Céleste a retrouvé le chemin de la bibliothèque assez facilement. Elle commence à connaître une partie du palazzo, mais toujours pas les cuisines. Pourtant, c'est bien Gianna qu'elle aurait aimé voir. Elle trouve étonnant de pouvoir parler plus librement avec la vieille femme plutôt qu'avec Olimpia qui a presque son âge. C'est comme ça. Le privilège de l'âge sans doute.
Elle s'affale dans un fauteuil tourné vers l'âtre de la cheminée éteinte, sans même ouvrir une seule lumière. Elle a besoin de réfléchir. D'être seule. D'ici, on entend à peine la rumeur de la soirée. Elle ferme les yeux et profite de la quiétude du lieu.
Pourquoi a-t-il fait ça ? Elle pensait qu'il la méprisait. Et elle ne l'aime pas non plus, du fait de son comportement et de sa position sociale. Mais peut-être a-t-il juste cherché à la blesser, à profiter de la situation ? Chercher à l'abuser et ensuite s'en vanter auprès de Giuseppe ? La marquer de son emprise parce qu'elle ne se soumet pas à sa condition ? C'est sûr...
Pas si sûr.
Ça n'est pas la sensation qu'elle a eue quand ils se sont embrassés. Pas de triomphe arrogant. Juste une soif à laquelle elle a répondu sans hésiter. C'est inattendu. Vraiment ? N'a-t-elle pas déjà eu envie de l'embrasser ce soir-là après avoir fini de faire le ménage dans les bureaux de son entreprise ?
Elle est confuse. Bien sûr, elle s'est reprise à temps, car c'est une erreur. Elle et lui n'ont rien en commun. Ils sont même à l'opposé d'un même spectre. Trop de différences.
Alors comment ont-ils pu en arriver là ? Elle n'a pas l'impression d'être amoureuse ou de le désirer. Alors pourquoi l'avoir embrassé ? Parce que c'est exactement ce qu'elle a fait ! Ma che stupida !
Elle se prend la tête entre les mains. Elle pense à Gianna et à ce qu'elle lui a dit. Est-ce ces paroles qui se sont frayées un chemin vers son cœur ? Est-ce que ça l'a chamboulée sans qu'elle en prenne conscience ?
Et que va-t-elle faire maintenant ? Porca miseria ! Elle ne peut pas fuir. Pas cette fois. Elle n'irait jamais assez loin. À moins de rentrer en France ! Elle n'est en Italie que depuis quatre mois... Il lui en reste cinq ! Et elle a son mémoire à finir ! Elle ne peut pas tout abandonner à cause de Galeazzo Malatesta. Il va falloir l'affronter. Elle n'a pas le choix. Il faut qu'elle clarifie les choses. Ou alors, elle l'évite. Non ! Ça c'est impossible ! Pas avec Nonna et Pia dans les environs ! Elle est perdue !
Elle en est là de ses réflexions quand elle entend distinctement un gloussement derrière la porte de la bibliothèque. Un couple batifole. C'est une évidence. Céleste se recroqueville dans son fauteuil, espérant que les amants ne tenteront pas d'entrer.
L'espoir fait vivre, mais n'est pas toujours couronné de succès. La porte s'ouvre, et le couple entre. Céleste ne veut surtout pas bouger, mortifiée à l'idée qu'on la découvre, mais elle devine l'étreinte aux gémissements qui proviennent de la femme.
Manifestement, ils ont choisi la méridienne près de la porte-fenêtre, à l'opposé du fauteuil où se trouve Céleste. Elle se demande s'ils la remarqueraient si elle tentait de sortir discrètement. Tout dépend de l'orientation des corps. Et ça, elle ne peut pas le savoir sans jeter un œil. Sauf qu'elle n'ose pas. Qu'elle ne veut pas.
– Oh ! Monsieur Malatesta... Vous êtes...
Alessandro Malatesta ! La situation est pire que tout ce qu'elle aurait pu imaginer ! Le père de Pia ne lui pardonnera jamais l'affront s'il s'aperçoit de sa présence en cet instant ! Le cœur au bord des lèvres, Céleste oscille entre gêne et désespoir.
Elle cherche un moyen de se sortir du pétrin quand la femme murmure de nouveau.
– Oh ! Azzo... continuez, continuez...
Azzo ? Galeazzo ? Galeazzo Malatesta a amené une femme ici pour se la taper discrètement !!! Juste après l'avoir embrassée, elle !!! Che cazzo ! Comment peut-il... ? Le salopard !!!
La colère de Céleste s'envole au firmament. Elle ne se préoccupe plus de rester discrète ou de ne pas se montrer. Elle jaillit du fauteuil et se précipite vers la porte. Elle entend vaguement les protestations mi-gênées mi-amusées de la femme que Galeazzo tient entre ses mains... expertes, manifestement ! Et son juron à lui ! Il est contrarié ! Tant mieux ! Céleste espère lui avoir coupé son élan ! Bien fait ! Elle claque la porte et s'enfuit vers la salle de réception.
– Céleste ! Je t'ai cherchée partout ! Où étais-tu ? Je me suis inquiétée...
– Pourquoi ? J'étais dans la bibliothèque pour profiter du calme.
– Bon... Tu as l'air bizarre. Tu es sûre que ça va ? Tu ne t'inquiètes pas pour ce qu'a dit mon père, j'espère ?
– Un peu si...Je ne voudrais pas être la cause d'une dispute grave...
– Ah ! Ah ! Ah ! Céleste ! Allons, mon père et moi, on se dispute sans arrêt !
– Tu n'as pas peur qu'il te coupe les vivres ?
– Il n'osera jamais ! Pas tant que Gianna vivra ! s'exclame Pia avec un grand sourire. Le vrai patron, c'est elle ! Et elle est toujours de mon côté ! Surtout te concernant ! Elle t'adore !
Ça risque de changer bientôt, Céleste le craint.
VOUS LISEZ
Romance à l'italienne
ChickLitÉtudiante française, Céleste vient d'arriver en Italie, prête pour une année d'étude dont elle a rêvée. Elle est prête à tout donner pour revenir auréolée de succès. Mais c'était sans compter la famille Malatesta. D'abord la fille cadette, Olimpia q...