Céleste manque de s'étouffer avec la bouchée de sandwich qu'elle vient de voler au jeune homme.
– Un karaoké ? répète-t-elle d'une voix étranglée.
– Si, signorina ! Ici, c'est un classique en termes de soirée...
– Ça ne va pas être possible, Giuseppe.
– Comment ça ? Ça va pas être possible ? s'exclame-t-il en se redressant tout à fait.
– Je ne chante pas en public. Jamais... Capisce !
– Mais comment je fais, moi !
– Dans quel mélodrame tu essayes d'embarquer mon amie préférée ? demande alors Olimpia qui vient d'arriver.
– Elle ne veut pas venir à la soirée karaoké de ce soir.
– Comment ? Mais tu n'as pas le choix, jeune fille ! dit Pia avec un sourire éclatant.
– Ben si, quand même un peu. Je vous vois mal m'emmener de force, quand même.
– Dai ! Giù est bien assez costaud pour te porter... Alors méfie-toi !
– Je chante comme une casserole.
– Mais justement, c'est ce qui rend le karaoké si précieux et drôle ! On chante tous très mal. Enfin, certains plus que d'autres !
– Tu penses à qui en particulier ? demande Giù avec un coup d'œil sombre digne d'un tueur.
– Pas à toi, Giùseppino... mais ta dernière conquête... Ma ! Quelle horreur !
– Je serai pire.
– Ah ! Non ! Ça, c'est impossible. Je crois que cette Giùletta... C'était son prénom ? Si, Giùletta était au summum...
– On parie... soupire Céleste.
– Tu veux parier ? s'exclame Giuseppe. Mais je croyais que tu ne jouais jamais d'argent.
– On peut parier autre chose, conclut sa sœur en observant bien Céleste.
Pour une raison inconnue, Céleste sent la mâchoire d'un piège à loup se refermer sur elle. Qu'est-ce que l'italienne a en tête exactement ? La jeune française observe le frère et la sœur qui se sourient, et ça ne lui dit rien de bon.
– Je ne vais pas parier finalement. Parce que, à voir votre air diabolique, il y a des chances que je perde mon âme comme Faust. Et franchement un karaoké ne vaut pas la peine de perdre son âme. Je viens.
Giuseppe éclate de rire et se rallonge. Olimpia sourit de plus belle. Céleste a l'impression de s'être fait avoir. Mais bon. Personne n'est encore mort de honte à sa connaissance. Et ce qui arrive en Italie, reste en Italie, pas vrai ? Il faudra juste éviter d'être dans la lumière. Histoire de planter toutes les images susceptibles d'être faites et tournées ce soir.
La salle est bondée. Céleste n'aurait jamais imaginé que ce genre de soirée soit si prisée. À force d'avoir toujours la tête dans le guidon, elle se rend compte qu'elle loupe sans doute un paquet de trucs. Mais bon, avec Olimpia, elle a des chances de rattraper le retard avec méthode accélérée.
Petrus n'étant pas encore arrivé, le frère et la sœur Malatesta lui attribuent la place entre eux sur la banquette – pour éviter qu'elle ne s'enfuit probablement-, ce qui détonne un peu. Giù s'est habillé simplement, mais de manière impeccable comme toujours. Pia est magnifique avec un joli haut pailleté sur un jean qui met en valeur ses formes, et des talons vertigineux. Céleste, elle s'est contentée d'être comme d'habitude. Jupe bleu roi et haut vert sapin, avec des collants à rayures assortis et des bottines foncées. Une simple queue de cheval pour ses cheveux. Pas de maquillage – à quoi bon ! Avec son teint, il aurait fallu lui en coller des tartines pour finalement accéder à un résultat plus qu'improbable et vulgaire. À défaut d'être belle, elle est amusante. C'est ce qu'elle se dit pour se rassurer quand elle a un doute.
Pour lui montrer qu'il a confiance en ses capacités scéniques - ou plus vraisemblablement qu'il n'a pas peur d'être ridicule -, Giuseppe l'embarque dans un duo. Une chanson italienne qu'elle n'a jamais entendue de sa vie. Heureusement, le charisme de Giuseppe Malatesta fait vite oublier la fille qui l'accompagne. À la fin de la chanson, elle se dit que finalement ça n'a pas été si terrible. Sauf qu'une main la retient. Elle doit se rendre à l'évidence, on veut qu'elle chante seule. Giù et Pia tiennent les deux sorties de scène comme des gardes suisses. C'est mort pour filer à l'anglaise.
Céleste soupire fort, et se penche sur la liste des titres proposés. Bon, il y a bien « La vie en rose » de Piaf et « Amsterdam » de Brel, mais avec sa voix, ça va pas être possible. Le reste ne lui dit pas grand-chose... sauf une. Une chanson italienne qu'elle connaît parfaitement même. Une chanson qu'elle adore et quelle écoute en boucle régulièrement, même si elle ne l'aurait jamais reconnue en public, parce que sincèrement c'est pas la crème de la crème en terme d'intelligence. Mais bon. Elle la connaît. Et surtout, elle ne demande pas d'avoir une voix particulière. Elle peut donc s'en sortir sans trop de dommage.
Giuseppe et Olimpia se fixent, éberlués, quand ils entendent les premières notes du morceau. Soit leur petite française est totalement folle, soit elle détient des talents cachés... parce que cette chanson est un mambo mâtiné d'électro, un pur morceau estival pour discothèque, qui demande une connaissance parfaite de l'italien et de son débit rapide...
Céleste commence à chanter.
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Romance à l'italienne
ChickLitÉtudiante française, Céleste vient d'arriver en Italie, prête pour une année d'étude dont elle a rêvée. Elle est prête à tout donner pour revenir auréolée de succès. Mais c'était sans compter la famille Malatesta. D'abord la fille cadette, Olimpia q...