Romance à l'italienne

3/ La nonna (La grand-mère)

La nonna approuve le choix de sa petite fille. Céleste lui plaît, bien qu'elle soit française. Car Olimpia a fait un pari risqué. Dieu et tous ses saints, savent que la nonna ne porte pas les françaises dans son cœur depuis bientôt 60 ans. L'une d'entre elle a tenté de séduire son Giancarlo alors qu'ils étaient déjà fiancés. C'est un drame qu'elle aime raconter en contemplant la photo de son ancien mari, parti trop tôt selon elle, bien assez tard selon ses enfants. Giancarlo Malatesta avait été un homme dur, comme la terre qui l'avait vu naître.

« L'appartement » de nonna Gianna occupe le dernier étage d'un petit immeuble qui en compte trois. Il se compose d'un appartement principal dont la porte donne sur l'escalier du dit immeuble, et de quatre chambres satellites le long d'un petit couloir, séparées par deux salles de bain. La chambre inoccupée se trouve tout au bout. Quand Céleste ouvre la porte, elle a un petit « Oh » de ravissement. C'est parfait ! C'est tout simplement parfait !

C'est que, comme toutes les pièces de cet antique « appartement », la chambre est dotée d'un plafond voûté peint - ici d'un ciel nocturne - décrépi mais charmant. Le lit est à baldaquin. Le bureau doit avoir l'âge de la propriétaire, et la dernière fois que le plancher a connu de la cire fait partie d'un lointain passé. Mais c'est impeccable, comme toujours avec nonna. Seule la fenêtre est récente. Unique sacrifice à la modernité, mais nécessaire si l'on veut conserver un locataire plus d'une semaine dans cet endroit, certes lumineux, mais donnant sur une rue bruyante à toute heure du jour ... et de la nuit.

On convient rapidement du loyer et des charges. Et nonna satisfaite, s'en va vers sa cuisine mitonner un petit plat pour ses locataires qu'elle nourrit, non par obligation, mais par charité. Ces gamines n'auraient rien de vraiment consistant dans le ventre sinon. Nonna ne fait pas confiance à la cuisine moderne pour nourrir convenablement un jeune en pleine croissance. Ni même personne d'autre d'ailleurs.

– Tu vas chercher tes affaires ?

– Maintenant ?

– Ben oui. Comme ça, ça sera réglé.

– C'est que ... j'ai plusieurs sacs. Je ne peux pas emménager en un seul voyage. Je pensais faire ça ce week-end.

– Porca miseria ! Tu vas pas attendre quatre jours ! Je vais appeler mes frères ! Ils vont venir nous aider !

– Tes frères ?

– Oui ! Je n'ai pas encore réussi à avoir ce fichu permis ! Alors je n'ai pas de voiture, mais eux oui ! Pour une fois qu'ils vont servir à quelque chose !

Céleste sourit. Olimpia en est toute étourdie.

– Il faut que tu arrêtes de sourire comme ça.

– Sourire comme ça ?

– Oui. Comme si tu venais d'avoir une révélation... comme si tu avais un plaisir charnel à entendre une nouvelle...

– Un plaisir charnel ! hoquette Céleste en essayant de ne pas rire. Je... j'espère que tout le monde ne pense pas comme toi...

– Bien sûr que si ! Tu n'as pas remarqué Marco...

– M. Conti ?

– Oui ! Le prof ! Marco ! Il était sur le point de te demander en mariage tellement tu lui faisais de l'effet !

– Me demander en mariage ! s'exclame Céleste en riant franchement cette fois. Rien que ça !

– Mais oui ! Rien que ça ! On ne plaisante pas en Italie ! Tu sais ! Avec le plaisir, le désir ! Tout ça ! Tout ça ! On flirt ! On flirt ! Mais c'est tout ! Parce qu'après y'a le regard divin posé sur nous !

– Tu veux dire que... Tu as quel âge, Olimpia ?

– J'ai 21 ans !

– Et tu n'as jamais eu... de petit ami ? De ... je veux dire d'amant ?

Olimpia secoue négativement la tête le plus sérieusement du monde. Puis éclate brusquement de rire devant le visage déconfit de la française.

– Tu aurais dû voir ta tête ! Santa mammà ! Ce que tu peux être drôle !

– Mais... tu m'as fait marcher !!!

– Sûre ! Mais pas pour le sourire ! Hein ! Ton sourire, c'est la cata assurée si tu ne fais pas attention.

– Tu exagères...

– Moi ? J'exagère ? Et bien tu verras quand il faudra te venir en aide quand on va sortir le soir !!!

Céleste sourit de nouveau, et Olimpia mime un arrêt cardiaque avant de s'effondrer sur le lit sous les éclats de rire de la française. Cette italienne, elle est vraiment trop...