27/ Celle qui n'abandonne pas

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Alessandro est contrarié. Giù et Pia sont retournés à Sienne pour, soit-disant, aider leur nonna à faire les derniers préparatifs pour le repas au palazzo de ce soir avec cousins, tantes, oncles et autres progénitures et affidés... Il n'a rien objecté. Il sait bien qu'ils sont surtout partis rejoindre cette française ! Il a conscience que le fiasco de la veille est en parti de son fait. Même s'il n'en regrette rien – cette Céleste Melville est vraiment particulière - il voit bien que cela a affecté tous ses enfants, y compris l'aîné qui, pourtant, est un vrai roc, d'ordinaire.

À son retour de Sienne, Alessandro a vu que quelque chose s'était passé, mais son aîné a refusé d'en parler prétextant une grande fatigue. Il l'avait entendu ensuite discuter avec Francesca. La jeune femme ne s'était pas laissée amadouer aussi facilement que lui. Elle l'avait harcelé jusqu'à ce que Galeazzo n'en puisse plus. Il avait cédé en l'entraînant dans la chambre. Il avait l'air plus contrarié que désireux de faire l'amour.

Ce matin, Alessandro l'a entendu descendre dans le bureau de l'aile est du palazzo. Signe qu'il n'entend pas être dérangé. Même nonna Maria n'a pas réussi à le convaincre de venir manger avec eux. Il travaille sur un gros dossier qu'il entend boucler avant le premier de l'an. Excuses. Excuses. Excuses. Mais Alessandro ne cherche pas plus loin. Galeazzo est assez grand pour régler ses problèmes seuls. C'est un homme responsable et raisonnable. Il a confiance en lui.


Francesca tourne en rond comme une lionne en cage, mais ne dit rien. Elle non plus n'aime pas cette française. Elle a senti le danger dès son arrivée, mais grâce à Alessandro - le seul à être lucide dans cette famille, selon elle – cette Céleste a été dégagée du tableau vite fait. Néanmoins, Francesca sent que quelque chose ne tourne toujours pas rond. Ne sachant quoi penser, puisque son homme ne lui parle pas, elle attend son heure. Comme elle déteste faire la cuisine et n'a pas l'intention de ruiner sa manucure en mettant ses mains dans la pasta, comme le lui propose, pleine d'espoir, nonna Maria, elle s'affale avec élégance dans l'un des nombreux fauteuils du salon pour se plonger dans son téléphone. Elle a bien tenté de discuter avec Battista, le seul fils Malatesta disponible, mais en vain.


La bambola d'Azzo peut bien se rhabiller, Giambattista ne fera aucun effort pour la distraire. En plus, s'il faut choisir, il préfère Céleste, qui est bien plus drôle et moins poseuse. Il s'est donc stratégiquement replié dans son antre où il joue en réseau avec des potes. Ce qui lui convient parfaitement. Le jeu vidéo étant sa deuxième passion après les voitures de courses, il combine justement les deux avec un jeu de course où il éclate tout le monde avec une adresse remarquable ! Il a hâte de revoir certains de ses cousins ce soir. Tous de fervents gamers comme lui. Il envisage donc ce noël avec beaucoup plus de plaisir que le reste de la famille.


Pia a entraîné Céleste dans sa chambre. Elle veut discuter seule à seule avec elle. Giù est trop pénible à toujours plaisanter, ou à ramener la couverture à lui, alors qu'ils ont une mission : Il faut convaincre Céleste de rester avec eux. Il faut qu'elle comprenne que c'est le mieux pour tout le monde. Et surtout, elle ne doit pas savoir pour Azzo.

Pia est à peu près sûre que si la française apprend que cet idiot est raide dingue d'elle, elle s'enfuira à toute jambe. C'est évident. Elle sent la fragilité de Céleste. Elle sent qu'elle cache bien des secrets. Des secrets encore coupants. Et puis, pour être sincère, Pia ignore comment une femme, autre que Francesca ou l'une de ses consœurs, peut ressentir quoique ce soit pour son frère aîné. Il est si froid parfois. Si dur. Il faut éviter que Céleste sache quoi que ce soit.

Olimpia ne prend pas conscience qu'elle agit exactement comme les hommes de sa famille avec elle... et qu'elle a trouvé cette attitude stupide pas plus tard que la veille...

– Raconte.

– Que veux-tu que je te dise. Je suis désolée d'avoir surréagit hier...

– Arrête ! On ne « surréagit » pas pour rien ! Je sais que ma famille est prise de tête, mais pas à ce point !

– Tu ne viens pas de mon monde, Olimpia. Quand je suis avec vous, je ne me sens pas à ma place. Je me sens...

– Petite ? Ridicule ? Stupide ?

– Ça va m'aider, ça ?!!

– Qu'est-ce que tu crois, Céleste ? Moi aussi, des fois, je suis atterrée... moi aussi, je me sens mal parmi eux. Je suis sûre que Giù aussi, même s'il ne le reconnaîtra jamais. Et même Battista ! Il n'y a qu'Azzo qui soit dans son élément, mais il a été formaté par nos deux parents ! Nous ! Les autres ! Nous n'en avons eu qu'un ! En plus d'un chien de berger !

– Est-ce que tu compares ton frère aîné à un chien ?

– C'est ce qu'il est ! Il est l'ombre de mon père. Il est son bras de la justice. Il est lui, en plus jeune et plus péremptoire, si c'est possible !

– Gianna m'a fait remarquer qu'il était comme ça parce qu'il était l'aîné. Il n'avait pas eu le choix.

– Pas eu le choix ? Et cela explique tout peut-être ? Je l'adore, mais c'est un idiot ! Il n'y a qu'à voir cette Francesca ! Et cette manière de se comporter avec toi ! Quoiqu'il en soit, cette famille est dysfonctionnelle comme presque toutes... mais elle ne justifie pas que tu te mettes dans cet état. Elle ne le mérite pas. Alors ? Raconte !

– Je crois que je ne supporte pas d'être mise au pieds du mur, Pia. C'est tout. Et ton frère et ton père m'ont acculée comme un animal avec leur jugement à l'emporte-pièce. Leur mépris. Mais...

– Mais ?

– Ils ont raison en quelque sorte... et c'est ça qui m'a mise en colère. Plus encore que leur jugement. C'était de constater qu'ils avaient un petit peu raison...

– Comment peut-on avoir un petit peu raison ?

Romance à l'italienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant