Vingt-deux

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Je suis pleine. Littéralement. J'avais proposé que l'on digère un minimum avant de repartir mais ma requête avait été envoyé au loin. Aux oubliettes. Ils n'ont cas me rouler à l'extérieur du restaurant, puis chez le coiffeur. Je pourrais tout aussi bien y aller en rampant. Ce n'est pas bête ça dit donc.

Je n'ai pas fini mon pot de glace. Heureusement il est fourni dans un récipient cartonné. Je peux partir avec sans qu'un serveur me dise que la vaisselle de l'établissement, reste dans l'établissement.

— Tu vas faire qu'elle couleur cette fois-ci ? Le rose barbe à papa ne t'intéresse pas ?

— Mouais. Non, j'envisageais des mèches prune.

Une voiture accepte de s'arrêter afin de nous laisser traverser, malgré l'absence de passage piétons. On finit par arriver pile poil à l'heure du rendez-vous. Par miracle, il n'y a personne pour le moment. L'une des coiffeuses vient à nous pour savoir si nous avons pris rendez-vous au préalable.

— Je n'en crois pas mes yeux, je tombe amoureuse. Blond platine ! C'est ce qu'il me faut. Vous n'êtes pas d'accord madame ? Mon destin était de voir cette perruque.

J'avoue que je suis fan. Elle lui ira comme un gant. La morphologie de sa tête convient parfaitement. Sidney demande si elle a la possibilité de voir ce qu'elle donnerait devant une glace.

La coiffeuse regarde discrètement sa collègue, actuellement au téléphone, avant de nous répondre par l'affirmative. Devant le miroir, Sidney se regarde sous toutes les coutures. Le résultat est si... C'est à se demander si ce n'est pas mieux que son brun naturel.

Pendant qu'on part l'installer à un lavabo, je prends place sur une chaise qui tourne. Glace en main, je m'amuse à tourner sur moi, tout en mangeant.

— On pourrait en profiter pour se faire couper quelques centimètres tu ne penses pas ?

Je lève les yeux de mon dessert. Cassidy joue avec le bout de ses pointes. À ce que je vois, c'est une question sérieuse. Là comme ça. L'ambiance teinture du samedi lui a donné envie de rafraîchir le tout. Enlever un peu de poids sur sa tête.

Eh bien pour le coup, non je ne pense pas. Je suis à des années lumières de réfléchir à un sacrilège pareil. Je fais mon possible pour voir mes cheveux confronter ceux de Raiponce. Je ne vais donc pas tout gâcher en laissant une inconnue tenir une paire de ciseaux au-dessus de ma tête. Je préfère laisser ce job à ma mère.

— Vous devriez jouer cette décision. Je note un chiffre au hasard sur une feuille, celle qui s'en rapproche le plus sans le dépasser, est celle qui aura le point final.

Il déconne ?

— Mais non ! Je ne veux pas. Regarder moi ces cheveux scintillants et pleins de vie. L'heure des sacrifices n'a pas sonné.

— Moi je suis pour. Peur de perdre Ella ?

Je cherche du réconfort vers Joe. Ce dernier est déjà parti demander un stylo à l'employé anciennement au téléphone.

Traître.

— T'inquiète, les cheveux ça repousse.

Dit celui qui n'a même pas la moitié de ce que j'ai. Le poissonnier qui dit au bijoutier comment faire son travail. Rien ne va.

Les jumeaux ont de vraies idées vicieuses par moments. À quel moment on joue mes bébés sur un foutu chiffre. Je le sens tellement mal.

Casey, après un temps de réflexion, note finalement un nombre sur une serviette en papier. Il se trouve donc après dix mais ne peux pas excéder cent. Les propositions seraient trop infinies.

— 56

Je croise les doigts pour ne pas avoir dépassé ou carrément qu'on le dépasse toutes les deux. Ainsi, je n'aurai plus cas dire qu'après une tentative, le destin nous montre simplement que ce n'est pas une bonne idée.

Cassidy fait mine de réfléchir. Prends ton temps t'as raison. Si c'est l'heure de fermer, on fera passer cette bêtise sous la trappe.

— 50

Joe tourne vers nous le papier qui détiens mon jugement de vie ou de mort.

— C'était 55.

Qu'est-ce que je disais, une histoire qui allait mal finir. Forcément, tout était contre moi. À un chiffre près. Ils pourraient au moins avouer que leur lien fraternel revient à une méthode de triche. L'un pense à quelque chose et l'autre reçoit l'information plus vite qu'on reçoit un mail.

***

— Madame, je vous en supplie dites-moi que vous avez votre diplôme depuis une dizaine d'année.

— J'ai 23 ans. Ce serait assez improbable.

Je me retourne affolée sur ma chaise. Je veux le gaz pour dormir. Comme à l'hôpital. Ainsi, je préfère être dans le déni des futurs bruits de ciseaux.

— On peut toujours faire la simulation si vous voulez ? Il vous suffit de vous placer face à l'écran et de couper la longueur désiré dessus.

Je répond par la négative. Évitons de faire monter les larmes une nouvelle fois. Je serai asséchée jusqu'à l'os si je continue sur cette voie.

Cassidy est sur le siège d'à côté, un genre de tablier comme le mien a été posé sur sa poitrine. Elle me demande de fermer les yeux. On ne verra pas le résultat avant que la dame ne pose son arme sur la table devant moi.

Comme si je comptais assister à ce carnage avec les yeux grands ouverts. Je serai tenté de bouger si je vois que la coiffeuse récemment diplômée fait une chose qui me déplaît. Je n'ai pas envie de repartir d'ici avec un coup de ciseaux jusqu'au crâne.

— Regardez le missile qui réapparaît dans votre vie.

Fraîchement pimpante, Sidney, qui n'est plus brune du tout, tournoie jusqu'à nous. Le blond platine était le choix par excellence. On est sur une toute nouvelle personne. Aujourd'hui, ce sont des changements sous toutes les coutures. Il ne manque que les garçons qui allez savoir comment sont passés dans les mailles du filet.

— Je ne rêve pas, vous êtes passé sur le billard aussi ? Vous en avez profité pour couper quelques centimètres.

— J'ai demandé qu'Ella est la même longueur que moi. On ne dirait pas des jumelles ? Bon on n'a pas la même couleur de cheveux mais ça peut se résoudre rapidement.

Je la toise. Ni plus, ni moins. Cassidy s'est transformée en clown pour l'après-midi. Il serait temps de revenir à la réalité. Le cirque c'était cet été qu'il fallait y participer.

Je caresse mes racines, puis descend vers les pointes. J'arrive au bout plus vite qu'avant. Sacrilège.

Je me résous tout de même à me regarder dans l'un des miroirs. Ils s'arrêtent légèrement en-dessous des épaules. C'est si haut les épaules. Elle m'a taillé des centimètres ou des mètres ? Je me sens nu. Sans parler que quand je bouge la tête, elle est plus légère qu'en temps normal. Preuve, que je viens de perdre plus que j'imaginais.

J'ai perdu le poids des cheveux, pas celui de mon intelligence. Je me dois de m'auto consoler. Je ne peux pas attendre sur les autres tout le temps. Quand on veut quelque chose, on se donne les moyens d'y parvenir coûte que coûte. Quel qu'en soit le prix.

Néanmoins, le coupé court ne me va pas trop mal. Ce n'est pas une idée qui me serait venu c'est certain. Mon reflet dans le miroir me rajoute une dose de maturité. L'effet des cheveux long ou court change l'avis que l'on peut se faire sur quelqu'un. Avant de rentrer, j'étais une jeune fille avec une maturité moyenne à tous. Maintenant, je respire une maturité de future diplômée. Bon j'ai encore plusieurs mois et plusieurs examens avant que ça n'arrive mais je suis confiante.

Je valide mais je ne l'avouerai sous aucun prétexte.

Pourquoi m'avez-vous enterré ? (en correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant