Olimpia et Giuseppe se sont mis en retrait de la fenêtre. Ils sont seuls dans le petit salon. Tous les autres invités discutent bruyamment dans le grand salon, autour du sapin. Ils savent tous les deux que le moment est important. Ils regrettent juste que Battista ne soit pas avec eux. Mais le jeune lycéen est déjà parti se coucher, et ils ne veulent pas risquer de se faire découvrir pour aller le chercher. Ils lui raconteront.
– Oui. Et ce n'était pas ta tante, crois-moi ! Giùlietta était un véritable folle qui pensait courir un danger mortel si sa famille apprenait qu'elle fréquentait Otello Malatesta. Ça non plus je ne sais pas exactement pourquoi... Papà avait de nombreux ennemis. Alors tout était possible. Moi, tout ce qui m'importait, c'était cette Fausta inatteignable. Je crois que j'ai d'abord pris cela comme un challenge. Elle ne m'avait même pas regardé ! Imagine Giù face à une fille qui lui résisterait !
Galeazzo imaginait très bien. Céleste résiste à Giù... Elle résiste à tous les hommes Malatesta, en fait.
– Comment as-tu su ?
– Nous jouions les messagers. Elle continuait à m'ignorer et plus elle m'ignorait plus je tentais de la séduire. C'était plus fort que moi. J'étais amoureux et je ne le savais pas encore. Et puis, elle m'a brisé le cœur, et j'ai enfin réalisé.
– Elle t'a brisé le cœur ?
– Un après-midi, elle m'a carrément signifié que je n'étais pas son type. Et qu'elle allait se fiancer avec un Scortini. Un Scortini ! J'étais hors de moi ! Les Scortini étaient une famille de nabots que je détestais depuis les petites classes. Autant te dire que je n'étais pas prêt à la laisser à l'un d'entre eux. Qui que ce soit ! Elle a vu mon visage se décomposer et elle a éclaté de rire. Ça a été le plus beau moment de notre début d'histoire. Ce rire clair et gracieux qui montait et affirmait haut et fort qu'elle s'était jouée de moi. Il n'y avait jamais eu de Scortini dans sa vie. Elle s'était renseignée sur moi. Elle savait exactement ce que j'étais, ce dont j'étais capable, qui étaient mes amis et mes ennemis. Elle m'avait purement et simplement roulé dans la farine.
– Elle t'aimait.
– Oui. Depuis le début. Mais elle savait quel genre d'homme j'étais. Elle savait qu'elle n'aurait pas eu le temps de me garder si elle ne me faisait pas réaliser mes propres sentiments. Fausta était intelligente. Je te l'ai dit... pas comme moi.
– Pourquoi dis-tu ça ?
– Parce que je n'ai pas pu la sauver, Azzo. J'aurais aimé. Vraiment. Mais je n'ai pas su la sauver.
– Elle te manque ?
– Tous les jours. Pourquoi crois-tu qu'aucune autre femme n'est entrée dans ma vie suffisamment longtemps pour y rester depuis toutes ces années ?
– Parce que nonna Gianna et nonna Maria l'auraient chassée à coup de plat à biscotti...
Alessandro éclate de rire. Chose fort rare. Galeazzo, lui, se contente de sourire.
Depuis la chambre au-dessus du perron, Giambattista finit sa cigarette en souriant lui aussi. Il a entendu toutes les conversations qui se sont tenues en bas. Galeazzo est dans un sacré pétrin, c'est sûr. Bien plus grand encore que lui, qui ne peut oublier le visage de celui qui lui a brisé son petit cœur d'adolescent à Florence. Lorenzo.
Gianna a raison. Bien qu'il n'ait que 18 ans et assez peu d'expérience amoureuse en général, Battista a compris, lui, que Céleste est la clé qui ouvrira les portes depuis trop longtemps fermées de la famille Malatesta.
Derrière la fenêtre du salon, Giuseppe a enlacé sa sœur qui se tient adossée à lui. Elle pleure en silence. Entendre le récit de son père a rompu le barrage. Le manque est toujours si puissant. Elle se redresse soudain. Gianna a raison. Elle sait pour Galeazzo et Céleste. C'est évident comme ils luttent chacun l'un contre l'autre. Sans aide, ils ne parviendront pas à s'atteindre.
Céleste a passé une très bonne soirée avec Romano, Giovanna, Carlo et Stefano. Elle a surtout sympathisé avec ce dernier. Le jeune homme est ouvertement homosexuel. Il en pince très fort pour Romano, c'est évident. Mais l'intéressé flirte avec Giovanna. Carlo aussi. Pourquoi l'ont-ils abordée ? Peut-être pour équilibrer le jeu. Mais ça n'a pas marché... Romano et Carlo sont toujours en compétition, et la situation semble plaire à Giovanna. Ça ne risque pas de s'arrêter. Contre toute attente, Céleste n'a pas trouvé cela gênant. Elle s'est même beaucoup amusée.
Elle n'a presque pas pensé aux Malatesta et à sa propre famille. Elle a refusé de regarder son téléphone. Elle n'a vu la longue liste de messages qu'en prenant l'appareil pour y noter le numéro de Stefano.
Olimpia principalement. Sa mère un seul. Valère et Victor au moins une dizaine. Avec des photos. Elle ne répond qu'au dernier de ses frères. Elle leur envoie un selfie d'elle et de ses nouveaux amis sur la piazza del Campo illuminée sous la neige. Ils vont adorer.
Plus tard, quand elle sera rentrée tardivement, elle enverra le même cliché à Olimpia. Pour la rassurer.
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Romance à l'italienne
ChickLitÉtudiante française, Céleste vient d'arriver en Italie, prête pour une année d'étude dont elle a rêvée. Elle est prête à tout donner pour revenir auréolée de succès. Mais c'était sans compter la famille Malatesta. D'abord la fille cadette, Olimpia q...