Coincée à l'arrière de la voiture, entre Giambattista et Olimpia, Céleste cogite sévère. Elle n'est pas en position de fuir. En même temps, la voiture semble se diriger vers la ville. Elle s'est peut-être inquiétée pour rien. Après tout, elle a déjà remarqué la bienveillance des italiens. Elle a déjà été aidée plusieurs fois. Mais là, c'est carrément chevaleresque.
Le cours de ses pensées s'arrête net. Elle est en train de réfléchir à comment remercier les Malatesta alors que deux secondes auparavant elle envisageait les pires choses à leur sujet ! Ce qu'elle peut être quiche ! L'idée qu'elle ait pu imaginer nonna Gianna à la tête d'un clan mafieux composé des frères Malatesta, la fait sourire brièvement. Nonna Gianna... Quoique...
La voiture fait une brusque embardée projetant Céleste sur Olimpia qui lui murmure un « arrête de sourire ! » qui la fait rougir jusqu'aux oreilles.
– Un lapin, marmonne le conducteur sans rien ajouter de plus.
– Hé ! La prochaine fois, tourne le volant de l'autre côté, Azzo ! s'exclame Battista en rigolant. Que je puisse au moins profiter de la française !
Céleste rosit en se rétablissant à sa place initiale. Cependant, elle doit rapidement laisser suffisamment d'espace entre son dos et la banquette pour qu'Olimpia prenne le soin de corriger son jeune frère. Ainsi, légèrement penchée en avant, Céleste en profite pour jeter un œil à l'aîné qui fixe résolument la route, mâchoire crispée et mains serrées sur le volant.
Galeazzo Malatesta est contrarié. Est-ce à cause de la conversation qu'il a eu avec sa sœur ou à cause de ce qu'il est obligé de faire pour une parfaite inconnue ? À le regarder comme ça, et s'il n'y avait pas eu le reste de la fratrie, elle aurait imaginé le pire à son sujet, tant il a l'air... sombre. Dangereux ? Lui, elle n'aurait aucun mal à l'imaginer dans des affaires sanglantes et louches.
Mais c'était quoi ça ? C'était quoi ce sourire ? Porca miseria ! Il a failli se foutre dans le décor ! Comment cette ombre de fille a-t-elle pu le distraire à ce point ? Son sourire... Galeazzo frappe le volant. Il faut qu'il se reprenne. Il se met à fixer la route. Il le faut d'autant plus que la voiture pénètre dans la ville, et que la circulation se densifie presque immédiatement passés les anciens remparts.
– Azzo ? Ça va ? demande Giù assis près de lui.
– Tu as vu questo cazzo ! Il m'a coupé la route ! s'écrie-t-il vivement surprenant tout le monde.
– Comme le lapin... dit simplement Giù avec un demi-sourire et en jetant un œil dans le rétroviseur pour voir l'arrière de la voiture.
Il croise le regard de Céleste et lui sourit, tandis que Galeazzo se morigène intérieurement. Cette fille n'a même pas encore fini sa croissance ! On peut aussi bien lui donner 15 ans que 20. Elle n'a pas grand-chose pour elle, en fait. Insipide était l'adjectif qui lui serait venu en premier s'il ne l'avait pas vu sourire. Et puis, ses vêtements !!! Les françaises ne sont-elles pas censées avoir du goût ? Être chic ? Là, c'est carnaval à tous les étages ! Vraiment rien pour elle. Sauf ce sourire.
Azzo soupire. Ils arrivent. C'est pas trop tôt !
Céleste n'a pas été étonnée que les Malatesta aient eu l'autorisation de pénétrer le cœur historique de la ville avec leur véhicule. Quand on a une voiture comme celle-là, on a tous les services afférents. Évidemment.
Galeazzo Malatesta est resté au volant, laissant ses frères et sœur s'occuper du déchargement, car, cette fois, Olimpia met la main à la pâte.
– Merci M. Malatesta pour votre aide. Je suis désolée pour le dérangement. J'aurais dû insister pour faire ça ce week-end...
– En effet, répond-il sèchement.
Il est injuste, il le sait. Résister à l'insistance de Pia est quasi mission impossible. Alors, comment une fille aussi inconsistante aurait-elle pu imposer son avis ? Il grimace.
Il est plus qu'injuste. Il est désagréable. Mais il n'a pas le choix. Elle ne doit surtout pas sourire. Et avec ce qu'il vient de dire, ça ne risque pas.
La jeune fille se redresse comme pour partir, puis elle se penche de nouveau à la fenêtre côté passager.
– Je vous dédommagerai pour le déplacement et l'essence, M. Malatesta. Après tout à chaque peine mérite salaire. Bonne journée, Monsieur, dit-elle d'un ton sec.
– Ça ne sera pas nécessaire, répond-il aussi sèchement.
– Oh, mais si, j'insiste. M. Malatesta. J'insiste.
– Ça suffit avec vos « M. Malatesta » ! s'exclame-t-il en tapant sur le volant.
Mais elle est déjà partie.
Elle n'est pas si insipide et certainement pas inconsistante, finalement.
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Romance à l'italienne
ChickLitÉtudiante française, Céleste vient d'arriver en Italie, prête pour une année d'étude dont elle a rêvée. Elle est prête à tout donner pour revenir auréolée de succès. Mais c'était sans compter la famille Malatesta. D'abord la fille cadette, Olimpia q...