54/ Vol sans effraction

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Salvatore Conti éteint son PC et attrape un dossier pour l'étudier une dernière fois avant son rendez-vous. Il a du mal à se concentrer.

Dix jours. Il n'en peut plus. Il a tenu bon pourtant, se plongeant sans mesure dans le travail. Moreau est très satisfaite de leur collaboration. L'agence a récupéré de gros clients grâce à lui, même s'il regrette de n'avoir pas réussi à ferrer deux importantes campagnes qui sont allées à un concurrent. Tout va pour le mieux.

Sauf qu'il n'en peut plus de feindre à longueur de temps que tout va bien. Il est sorti chaque soir. A trouvé une partenaire à chaque fois. Mais, même le sexe à outrance ne l'apaise pas. Il est au bout de ce qu'il peut supporter.

Fortier a quasiment élu domicile chez Irène. En tout cas, il y est là chaque soir et le week-end. Même si Irène ne s'affiche jamais avec lui devant les fenêtres, Conti ne peut s'empêcher d'imaginer ce qui se passe en face. Ce qui est pire, en fait. Peut-être que s'il les voyait en action, il cesserait d'y penser.

Fortier semble s'amuser de le savoir en face. Il ne cache pas sa liaison. Sait-il qu'il met le chargé de projet au supplice ? A-t-il compris qu'il le rendait jaloux ?

Pas sûr. Il agit peut-être comme ça parce qu'il s'en fout justement de ce que pourrait dire l'associé de Moreau. Fortier navigue intelligemment. Au bureau, il est servile et discret. Jamais un mot plus haut que l'autre. Il travaille bien et vite. Il est, ce qu'on pourrait appeler, un bon élément. Moreau le sait, car Irène ne manque de vanter les talents de son équipe, dont Fortier. Elle est un bon manager.

De ce point de vue-là, Conti est content de lui avoir proposé ce poste. Irène ne se rend pas compte de son potentiel. Avec beaucoup de facilité, elle arrive à faire travailler ensemble des collaborateurs avec des personnalités bien différentes. Elle est douée. Sans compter qu'elle sait trouver des solutions aux défis que les chargés de projet lui donnent.

Fortier profite-il de sa position ? Conti n'en sait rien encore.

— M. Conti ?

— Mlle Rossi, que puis-je faire pour vous ?

— Je crois que j'ai fait une bêtise.

— Pardon.

— Je crois que... Tenez...

Louisa lui tend un téléphone. Un téléphone qu'il ne connait pas. Qui n'est pas celui de Louisa.

— À qui est ce ... commence-t-il en tendant la main vers l'objet.

Il s'arrête. Il sait. Il s'empare avec avidité de l'appareil.

— Vous lui avez piqué ?

— Il l'avait laissé sur le bord de son bureau pour aller voir un autre membre de l'équipe. J'ai... je l'ai volé... Oh mon dieu ! Je vais être virée !

— Non ! Vous n'allez pas être virée !

— Si ! Et vous aussi ! Si Moreau découvre ce que nous sommes en train de faire...

— Moreau n'en saura rien, si vous ne lui dites rien ! dit-il en sortant un petit appareil d'un tiroir de son bureau.

— Mais lui ! Lui va découvrir que quelqu'un lui a volé son téléphone ! Il saura !

— Pourquoi nous soupçonnerait-il ?

— Je ne sais pas... Il sait toujours tout...

— Justement. Je trouve ça plus que ... Nom de dieu !

Conti a réussi à détourner le code d'accès et est entré. Il découvre ce que contient le téléphone de Fortier. C'est beaucoup, beaucoup plus grave qu'il n'aurait pensé ! Cela va au-delà du petit cœur d'Irène. Cela va bien au-delà. Même s'il va se briser en mille morceaux quand elle verra les photos qu'il fait défiler avec consternation.

Il ne peut pas stocker tout ça sur son PC. Ce serait trop risqué aux vues de ce qui apparait. Il prend un câble et télécharge le contenu du téléphone sur le sien... y compris le dossier photos et les messages. Il crack aussi les compte de réseaux sociaux.

— Maintenant Louisa, vous allez profiter d'une diversion... dit Conti en fixant la jeune femme qui semble atterrée.


Éric Fortier est furieux. Non seulement quelqu'un lui a piqué son téléphone, mais en plus, l'équipe a été convoquée dans le bureau de Moreau pour discuter d'un futur projet, ce qui l'a empêché de poursuivre ses recherches pour savoir qui avait bien pu oser faire ça ! Un autre membre de l'équipe ? Est-ce simplement une question d'opportunité ? Ou y a-t-il une autre raison ?

Il reste confiant cependant, car il est sûr que personne ici n'arrivera à ouvrir l'interface de l'appareil. Et puis, il a les moyens de savoir. Néanmoins, dorénavant, il va falloir qu'il soit plus attentif. Il pensait avoir cerné tout le monde, mais manifestement pas totalement.

Fenêtre avec vueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant