55/ Soupçons

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— Tu ne devineras jamais ce qui m'est arrivé aujourd'hui ! s'exclame Éric en touillant la salade qu'il vient de préparer.

Irène est en train de mettre des assiettes sur la table basse du salon. Louisa l'aide en silence. Elle a accepté de venir à contrecœur. C'est Conti lui a conseillé d'accepter l'invitation. Il faut qu'Éric ne se doute de rien. Louisa n'est pas sûre de pouvoir tenir le rôle qu'on lui a attribué.

Conti n'est pas au loft. À partir du moment où il a téléchargé le contenu du téléphone de Fortier - contenu qu'il ne lui a pas montré à elle, prétextant que moins elle en saurait, mieux ce serait pour elle -, il n'a cessé de passer des coups de fil. Il est allé voir Moreau aussi.

— Non ? Un problème avec le projet ?

— Oh ! Non ! J'ai perdu mon téléphone !

— Non ! Mais comment... tu ne t'en sépares jamais ! Je l'ai bien vu ! Je crois même que je suis un peu jalouse !

— Et bien, une fois n'est pas coutume. Je l'avais posé sur le bureau, et quand je suis revenu, plus rien !

— Non ! Mais c'est pas perdu ça ! C'est volé ! Louisa ! Tu te rends compte ! Si quelqu'un se met à piquer les affaires personnelles, il va falloir faire attention ! Cazzo ! J'aurais pas cru ça...

— Je t'arrête ! dit finalement Éric en posant le saladier sur la petite table. Je l'ai retrouvé ! D'où le mot « perdu » employé !

— Ça dépend où tu l'as retrouvé...

— Derrière les câbles de ma tour... Je pense que quelqu'un l'a fait tomber derrière, en passant... sans faire exprès.

Louisa ignore s'il la regarde elle pour une raison précise ou si c'est juste pour l'intéresser à la conversation en cours.

— Ça me rassure... Louisa ? Tu n'as pas l'air dans ton assiette ?

— Pour tout te dire, bichette, je crois que je couve quelque chose... Je suis fatiguée et ...

— Attends, laisse-moi voir ça, dit Irène en lui collant sa main sur le front. Porca miseria ! Tu as de la fièvre !

— Je vais rentrer. Me mettre au lit, et... dit Louisa en se levant, mais elle titube comme si elle avait trop bu. Ce qui est loin d'être le cas. Elle est à l'eau plate depuis ce matin et n'a bu qu'un cocktail en arrivant chez Irène.

— Hop ! hop ! hop ! Pas bouger, jeune fille ! Viens par-là !

Irène l'emmène jusqu'à sa chambre et la couche.

— Tu ne bouges pas. Je reviens.

Louisa les entend discuter dans le salon. Irène tente de convaincre Fortier de rejoindre son appartement pour ce soir. Ce sera leur première nuit, séparés depuis leur début d'histoire. Il râle un peu. Il dit que Louisa est juste saoule. Propose d'appeler un taxi pour elle. Propose même de la ramener lui-même et de revenir ensuite. Parce que vraiment, elle serait mieux chez elle. C'est alors que la voix intraitable d'Irène s'élève.

— Éric ! Je ne vais pas laisser ma meilleure amie seule chez elle alors qu'elle a de la fièvre ! Pas question ! Qu'est-ce qu'une nuit ! Nous sommes ensemble tout le temps !

— Je vois, dit-il sèchement. Peut-être qu'une nuit n'a absolument aucune importance pour toi. Mais pour moi ça en a.

— Éric...

— Irène ! Louisa est ton amie ! Mais nous deux, c'est plus fort. C'est autre chose ! Quand ton amie se trouvera un mec, tu crois qu'elle en fera autant pour toi ?

— Arrête, Éric ! Tu ne peux pas dire ça ! Tu n'as pas le droit ! Tu ne sais pas tout ce que Louisa a fait et fait encore pour moi !

— C'est ça ! Accroche-toi au passé !

— Éric ! Mais qu'est-ce qui te prend ? C'est une simple nuit ! Nous nous verrons au travail demain et encore la nuit suivante... ça n'est pas...

— Important ! Je sais ! Je ne suis pas important !

— Arrête de dire ça ! Arrête !

Fenêtre avec vueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant