Trente-six

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Le jour tant attendu par Sidney. Sa mère la laisse participer à sa première compétition de skate depuis que ses notes ont fait un pic vers le haut. Elle a été forcée de voir que notre méthode a porté ses fruits et que Sidney s'est remise à travailler d'elle-même.

Avec Cassidy, on rejoint les garçons dans la file d'attente. Je ne pensais pas que c'était un événement autant convoité. C'est bien la première fois que m'y rends. Je suis contente qu'ils soient arrivés avant nous, je me voyais mal me rendre de bon coeur à l'autre bout. De ce que je vois, on ne risque pas de manquer de spectateurs.

— Sidney et toi, vous pourriez nous offrir des places VIP quand on vient vous voir. Il y a des chances qu'on soit mal placé pour la voir. On reste vos plus grands supporters tout de même.

Cassidy se veut impatiente aujourd'hui. Je la comprends. En général, nous ne sommes pas avec Sidney quand elle part défier la gravité avec sa planche. Et puis pour sa première compétition, c'est évident qu'on soit à la bonne place en ce moment. Il ne manquerait plus qu'on assiste aux matchs de baskets et qu'on ne fasse pas de même pour les autres.

— Et puis encore ? Tu vas asseoir ton arrière train sur un siège comme tout le monde et dans la masse de public en prime. Ça vaut pour chacun de vous. Je me désigne du doigt avec un air d'interrogation, toi aussi Ella. Créez un groupe de fan, vous cumulerez peut-être assez pour vous en acheter.

— Un fan club ? Il faut croire que le sport vous rend drôlement comique.

Joe boit une gorgée de sa boisson. Son acolyte tient un gobelet similaire au sien. Ils ont dû manger dehors ce midi. Je ne regrette pas pour autant notre plat de sauce tomate. Il en reste même pour ce soir ou demain, c'est à voir. Dans tous les cas, les parts restantes sont bel et bien dans le réfrigérateur elles.

Je balaie innocemment mon copain du regard. Ce dernier, tourne la tête à la recherche d'un voyeur qui ne voudrait pas le lâcher. Quand il percute que c'est moi, il adopte son petit sourire en fermant les yeux. J'avoue, me faire la tête sur le long terme c'est dur.

Les personnes devant nous avancent et on est contraint de faire de même. Néanmoins, savoir que j'ai accompli ces millièmes de secondes me ravi plus que je ne l'étais jusque-là.

Sur place, ce n'est pas le monde qui manque. Des dizaines de personnes sont déjà assises dans les gradins. Sans parler du nombre de participants au centre du terrain. Certains parlent entre eux, tandis que d'autres enchaînent les acrobaties munis de leur planche en s'élançant sur divers modules. Je pensais que seuls les skateurs concouraient mais je m'aperçois que des personnes tiennent des trottinettes et des vélos. Tu m'étonnes que cela dure toute l'après-midi. J'y aurai même mis toute la journée.

Sidney figure aux abonnés absents. Accoudée sur le dossier du siège devant le mien, j'essaie de voir au plus loin mais rien à faire. Que ce soit les personnes de dos ou de face, je ne reconnaît pas la fille qui en milieu de semaine a trouvé judicieux de m'enfermer dans sa chambre.

— Les participants sont invités à quitter le milieu de terrain afin de finaliser l'ouverture de la compétition. J'invite également les spectateurs dans les gradins à bien vouloir s'asseoir afin de ne pas vous gêner les uns les autres.

Un homme, perché sur le plus grand module, tiens un micro dans sa main. Avec ses lunettes de soleil abaissées et sa tenue se rapprochant plutôt d'un joggeur, je n'aurai pas deviné qu'il était celui qui nous accompagnerait tout le long de l'après-midi. Après ces brèves consignes, la piste se vide peu à peu, tandis que l'afflux de monde dans les marches d'escaliers se met à diminuer.

En tournant vers le haut des gradins, je repère un groupe d'étudiants qui se disperse. Je me disais aussi, que je ne les avais pas encore croisés en arrivant. Ils sont tous munis d'une grande boîte accrochée par une lanière qui passe sur leur nuque. J'ai déjà été à leur place plusieurs fois pendant les vacances. Entre les matchs de baseball et de baskets, les opportunités pour se faire un peu d'argent n'ont pas manqués pendant ces deux mois consécutifs.

— Je prends un grand soda au citron et vous ? Je suis d'humeur à passer commande pour tout le monde, profitez-en. L'offre expire dans deux secondes, rien que ça.

De notre côté, c'est une fille qui arrive bientôt à notre rangée. Sur sa ceinture est accrochée le lot de grands gobelets et les moyens. J'en déduis que sa boîte à elle ne contient que les réserves de boissons. Quelqu'un d'autre passera après elle avec la boîte de nourriture. Ça tombe bien, moi, je ne voulais que boire.

— Grand granité à la grenadine. Si je ne le finis pas, quelqu'un le voudra ou pas ?

Trois mains se lèvent. Bon et bien, ta nourriture ne risque pas d'être gâché dans ces conditions Cass.

— Une crêpe avec du chocolat ça me va. Casey tu suis ou tu prends autre chose ?

— Non, je vais plutôt prendre la gaufre. Avec du sucre.

Ils ont vu qu'elle ne portait que du liquide ou ça se passe comment ? À me demander l'opposé là, non mais j'hallucine. Je vais devoir faire attention à ne pas louper le prochain étudiant. Sinon, ils pourront dire adieu à leur dose d'énergie.

— C'est pour moi aujourd'hui.

Je sors ma pochette de mon sac. J'avais déjà prévu le coup. Normalement, si j'ai bien compté, j'ai plus de sous que ce qu'on a l'intention d'utiliser.

Arrivée à notre rangée, l'une des étudiantes que j'avais vu tantôt fait porter sa voix au plus loin possible pour que le public se rende compte de sa présence. Je me dépêche de lever ma main avant qu'elle ne reparte bredouille pour la rangée suivante. Je me lève et me rapproche des allées où elle attend.

— Bonjour, vous aimeriez commander une boisson ? La nourriture ne devrait pas tarder.

— Bonjour, je voudrais un granité à la grenadine. Je questionne ma meilleure amie de loin en lui mimant les tailles de gobelets, un grand ou un moyen, je ne me souviens plus.

J'arrive à discerner la réponse sur ses lèvres. Nous en avons parlé il n'y a pas si longtemps et je l'oublie déjà.

— Donc un grand granité à la grenadine et une grande limonade. À moins que vous ayez la même chose mais avec des bulles. Ce serait le top mais je ne compte pas mourir devant toi s'il n'y en a pas.

— Je crois que j'ai ce qu'il vous faut.

Le tutoiement...il serait temps que j'y fasse plus attention bon sang.

— Génial ! Ça va ce n'est pas trop dur ? Mon premier jour, j'ai raté une marche de l'autre côté. Disons que le soda sur les vêtements c'est moins rentable.

— Pour le moment, je n'ai pas eu de catastrophe. Par contre, l'uniforme maintient beaucoup trop la chaleur. Je vais finir par fondre.

On est coupés dans notre discussion par un monsieur dans la rangée juste en dessous qui aimerait lui aussi passer commande. On s'excuse toutes les deux, en essayant de cacher notre sourire. Je lui règle les boissons et la laisse filer en lui souhaitant bon courage pour la suite.

Pourquoi m'avez-vous enterré ? (en correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant