L'étrangère s'avance avec hésitation vers le portail grand ouvert.
Olimpia l'observe avec intérêt. Pas qu'elle soit d'une stupéfiante beauté ou l'inverse, mais quelque chose a retenu l'attention de l'italienne. Quelque chose d'autre que le haut chignon de cheveux couleur sable ou la pâleur maladive s'entend, car son physique est tout à fait remarquable. Olimpia a déjà vue des anglaises à la peau laiteuse ou des russes au teint froid. Mais rien de comparable à cette fille.
Bref, elle lui laisse une impression étrange. La quasi-certitude qu'elle n'est pas une étrangère comme toutes celles que l'on voit débarquer chaque année, l'œil pétillant d'excitation à l'idée de passer neuf mois environnées de mecs canons et enjôleurs à faire la fête. Oui. Parce que l'italien est toujours canon et enjôleur aux yeux des étrangères. Les mecs sont toujours plus beaux ailleurs, c'est bien connu !
Olimpia imagine qu'elle se comporterait probablement de la même manière si elle quittait sa terre natale pour ses études. Mais ça n'arrivera pas. Grâce à sa famille !
Bien sûr, elle se venge. Depuis deux ans, elle choisit ses petits-amis parmi l'arrivage d'étudiants étrangers. Elle parvient toujours à en trouver un ou deux à son goût. Aussi vite consommés qu'oubliés. Ce qui a le don de faire enrager ses frères. Et son père.
Bien fait !
Diplôme en poche, dès que l'opportunité se présentera, elle partira. Elle ne sait ni où, ni sous quel prétexte, mais elle partira ! En attendant, elle est condamnée à finir son cursus sur le bon vieux sol italien, entourée de trois frères surprotecteurs et très, très, très pénibles.
L'étrangère est entrée dans le patio central du bâtiment qui abrite l'université de Lettere e filosofia. Elle s'est arrêtée à l'abri du soleil, sous les colonnades. Elle observe la fontaine centrale avec un léger sourire.
Olimpia trouve étrange qu'elle sourit. C'est une fontaine ! Et même pas la plus grande, ni la plus majestueuse de cette ville ! Elle a dû en voir d'autres en arrivant, quel que soit le chemin emprunté. Elle est bizarre cette fille. Bizarre, mais attirante...
– Pia ! Pia ! Tu es enfin arrivée ! Tu as vu le groupe de M. Conti ? lui demande une jolie brunette à lunettes qui a surgit des escaliers derrière elle.
– Pas encore, Giovanna ! Pas encore ! Mais je compte y aller presto ! répond Olimpia sans quitter l'étrangère des yeux.
Cette dernière s'est tournée vers les italiennes sans les voir. Elle cherche quelque chose. Puis son visage s'illumine de nouveau. Elle a trouvé. Giovanna n'a rien remarqué. Elle embraye sur Conti et ses élèves. L'étrangère disparaît au bout d'un couloir, et l'esprit d'Olimpia écoute enfin son amie.
Marco Conti est le jeune professeur qui donne des cours de langue italienne à tous les étudiants étrangers qui arrivent à l'université. Lui-même est l'italien typique. Taille moyenne, corps athlétique, teint mat, cheveux noirs légèrement bouclés coiffés en arrière, yeux profonds et sourire ravageur. Un air un rien amusé affiché en permanence sur le visage, et la parole facile. Et puis ses mains. Ses mains qui parlent en même temps que ses yeux. Qui accompagnent ses paroles aussi bien qu'une musique. Un italien, quoi !
Marco est ami avec le frère aîné d'Olimpia, Galeazzo. Ils ont le même âge, 27 ans. Ils sont allés à l'école ensemble, ont fait les quatre cent coups ensemble, ont aimé les mêmes filles, se sont battus pour elles, puis se sont réconciliés en les abandonnant. Leur amitié est très forte. Seules les études supérieures ont réussi à les éloigner un peu. Azzo suivant les traces de son père en devenant ingénieur. Marco en suivant celle de sa mère et devenant professeur.
Et puis, deux ans plus tôt, quand Olimpia avait intégré l'université, Marco était réapparu dans leur vie en la courtisant. Bien mal lui en avait pris. Les trois frères de la jeune fille, du plus âgé, Galeazzo au plus jeune, Giambattista, en passant par celui du milieu, Giuseppe, lui étaient tombé dessus comme la misère sur le pauvre monde.
Ça c'était terminé avec un repas gargantuesque concocté par nonna Gianna, leur grand-mère, qui n'aime rien tant qu'avoir autour d'elle toute une tablée de mâles discutant fort et refaisant le monde pour se réconcilier. Marco avait finalement considéré que son inclinaison pour Olimpia ne valait pas qu'il mette en péril son amitié pour Azzo. La jeune fille avait laissé faire. Marco avait eu de l'intérêt tant qu'il avait été inconscient de la déflagration qu'il allait produire.
Une fois le prof hors course, Olimpia avait immédiatement jeté son dévolu sur un certain Hans, grand blond aux allures prometteuses de nageur teuton.
Giuseppe, son second frère, étudiant comme elle, avait été sur ses talons pendant des mois, sans rien pouvoir faire – l'hospitalité italienne légendaire ne pouvait être égratignée pour un simple flirt - . Jouer au chat et à la souris avec son frère, avait beaucoup amusé Olimpia. Elle pouvait même dire qu'elle y avait pris goût.
Par la suite, il y avait eu David, Antoine, Freidrich, Anton et Julio. Ce dernier avait été à deux doigts de frôler la mort en lui volant un baiser en public. Cet idiot n'avait pas compris la règle d'or : tout est autorisé du moment que l'on est caché. Elle l'avait largué juste avant la fin de l'année scolaire. C'était il y a deux mois.
Depuis, elle avait été sage. Elle avait consacré son été à sa nonna Gianna et au travail. Mais à présent, c'était la rentrée. Elle devait se choisir un nouveau pion. Un beau pion si possible, histoire de faire grincer des dents. Il fallait donc effectivement qu'elle jette un œil à la classe de Marco.
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Romance à l'italienne
ChickLitÉtudiante française, Céleste vient d'arriver en Italie, prête pour une année d'étude dont elle a rêvée. Elle est prête à tout donner pour revenir auréolée de succès. Mais c'était sans compter la famille Malatesta. D'abord la fille cadette, Olimpia q...