Un nouveau jour se lève. L'envie de quitter ma chambre est loin de me traverser l'esprit dans l'immédiat. Après le fiasco d'hier, je n'ai qu'une idée en tête : passer le restant de mes jours sur ce lit. Je ne crois pas que cela ferait plaisir à mes parents. Je les vois mal glisser des plateaux repas sous la couette et venir les récupérer plus tard. Ma mère se donnerait à coeur joie de me rappeler qu'on n'emporte pas de repas à l'étage et par des mots clairs et précis. Mon père ajouterait qu'ici ce n'est pas l'hôtel.
La veille j'ai refermé la fenêtre sans pour autant faire de même pour les volets. Le soleil qui perce jusqu'à moi est assez brutal. Je rabats mes paupières avant que ma vision ne se voile à tout jamais.
Je touche mes yeux. Ils ne sont pas douloureux et pourtant on croirait qu'une guêpe est venue jouer tout près. La sensation de gonflement se répertorie sous mes doigts. Les larmes c'est censées couler, pas stagner et presque faire exploser mes globes oculaires.
Enfin bon, me morfondre sur moi-même ne m'aidera pas à sortir du lit. Encore enroulée dans ma couverture, je me laisse tomber sur le sol. Cette bonne épaisseur suffit à annuler la moindre douleur. Chose faite, je peux rouler jusqu'à la porte, laissant derrière moi un amas de chaleur et d'eau séchée. Prochaine étape, la descente d'une dizaine de marches d'escaliers. Je ne vais avoir d'autre choix que de me lever. Je le crains.
— Jeune fille puis-je connaître l'explication de ton raffut en pleine nuit ? Sans parler que j'ai croisé Casey ouvrant notre porte d'entrée, non pour entrer mais pour sortir de la maison.
Son interrogatoire matinal prends fin aussi vite qu'il a tenté de débuter. Qui l'eut cru, mon apparence suffit à la faire taire pour une fois. C'est donc pire vu de l'extérieur. Je remonte à l'étage. L'objet que je suis partie récupérer est gentiment posé sur un coin de mon bureau. J'en profite pour prendre deux cotons. Je sens que je vais en avoir besoin.
— Chérie, tu sais que tu ne pourras pas te cacher derrière des lunettes de soleil toute la journée.
— Je sais, mais pour le moment je n'ai pas mieux.
Je prends la bouteille de lait dans le réfrigérateur et imbibe les cotons. Je les presse au-dessus de l'évier pour évacuer le surplus puis les pose sur mes yeux refermés.
Cela devrait commencer à faire diminuer le gonflement avant que je ne parte. Ma peau fera le reste toute seule durant la journée.
Je me demande si demain matin j'ai encore des yeux de la taille d'un bourdon et que je fais croire à mes professeurs que je suis empreint à une allergie, s'ils me laisseront garder mes lunettes pendant les cours. Avant ça, je vais déjà devoir affronter le regard de Sidney tout à l'heure. J'en avais complétement oublié l'absence de mon vélo sur le côté de la maison.
— J'y vais maman.
— Mange quelque chose avant. Un ventre vide est un aller simple pour tomber inconsciente.
Je jette les cotons dans la poubelle. Une serviette vient rapidement prendre leur place. Avec celle-ci, je tapote légèrement mes paupières afin d'enlever les traces de lait.
— C'est juste un aller-retour. Je prendrai un petit truc à grignoter en revenant. Promis !
J'enfile une veste par-dessus mon pyjama. Je n'ai décidément aucune motivation en ce jour.
La distance à pied me met plus de temps mais je finis par arriver. Cette fois-ci je toque sur la porte. Il est encore tôt pour qu'elle soit tombé de son lit elle aussi et je ne veux pas sonner, au risque de réveiller madame Martins.
Je ne m'attendais à rien mais je suis étonnée de voir mon amie m'ouvrir sa porte, toute préparée comme pour sortir. On dirait que la fête d'hier n'a jamais existé. Un morceau pain dans une main, elle m'invite à entrer.
— On rejoins Cass dans deux minutes. Juste le temps que je vide la table. Ton vélo est sur le côté, ma mère l'a déplacée. D'après elle, c'est trop dangereux de le laisser à la vue de tous.
— Je passe mon tour cette fois. Il faut que je rentre mais on se verra demain devant la grille. Pas de soucis pour le vélo, je vais aller le chercher. Je t'en supplie, pas de folie sur ton skate s'il n'y a plus d'éclairage par contre, je plaisante afin de ne pas éveiller de soupçons.
Mon téléphone s'est rempli de messages non lus de la part de celle que je considère comme ma meilleure amie. Je suppose que l'un d'eux me demandait de venir aujourd'hui. Cette réunion se fera sans moi et elle ne peut s'en prendre qu'à elle-même.
— Compte sur moi ! Dans ce cas, je fais le trajet avec toi et je continuerai vers la cabane ensuite.
— Tu vas faire un détour, tu es sûre que ça ne te dérange pas ?
— J'aurai fait mon effort quotidien. D'une pierre, deux coups.
Elle doit sentir que je ne suis pas dans mon assiette. Une des qualités de Sidney est qu'elle fait de son mieux pour que les autres aille bien. Elle ne me dira pas que j'ai l'apparence d'un zombie alors que je suis partie tôt de la fête. Elle ne me demandera pas tout de suite non plus pourquoi je me suis emportée. Sidney attendra que je me confie durant les prochains jours et si ça n'arrive pas alors à ce moment, elle commencera à me poser des questions.
Je prends mon sac resté dans l'entrée et on sort enfin. Sidney est littéralement mon opposé. Une pêche phénoménale contre une lenteur d'escargot. J'en perds les mots tant ce n'est pas mon habitude.
— Je dirai à Cassidy que tu as eu un empêchement.
— Merci.
Le chemin se fait dans le silence. Ce n'est pas gênant. C'est, je dirai, l'instant le plus reposant de ces récentes heures écoulées. Les brises de vent qui circulent entre mes cheveux me revigorent. J'ai besoin d'une douche chaude dès mon arrivée à la maison. De quoi sentir que je suis toujours en vie, que mes muscles qui se détendent ne m'ont pas abandonné, que mes nerfs se reboostent un coup.
— Casey a quitté la fête peu après toi. Je t'arrête avant que tu essaie de te dédouaner de quoi que ce soit, je ne veux pas essayer de connaître la nature de votre relation au jour d'aujourd'hui. Néanmoins, prends les bonnes décisions. Elle ne te fera pas de cadeaux et tu le sais.
Ni bête, ni aveugle. L'ancienne brune a raison sur toute la ligne. Nous n'avons pas dû assurer nos arrières correctement. Il n'y a vraiment que Cassidy pour ne pas voir la vérité en face. Cela doit lui paraître tellement irréaliste que ça ne lui saute pas aux yeux. Son frère biologique, du même sang, et sa soeur choisie par les liens du coeur.
— Je crois que lui et moi ne sommes plus...
— Tu devrais suivre les conseils que tu nous donnes.
— Comment ça ?
— On est arrivé devant chez toi. On se voit demain à la sortie du bus.
Elle esquive la question mais n'a pas tort, c'est bel et bien la devanture de chez moi. J'appuie mes freins. Donner de simples conseils et donner les bons, sont deux choses différentes. Donner les bons conseils et suivre ses propres conseils, n'en parlons pas.
Au pied de la porte, je me tourne vers la rue. Mon amie, un pied à terre, me regarde fixement. Je la pensais déjà repartie. Quand elle voit que je la fixe, elle me sourit à son tour.
Je la salut d'une main avant de passer l'encadrement. Ce n'est que quand je m'apprête à refermer la porte que je la vois appuyer son pied au sol. Elle prend un peu d'élan avant de reprendre la route à bord de son skate.
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Pourquoi m'avez-vous enterré ? (en correction)
Mystery / Thriller"Ornella, une adolescente qui ne se laisse pas marcher dessus, doit participer à une expérience scientifique, afin de se rappeler pourquoi elle a tué sa meilleure amie" _________________________ Bienvenue en 2078 ! Les voitures n...