L'appartement est de nouveau silencieux. Pia lui ayant ramené ses affaires, Céleste a tout ce qu'il lui faut pour travailler. Comme elle est seule, elle s'est installée dans le salon avec, à portée de main, des biscotti, du café, ses recherches, quelques livres et son ordinateur portable. Elle a décidé de s'atteler à la copie d'un texte en italien médiéval qui lui donne du fil à retordre. Elle est sûr de ne pas voir le temps passer. Voire même de s'endormir avant minuit.
Mais avant, elle doit appeler en France. Depuis son départ, elle n'a téléphoné que deux fois chez elle. Elle s'est toujours arrangée pour avoir ses frères au bout du fil. Avec sa mère, les rapports sont tendus. Mme Melville n'a pas compris son besoin de partir au lieu de passer des concours qui lui auraient donné une situation stable et lui aurait permis à 22 ans de s'installer. Comme elle ne comprend pas que sa fille n'ait pas de petit-ami. Comme elle ne comprend pas son choix de cursus. Elle non plus. Elle sait que Céleste ne souhaite pas être prof. Alors pourquoi choisir une voie sans issue ?
Personne ne peut comprendre ce qui anime réellement Céleste. Elle n'a elle-même qu'une certitude : être la meilleure dans son domaine. À quoi cela va servir ? À rien probablement. Mais elle saura quoi faire en temps voulu. Elle sait saisir les opportunités. En attendant, elle s'applique pour toujours faire les choses de la manière la plus juste et la plus efficace possible. Elle travaille dur. Se satisfaisait seulement du meilleur résultat.
Le seul élément important, c'est le plaisir qu'elle prend à faire ce travail. Quoique ce soit, elle doit trouver de l'intérêt à se surpasser. Que ce soit une satisfaction financière (job d'été ou à l'année) ou intellectuelle (études), elle n'aurait pas pu persister si elle n'en avait pas eu. C'est son credo. Sa valeur sûre. Elle veut bien travailler, mais refuse de perdre sa vie à faire quelque chose qu'elle déteste, comme la plupart des adultes qu'elle a côtoyé enfant. Elle veut vivre. Pas survivre.
Et ce qu'elle aime le plus pour le moment, c'est étudier l'histoire. Elle adore se plonger dans les documents d'époque, les décrypter, en découvrir les secrets. Apprendre. Partager.
Sa mère, elle, trouve ça inutile.
– Allo ? Victor ?
– Nan, c'est Valère ! C'est toi, Cécé ?
– Oui ! Tu mets le haut-parleur pour que je vous parle à tous !
– Oui, vas-y ! C'est qu'on est plein cette année !
– Ah bon...
– Oui, il y a Franck, et Cécile, et Amélie, et Papi Dupré, et tata Aurélie.
À chaque prénom ou nom, Céleste a entendu un bonjour enthousiaste et chaleureux. Sa mère a profité de son absence pour organiser un noël en famille ! C'est bien elle, ça ! En même temps, Céleste n'apprécie pas particulièrement Franck, le nouveau petit ami de sa mère, ni ses deux filles. Et c'est réciproque. Donc, elle est mieux là où elle est. Seule.
Bordel ! Qu'est-ce qu'elle raconte comme connerie ! Bien sûr que non ! Elle aime ses frères ! Et elle n'a pas vu papi Dupré et tata Aurélie depuis super longtemps ! Pourquoi sa mère a-t-elle fait ça ? Est-ce qu'elle se rend compte que sa fille n'a pas les moyens de se payer le train pour revenir pour les fêtes ? Oui, elle sait ! Mais comme elle désapprouve le choix de Céleste, elle le lui fait payer à sa manière ! C'est petit ! C'est mesquin ! Ça lui ressemble bien ! C'est un autre coup au cœur. Un de plus !
– Salut tout le monde ! Je vous souhaite à tous un joyeux noël ! Merci beaucoup maman...
Et elle raccroche. C'est trop pour elle. Elle ne va pas faire semblant d'être heureuse. Elle en a marre de toujours se pendre des portes en pleine poire ! Elle pensait trouver du réconfort auprès de sa famille ! Quelle idiote, elle est ! Elle se lève, attrape manteau, écharpe, bonnet, sac et sort.
L'air vif de cette soirée la frappe au visage. Elle sourit. C'est un soir à avoir de la neige...ça serait vraiment super, mais bon... Vu comment ces vacances ont commencé... elle n'attend aucun miracle.
Elle marche sans but dans le centre historique de Sienne en contemplant les décorations de noël. Elle rencontre quelques groupes de personnes qui se dépêchent, mais la plupart du temps elle est seule, et c'est un peu surréaliste. Et puis, elle arrive devant l'église Santo Virgilio.
Elle la connaît déjà. Elle l'a visité comme presque toutes les églises de cette ville. Elle les préfère plus sobre en générale, mais un chant s'échappe de Santo Virgilio. Un cantique de noël. La messe de minuit. Elle entre, se fait discrète, mais personne ne l'a remarquée. L'endroit est plein à craquer. Et ça chante. Ça sourit. Ça rayonne de joie. Ça lui fait du bien. Elle reste à écouter, une larme ou deux s'invitant. Mais rien de grave et surtout, rien de triste. Elle n'est pas si seule, finalement. Pas dans un tel lieu.
Quand il est temps de partir, elle s'exclame de plaisir comme tous les italiens qui sortent.
Il neige... Elle pourrait presque croire en Dieu... Elle sourit au ciel.
VOUS LISEZ
Romance à l'italienne
ChickLitÉtudiante française, Céleste vient d'arriver en Italie, prête pour une année d'étude dont elle a rêvée. Elle est prête à tout donner pour revenir auréolée de succès. Mais c'était sans compter la famille Malatesta. D'abord la fille cadette, Olimpia q...