34/ Père et fils

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Galeazzo est depuis un bon moment dehors. Suffisamment pour que son père s'en inquiète. Bien qu'occupé avec les nombreux membres de la grande famille Malatesta, il décide d'aller le chercher. Il s'agit de discuter entre hommes. Il voit alors sa mère dans l'entrée. Il s'approche et sent l'odeur de cigarette qui flotte autour d'elle. Une odeur de cigarette ? Nonna Gianna ne fume pas. Enfin, pas à sa connaissance.

– Mamma !

– Si Alessandro, soupire Gianna en ôtant sa fourrure et son bonnet.

– Pourquoi est-ce que ça sent la cigarette ?

– Et pourquoi la lune brille-t-elle dans le ciel ? Parfois, mon fils, je me demande à coté de quoi je suis passée pour que tu poses des questions aussi stupides.

– Mamma ! Mais...

– Alessandro, ça sent la cigarette parce que je suis allée fumer avec mon petit-fils. La vraie question que tu devrais te poser, et qui te concerne particulièrement, c'est pourquoi ton fils aîné a décidé de reprendre une si mauvaise habitude alors qu'il avait réussi à l'abandonner il y a trois ans ?

Gianna laisse son fils cogiter et part vers la cuisine. Elle a quelques restes à mettre en boite pour ramener à l'appartement. Elle a un oisillon à nourrir.


– Rentre Azzo, tu va attraper la mort ! Tes oncles veulent te parler...

– Je finis ma cigarette, dit simplement Galeazzo.

Alessandro avise les mégots qui traînent aux pieds de son fils. Il ne les compte pas. Il y en a beaucoup trop. Il se demande où son fils a pu trouver un paquet de cigarettes dans le palazzo. Il le fixe et remarque sa mine défaite. Malgré cela, son profil est si semblable à celui de sa mère. Ne sachant quoi dire de plus, Alessandro s'apprête à rentrer quand il entend la question.

– Quand tu as rencontré mamma, comment as-tu su que c'était elle... qu'elle serait ta femme ?

Alessandro reste figé un instant. Fausta est un sujet tabou. Ils n'en parlent jamais avec ses enfants. Il a encore une grande colère en lui. Pas contre elle. Contre lui-même. De ne pas avoir été capable de la sauver d'elle-même. De ne pas avoir compris que quelque chose n'allait vraiment pas depuis la naissance de Giambattista. De ne pas avoir vu l'urgence. Et ces fichus docteurs ! Incapables de voir eux aussi ! De l'avertir ! Oui, il avait encore beaucoup de colère qu'Olimpia éveille à chaque fois qu'elle parle de son cursus. Il ne comprend pas l'obstination de sa fille à ce sujet. Et voilà qu'Azzo veut savoir... comment il avait su que Fausta serait la femme de sa vie... Ses enfants avaient décidé que ce noël serait à marquer d'une pierre blanche ! Et pas forcément de la bonne manière !

Alessandro ne veut pas parler de Fausta. Il s'apprête à rentrer sans répondre, mais Galeazzo refuse cette éventualité.

– Papà ! S'il te plaît.

Alessandro vient se mettre près de son fils. Ils ont à peu près la même taille. Azzo est légèrement plus grand. Sans doute parce qu'il est plus jeune, plus vigoureux. Les deux hommes fixent l'obscurité et la neige.

– Je réponds si tu arrêtes de fumer. Maintenant.

Azzo écrase aussitôt la cigarette qu'il vient d'allumer avec le mégot de la précédente. Alessandro ne peut s'empêcher de sourire. Il a toujours eu une influence considérable sur son fils aîné. Il en a toujours eu conscience sans jamais se l'avouer. En a joué aussi.

– Fausta San maggiore était l'une des filles les plus populaires à l'université. Belle, intelligente, elle avait le rire facile et le sourire éclatant. Elle n'allait jamais nulle part sans qu'une véritable cour d'amis l'accompagne. C'était donc très difficile de l'approcher quand on n'en faisait pas partie. J'étais dans ce cas. Je la trouvait très belle de loin, mais je n'en faisais pas plus de cas. Il y avait beaucoup d'autres filles au moins aussi belles à mes yeux. J'étais un peu comme Giuseppe à cette époque.

Galeazzo jette un œil étonné à son père. Il voit alors l'entrebâillement de la fenêtre derrière eux. Il a un demi sourire avant de se concentrer de nouveau sur l'extérieur.

– Et puis, au Palio de juillet, je devais aider mon frère Otello à se préparer. Il était le cavalier de notre contrada. Il était fier et doué. Cet imbécile ! Quelle tête brûlée c'était ! Bref, je l'aidais à se préparer, et elle est apparue avec les couleurs d'une contrada concurrente. Elle apportait quelque chose à Otello. Une lettre. Elle était le messager entre mon frère et l'une de ses amies à elle. Pourquoi ? Je m'en fichais totalement. La seule chose qui m'importait c'est qu'elle ne m'avait pas regardé une seule fois. Elle s'était contentée d'apporter le message et de repartir en échangeant quelques mots avec Otello. J'aurais pu laisser courir, mais quelque chose que je ne définissais pas encore m'en a empêché. J'ai proposé d'apporter sa réponse à la fille. C'est comme ça que ça a commencé entre nous. Nous étions les messagers de deux amants qui ne pouvaient se rencontrer qu'en secret. Un vrai roman de gare cette histoire entre Otello et Giùlietta.

– Elle s'appelait vraiment Giùlietta?

Romance à l'italienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant