10/ Bon baiser d'en face

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Comme prévu, pas de Théo. Ni rien d'autre d'ailleurs. Irène rentre seule à son appart. Comme d'habitude elle n'a carburé qu'au jus de fruit avec paille et ombrelle. Mais elle n'a rien avalé d'autre. Son ventre grogne de mécontentement. Bref, elle a faim. Elle sort le paquet de pain de mie rassi et pioche des tranches qu'elle enfourne distraitement. Elle est d'abord adossée au comptoir de sa petite cuisine. Puis de manière inconsciente, elle se tourne vers les grandes fenêtres du salon. Le loft en face est plongé dans l'obscurité.

Enfin, non. Pas tout à fait. Elle s'approche un verre d'eau à la main. Conti est assis à un bureau posé sur des tréteaux. Il a installé une sorte de grand tableau derrière lui avec une multitude de papiers dessus. Il travaille. Il travaille ? Sérieux ?

C'est alors qu'il tourne le visage vers elle. Il se lève, ôte sa chemise et signe.

« À vous. »

« Ça va pas la tête ! Vous êtes un grand malade !»

« Tant pis ! J'aurais essayé ». Il sourit. « Bonne pêche ? » demande-t-il en cherchant des yeux un probable partenaire sexuel.

Irène attrape le chat qui passe justement près d'elle à ce moment-là et le brandit tel un trophée. La bestiole se débat devant tant d'irrespect. Il finit par se libérer alors qu'elle renverse le verre d'eau sur elle. Cretino de chat ! Son haut est trempé. Elle va pour l'enlever et arrête son geste.

« Merde ! J'y ai cru ! Allumeuse ! »

« Vous savez que ça pourrait s'apparenter à du harcèlement ? »

« Vous avez commencé ! »

« Je ne vous ai pas demandé d'enlever le haut ! »

« Le bas alors ? » signe-t-il en commençant à défaire sa ceinture.

« Je vais me coucher, sinon je vais vomir. »

Elle éteint les lumières et va se coucher. Ce type lui file la migraine. Louisa va lui hurler dessus demain. À part si elle ne lui dit rien. Mais elle lui dira. Irène lui dit toujours tout.


— Ben merde !

Irène fixe Louisa étonnée. Louisa ne jure que très rarement. Elle est très habile pour trouver des formules détournées et fleuries. Mais jamais vulgaire. Pas comme Irène qui passe son temps à jurer... En italien de préférence, parce que l'on ne peut pas toujours effacer totalement ses racines.

Sa mère est italienne. Une italienne très colérique qui adore s'affranchir de la politesse avec un langage que sa plus jeune fille a absorbée comme une éponge. Elle lui a transmis ça, et un goût immodéré pour les chansons italiennes, ringardes ou non. Un bel héritage ! Le seul !

Alors que la mère de Louisa est allemande. D'où sa blondeur et sa réserve naturelle. Toutes deux n'ont connu leur père qu'un très court laps de temps. Irène, parce qu'il s'est fait la malle avec une femme moins tempétueuse que la première, alors qu'elle avait 5 ans. Louisa parce que son italien de père est mort sur un chantier - Mauvaise chute – alors qu'elle avait 7 ans.

Amies pour la vie.

— C'est bizarre. Je suis d'accord... mais je vais pas en faire un fromage. Voir le torse musclé d'un collègue le soir avant d'aller se coucher n'est pas le pire des tableaux.

— T'es une grande malade... Vintanier dans le viseur, murmure alors Louisa avant de se plonger dans un dossier.

Fenêtre avec vueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant