas vu.

— C'est Ornella pour toi. Pas Ella.

Il fait apparition dans mon dos. Il ne manquait plus que ça. Une raison de plus pour repartir dans mon lit.

— Entre nous, t'as souvent préféré que je te susurre Ella.

Je lève les yeux au ciel. Minable est un mot beaucoup trop doux le concernant. Et puis, ressortir notre pseudo relation ne le sortira pas d'affaire pendant encore longtemps.

— Rends toi utile pour une fois. Pourquoi on ne peut pas rentrer ?

— Votre copine bloque tout le monde.

Pardon ? Notre copine ? Il ne peut faire référence qu'à une seule personne. Sidney. Ça veut dire que la machine n'est pas tombée en panne durant la nuit. C'est déjà une bonne chose. A voir maintenant, ce qui peut bien arriver à la fille la plus énergique que je connaisse.

— On devrai se voir ce weekend Cassidy. Je t'envoie un message dans la journée. De préférence, sans ton chien de garde. Je veux passer un moment agréable.

Je lui lève mon majeur en même temps que nous continuons de nous frayer un chemin. S'il pense que Cass s'intéresse à un mollusque comme lui, c'est qu'il a une estime de lui bien plus imposante que je ne le pensais. Et de toute façon, ce garçon n'est jamais porteur de bonnes intentions. Si ma meilleure amie ne veut pas connaître une sombre fin, elle ferait mieux de se tenir éloigné de lui. Simple conseil que je me donnerai à coeur joie de le lui rappeler.

Pourquoi m'avez-vous enterré ? (en correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant