42/ Ne pas pouvoir éviter le pire

3.1K 308 0
                                    

Les jours avant le premier de l'an sont plus tranquilles. Stefano embarque Céleste et Pia dans une virée shopping qui s'achève sur une orgie de café et de viennoiseries. Céleste déteste les viennoiseries italiennes, ces cornetti pleine de crèmes ou de confitures, elle préfère celle de son pays. Plus fines. Pourtant, elle participe à la dévoration du festin, parce que c'est drôle, et que le moment est parfait.

Bien que n'ayant rien acheté elle-même, elle est revenue avec un joli pull rayé de plusieurs couleurs - Olimpia a tenu à lui faire son propre cadeau – et un ensemble bonnet et écharpe plus sobre que ce qu'elle porte d'ordinaire et qui va parfaitement avec son manteau à chevron. Stefano a été catégorique. Si elle veut conserver son amitié, il faut qu'elle accepte son cadeau. Cela a été dit d'une manière si solennelle qu'elle n'a pu refuser.

Elle sait déjà ce qu'elle va offrir à Stefano en retour. Elle a remarqué – et comment n'aurait-elle pas remarqué ! – qu'il est toujours très élégant. Sa panoplie veste de costume, gilet avec chemise et jean, est parfaite. Il lui manque cependant un accessoire qu'il appréciera à coup sûr : des pochettes faites sur mesure. Et elle a ce qu'il faut pour lui en confectionner.


Giuseppe passe plusieurs fois à l'appartement pour tuer le temps, mais il est soudain très vite occupé par une nouvelle conquête. Une certaine Sofia qu'il n'a pas l'intention de leur présenter. Céleste s'en est amusée, et avec Pia, elles ont passé une journée entière à tenter de deviner à quoi peut bien ressembler la jeune amoureuse. Elles sont passées de la brune piquante à la rousse flamboyante, ont imaginé toutes les combinaisons de couleur de peau et de nationalité. Quelques handicaps aussi : une bosse, un pied tordu et un nez crochu. Ça a été très amusant. D'autant plus que Gianna y a mis son grain de sel, découvrant des origines princières à cette incroyable et énigmatique Sofia.


Deux jours après Noël, Céleste rejoint avec plaisir l'équipe de nettoyage. Dans l'aube naissante, c'est la première fois qu'elle voit réellement le bâtiment, dans lequel elle travaille depuis près de trois mois. d'habitude, il fait nuit. C'est comme une nouvelle découverte. Cesarina l'accueille en souriant. La femme d'une cinquantaine d'années a pris en amitié cette jeune française qui produit toujours tant d'efforts pour que le travail soit bien fait. Carla, Antonella, Marcella qui s'est rétablie, et Ada sont là aussi. Elles ne s'attardent pas. Le travail ne manque pas. Il faut que tout ce qu'on leur a mis au planning soit fini ce soir. Aucune d'entre elle n'a envie de faire plus d'heures.


Céleste a une petite surprise pour ses compagnes de labeur. Elle profite de la pose de midi qu'elles prennent dans la cafétéria qu'elles viennent de finir de nettoyer. Elles se sont installées à la table la plus proche de la double porte qu'elles ont laissé ouverte. Elles sont seules dans le grand bâtiment.

– Je voulais vous remercier de votre gentillesse et de votre accueil dans votre équipe, dit Céleste en déposant un petit paquet devant chacune des femmes de ménage tout sourire.

– Mia piccia ! É magnifico ! Ma che bello ! s'exclame Cesarina en dépliant le foulard devant elle.

Céleste sait qu'elle est douée en broderie. Elle a appris avec l'une de ses grand-mères, mais elle s'est perfectionnée seule. Elle aimerait bien un jour suivre des cours pour atteindre encore un niveau supérieur et maîtriser des techniques qu'elle n'ose aborder seule.


Galeazzo entend des cris et des exclamations depuis son bureau qui se trouve au dernier étage du bâtiment. Ce matin, il a préféré venir au bureau pour travailler. Loin de l'atmosphère pesante du palazzo. Et puis, c'est plus facile de se concentrer ici. D'habitude. Il a toujours dit que ce patio central qui donne à l'ensemble de la structure un aspect aérien et moderne ne fait que propager le bruit avec une facilité déconcertante. Il sait que l'équipe de ménage travaille aux étages inférieurs. Ce matin, il l'a entendue arriver peu de temps après lui.

Il se lève. Il doit leur signifier qu'il est présent dans les locaux. Il aurait dû le faire plus tôt, mais pensait que peut-être il pourrait s'éviter cette corvée.


Les italiennes s'exclament toutes en même temps. Les foulards passent de main en main. On admire les arabesques brodées sur les tissus colorés. On s'extasie de tant de talent. On embrasse et on enlace Céleste qui sourit. Elle est contente que ça leur plaise. Elle avait quelques doutes. Après tout, tout le monde n'aime pas autant les couleurs qu'elle. Elle en a choisi une différente pour chacune. Une qui corresponde à ce qu'elle voit d'elle. Parce que Céleste voit les gens en couleur. Il y a des jaunes comme Pia, ou des verts comme Giuseppe et même des rouges comme Galeazzo.

Puis toutes les femmes se figent en même temps. Une silhouette vient d'apparaître à l'entrée. Céleste laisse tomber les papiers qu'elle était en train de ramasser pour les mettre dans la poubelle avant de repartir travailler.

Galeazzo Malatesta est là. Porca miseria !

Il semble aussi gêné qu'elle. Il se reprend cependant. Il leur souhaite de bonnes fêtes à toutes avec beaucoup d'amabilité et leur dit juste qu'il travaille au dernier étage, pour qu'elles ne soient pas surprises de voir de la lumière bientôt. Pour qu'elles ne viennent pas le déranger surtout. Puis il repart aussi vite qu'il est apparu.

À part Cesarina, aucune des italiennes n'a remarqué le changement qui s'est opéré chez la petite française. D'ailleurs, Céleste se reprend dès qu'il repart. Elle fait disparaître les papiers et toute trace de leur passage.

Romance à l'italienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant