39/ Excuses et contrariétés

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Pourquoi Céleste a-t-elle été encore si désagréable ? Il n'a pas fait exprès de la surprendre. Il s'inquiétait pour Gianna. Et il a proposé de remplacer le téléphone qui s'est cassé à cause de lui. Il y a d'autres façons de refuser l'aide de quelqu'un.

Elle a été animée d'un esprit de revanche qu'elle n'a pas ressenti depuis si longtemps, qu'elle s'y est abandonnée sans se poser de question.

Céleste fixe l'appareil dont l'écran demeure noir. Sans vie.

– Je suis stupide. Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à discuter calmement avec ce type ? Et lui ? Pourquoi faut-il qu'il soit toujours aussi... lui ! murmure-t-elle pour elle-même.

– Parce que vous êtes aussi stupide l'un que l'autre, peut-être.

Gianna se tient à la place qu'occupait son petit-fils peu de temps auparavant. Elle a un regard matois.

– Galeazzo vous cherche, nonna. Il était inquiet.

– Ne change pas de sujet, jeune fille.

– Je ne change...

– Si. Tu changes de sujet.

Céleste hausse les épaules en déposant le cadavre de son téléphone sur le bureau.

– Je n'arrive pas à comprendre comment un frère peut être aussi différent du reste de la fratrie ? Giù, Pia et Battista sont si sympathiques et drôles.

– C'est qu'ils ne portent pas le même fardeau, tu le sais, piccolina, dit Gianna en s'asseyant sur le lit et en tapotant la place près d'elle.

Mais Céleste reste à sa place. Elle n'est pas sûre d'avoir envie de cette conversation. La jeune fille sait qu'elle la mènera sur des chemins qu'elle a soigneusement évité ces dernières années.

– Tu sais, ça n'est pas parce que la famille Malatesta est riche qu'elle n'a pas de problème. Tu te trompes complètement si tu crois que l'argent empêche la vie d'être une chienne. Une tête d'enclume comme mon fils sera toujours une tête d'enclume qu'il soit riche ou pauvre. Toi, tu imagines que si tu avais la même richesse, tout serait réglé. Détrompe-toi. L'argent facilite l'existence, mais ne résout rien. Azzo est un homme qui se noie sans s'en rendre compte. Cela fait un certain temps que sa barque prend l'eau. Tu es la vague qui vient de le submerger.

– Je ne suis rien du tout, nonna Gianna. Je ne suis rien du tout ! Il ne me supporte pas ! Parce que Pia et Battista m'aiment bien, et qu'il pense que je ne suis pas une bonne amie pour eux. Parce que Giù m'aime un peu plus que bien, et que je ne suis pas une petite amie acceptable. Parce que je refuse de me taire quand il parle. Parce que je ne corresponds pas à ses critères de normalité... d'acceptabilité. Je le vois bien dans ses yeux...

– Vraiment ? C'est tout ce que tu vois dans ses yeux ?

Céleste hausse de nouveau les épaules. Elle n'a pas de réponse. Celle qui affleure lui parait incongrue, malvenue, incohérente.

– Et toi ? Tu ne l'aimes pas pourquoi ?

– Autoritaire. Arrogant. Méprisant. Désagréable. Ça suffit comme adjectifs ?

Gianna se met à rire.

– Comme tu es loin sur le chemin, piccolina. Très loin. Je te croyais plus lucide. Tu es si combative ! Mais tu te trompes complètement si tu crois qu'il faut le combattre, lui ! C'est contre toi-même qu'il faut lutter !!!

La vieille dame se lève et sort en continuant de glousser. Céleste l'entend marmonner que les jeunes d'aujourd'hui réfléchissent beaucoup trop pour avoir une bonne santé mentale... pas étonnant que la filière de Pia soit aussi sollicitée.

Céleste s'approche de la fenêtre. La voiture de Galeazzo est toujours en bas. Il attend Gianna. Sans réfléchir plus, la jeune fille enfile ses bottes et sort. Gianna la voit passer en courant. La vieille sourit avant de continuer à faire son petit sac.


Galeazzo voit Céleste s'approcher. Elle toque à sa fenêtre et se penche pour lui parler. Elle ne sourit pas, mais n'a pas l'air en colère non plus.

– Je viens m'excuser.

– Vous excuser ?

– Oui. Je m'excuse. J'étais si catastrophée pour le téléphone. Et puis, vous m'avez vraiment fichu la frousse en entrant comme ça dans ma chambre...

– Je m'excuse aussi. Céleste.

Elle comprend qu'il tente une approche amicale en utilisant son prénom. Ce qu'il n'a encore jamais fait.

– Nous sommes quittes alors... Galeazzo.

– Azzo suffira.

– Azzo.

– Oui. Nous sommes quittes... pour cette fois.

Romance à l'italienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant