Perplexe, Céleste s'est arrêtée net pour le fixer. Pourquoi fait-il ça ? Et pourquoi arbore-t-il soudain cette sorte de demi-sourire ? A-t-il trop bu ? Elle redoute un autre incident avec un autre frère Malatesta. Galeazzo a beau être moins massif que Giuseppe, la jeune femme n'en n'est pas moins convaincue qu'elle ne fera pas le poids contre lui. Si ça continue, elle va très sérieusement songer à s'inscrire à des cours d'autodéfense !
Elle tente une feinte sur la droite au cas où ce serait un malentendu, mais il suit le mouvement. Donc, l'objectif est bien de l'empêcher de sortir. A-t-il soudain compris qu'ils se trouvent seuls dans un endroit où personne ne viendra les chercher ? Cherche-t-il à profiter de la situation ? Elle ne l'aurait pas imaginé comme ça. À moins qu'il ne s'agisse d'autre chose.
Elle songe immédiatement à Francesca... Et si tout cela n'était qu'une méchante farce ! Ça lui est déjà arrivé avec des personnes comme eux. Des gens qui aiment rabaisser les plus démunis, histoire de bien les enfoncer ! Elle n'aurait pas pensé que Galeazzo Malatesta puisse s'adonner à ce genre de chose, mais bon... Elle le connaît si peu, finalement.
Céleste recule et part dans la direction de la porte-fenêtre qui donne sur le jardin. Malgré son apparente fragilité, elle n'est pas de celles qui se laissent abattre facilement. Elle va leur montrer ce dont est capable une « petite » française sans envergure !
– Pourquoi fuyez-vous ?
– Je ne fuis pas. Je sors de cette pièce, c'est différent. Et comme vous ne semblez pas vouloir vous écarter de la porte, je choisis l'option suivante.
Alors qu'elle va atteindre la porte-fenêtre, il s'interpose encore. Il est rapide. « Porca miseria ! » pense-t-elle en s'écartant vivement. Elle réussit à mettre un fauteuil entre eux. Un simple fauteuil. C'est mieux que rien. C'est déjà ça.
– Pourquoi vouloir sortir ? dit-il en se rapprochant d'elle.
– Ne m'avez-vous pas dit que je n'avais rien à faire ici ?
– C'était stupide de ma part.
– Si c'était la seule chose stupide chez vous, murmure-t-elle avant de reprendre à voix plus intelligible. Où est Francesca ? Cachée quelque part à attendre de surgir pour se moquer ?
– Francesca ? Mais Francesca n'est pas... et... elle ne s'est pas moquée de vous...
– Vraiment ? Et bien, ça en avait tout l'air. Et vous savez quoi, je ne suis pas obligée de supporter ça ! Ni elle, ni vous, d'ailleurs.
– Vous êtes chez moi, quand même.
– Non. Je suis chez votre père. Nuance. C'est à lui que je dois le respect.
– Et par extension, à mes enfants, dit alors la voix d'Alessandro qui vient d'ouvrir la porte sans bruit, curieux de ce qu'il va trouver. Galeazzo, Francesca te cherche.
Céleste a un petit souffle de mépris en voyant l'italien sortir sans un mot. « Bon petit chien », pense-t-elle. Puis elle remarque le regard d'Alessandro posé sur elle. Un regard dur et froid. Intimidant.
– Puis-je récupérer mon fauteuil ? demande-t-il avec un ton ironique.
– Oui. Pardon. Je ne voulais pas vous déranger. Je ...vous avez une magnifique bibliothèque, dit-elle en s'écartant ostensiblement.
Alessandro, comme Galeazzo, a une certaine prestance. Et il sait en jouer comme son fils, mais de manière encore plus maîtrisée. On sent le chef d'entreprise et le chef de famille sûr de son autorité et de son pouvoir sur les siens.
– Je sais... Dites-moi, Mlle Melville, Olimpia n'a pas su me dire ce que vous étiez venue étudier exactement à Sienne. L'histoire ? La littérature ?
Bravo Olimpia ! Incapable de retenir deux informations sur sa prétendue meilleure amie ! Céleste jette un œil à la bibliothèque. À la porte. À la porte-fenêtre. Décide que décemment, elle ne peut pas fuir. Ça aurait été impoli et totalement incongru.
– L'histoire. J'étudie l'histoire. Plus précisément la période médiévale.
– Voilà qui est intéressant. J'imagine que vous souhaitez devenir professeur ?
– Non.
– Non ? C'est étonnant. Que peut-on bien faire d'autre avec un tel cursus ?
Est-ce le « tel cursus » qu'on lui renvoie encore en pleine figure ? Le ton employé à la limite du suffisant ? Ou bien le souvenir de ce qu'il a dit à table ? Le « cette fille » jeté avec mépris ? Elle n'aurait su dire. Mais Céleste sent la colère monter de nouveau en elle.
En quoi ça le regarde ce qu'elle va faire de sa vie ! De quel droit lui pose-t-il ce genre de question ? Ou plutôt, de quel droit sous-entend-il que son choix est mauvais, stupide, sans intérêt ? Cette famille commence à lui taper sur les nerfs ! Ils ne peuvent pas se mêler de leurs affaires un peu ! Mais qu'est-ce qu'elle fait là ! Mais qu'est-ce qu'elle est venue faire ici ! Le service qu'on lui a rendu n'est pas suffisamment important pour subir tant d'humiliations sans réagir !
– Non. Je ne veux pas être professeur, dit Céleste d'un ton sec. Et tout comme ma sexualité, je ne vois pas en quoi cela vous concerne !
– Cela me concerne si cela implique un ou plusieurs de mes enfants ! dit vivement Alessandro piqué au vif en haussant les sourcils de surprise et de colère rentrée.
– Qu'à cela ne tienne. Je ne m'intéresse à aucun membre de cette foutue famille ! Soyez tranquille ! Vous n'aurez pas de brebis galeuse parmi vous !
Et sur ces paroles, elle sort, laissant Alessandro stupéfait. Mais pas assez longtemps pour lui échapper.
– Mlle Melville, veuillez revenir, je vous prie !
Arggghhhhh ! Mais ça suffit maintenant ! Au lieu d'obéir, elle fait ce qui lui paraît le plus judicieux en de telle circonstance, elle prend ses jambes à son cou.
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Romance à l'italienne
ChickLitÉtudiante française, Céleste vient d'arriver en Italie, prête pour une année d'étude dont elle a rêvée. Elle est prête à tout donner pour revenir auréolée de succès. Mais c'était sans compter la famille Malatesta. D'abord la fille cadette, Olimpia q...