38/ Comment savoir

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— Il s'agit moins de donner des ordres que de déléguer le travail. C'est à vous que l'on donnera des ordres. Vous vous contenterez de répartir les tâches parmi votre équipe.

— Vu comme ça, dit Irène en enfournant un énorme morceau de club sandwich au poulet.

Conti l'observe, éberlué.

— Vous n'êtes pas au bout de vos surprises ! Vous ne l'avez pas encore vu manger des pâtes, dit Louisa en s'essuyant la bouche élégamment.

— Tu n'es pas censée être mon amie ? demande Irène en lançant un regard courroucé à Louisa.

— Tu n'es pas censée te comporter comme un être civilisé en public ?

— Oh ! Cha va ! On est dans un pub ! C'est pas Buckingham palace, non plus !

— Moi, ce qui m'intrigue surtout, c'est où est-ce qu'elle le met ?

— Elle saute tellement de repas et se nourrit tellement mal que son corps ne stocke rien !

— Dit la fille qui ne prend jamais un gramme.

— Je n'y peux rien si ma constitution me permet de manger autant que je veux.

— Mais pas de boire comme un trou, dit Irène en lui prenant sa pinte des mains. Tu as pris ton remède miracle ?

— Si tu savais ce qu'il y a dedans, tu comprendrais qu'on ne le prend qu'en cas d'absolue certitude de soirée arrosée. C'est immonde.

— C'est la rançon pour pouvoir se pochtronner !

— Pas faux.

— Je me dévoue, dit Conti en prenant la pinte de Louisa et la sifflant direct. Bon alors ce poste ?

— Mme Moreau m'a donné le week-end pour y réfléchir.

— Oh ! Allez ! Quoi ! Vous devez bien savoir !

Non, Irène ne sait pas.


Et samedi matin non plus. Elle sait ce qu'est donner des ordres. Elle l'a déjà fait. Mais ça ne lui a pas réussi. Elle a perdu des amis. Et plus important, elle a perdu un frère. Elle s'enfonce dans la couette qu'elle est allée prendre sur son lit pour faire le nem sur le canapé.

Le matin, elle a avancé sur un nouveau projet. Elle n'a pas vu le temps passer. En début d'après-midi, elle a décidé qu'elle passerait le reste du week-end devant des séries à l'eau de rose. Ce qu'elle a fait. Jusqu'à ce qu'elle tombe sur un petit film où l'héroïne change de vie... elle n'a pas supporté.

Maintenant, elle fait juste le nem. Elle s'oblige à réfléchir à la proposition parce qu'on attend une réponse, parce qu'elle est bien consciente que son existence va obligatoirement changer quel que soit sa réponse. Son choix.

Pourquoi ne peut-on la laisser tranquille dans son coin ? Elle veut juste qu'on la laisse avec ses écrans et son code, ses palettes de couleurs et ses maquettes. Pourquoi ça ne pourrait pas continuer ?

Elle soupire. Elle a besoin du trio magique Elasi, Annalisa et Margherita. Elle cherche sur l'appli musique de son téléphone sa playlist spécial cœur-brisé-retour-à-la-vie. Son casque est posé sur la table près des écrans éteint. Elle se lève pour le prendre. Elle ne peut s'empêcher de jeter un œil au loft d'en face.

Conti est allongé sur son propre canapé. Tête orientée de manière à voir le deux-pièces d'Irène, il regarde quelque chose sur une tablette. Dès qu'il la voit, il se lève et se met face à elle. Il est torse nu. Cazzo !

« Ça va? »

« Bof ! Playlist d'urgence en cours d'écoute »

« Je viens ? »

« Non. Il faut arrêter ça... »

« Quoi ? »

« Vous savez bien »

« C'était en tout bien tout honneur. Vous n'êtes pas mon genre... »

« Pas votre genre de quoi ? »

« De femme... Pas assez de décolleté et ... trop de mystère » finit-il de signer en faisant un clin d'œil.

Elle ne répond pas. Elle mime un coup au cœur et tombe sur son canapé. Pourquoi joue-t-elle à ça avec ce type ? Parce que ça lui plaît. Évidemment !

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