60/ L'incroyable retour de la légèreté

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L'amour rend aveugle. C'est bien connu. Pour le meilleur et pour le pire. Et là, ça avait été le pire. Irène n'avait jamais vécu ça avant. Se sentir aussi minable. Même après la mort de son frère Paolo. Parce qu'au fond, à ce moment-là, elle savait déjà qu'elle n'aurait rien pu faire.

Mais, là, si personne n'avait rien vu au sujet de Fortier, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle, elle aurait dû voir quelque chose.

Heureusement pour elle, presque personne n'était au courant de leur liaison. Et ceux qui savaient ne diraient rien aux autres. Mais ça n'empêche pas Irène de se sentir minable. Vraiment minable.

— Arrête !

Irène sursaute. Louisa est derrière elle, penchée sur son cou. Elle tient le dossier de la chaise et le secoue avec force.

— Tu vas arrêter de te pourrir la vie pour cet enfoiré ! murmure-t-elle.

— Louisa !

— Je sais. Mais je me suis rendue compte que jurer comme un charretier soulageait drôlement quand on en a gros sur la patate. Quand je pense à toutes ces joies et ces exultations que j'ai manquées alors que toi, tu t'en donnais à cœur joie ! Je suis jalouse. Alors je me rattrape !

Irène ne dit rien. Elle se contente d'étreindre son amie.

— Dai ! Manoukian ! Haut les cœurs ! Ça n'est pas le premier gars qui te brise le cœur.

— Cazzo ! Je m'en fous de mon cœur ! Je pense à toi ! À ce que tu as failli vivre par ma faute !

— Irène ! Ça suffit ! Arrête ! Ça n'est pas ta faute ! En plus, il ne m'est rien arrivé ! Tu m'as sauvée, comme à chaque fois que je me trouve dans une situation, disons... périlleuse ! Bordel de chiotte !

Irène ne peut refreiner un rire nerveux.

— Quoi !

— C'est que je n'ai pas encore l'habitude de t'entendre jurer comme ça !

— Va falloir t'y faire, ma p'tite, dit Louisa en faisant une mine patibulaire. Genre type louche.

Irène éclate carrément de rire.

— Et bien, je vois qu'il y a de l'ambiance dans ce bureau ! On ne dirait pas qu'on a frôlé la catastrophe !

— Ah ! Bravo, M. Conti ! Bravo ! Je viens juste de la faire enfin rire au prix d'efforts considérables et vous vous mettez les pieds dans le plat !

— Désolé, dit Conti en fixant Irène. Je viens voir si tout va bien justement, et si le projet Artémis avance comme prévu. Il ne faudrait pas prendre de retard. Surtout maintenant. La déflagration qui va nous tomber dessus à cause de l'affaire ne doit pas nous empêcher d'avancer.

— Compris, chef ! L'honneur de l'agence avant tout ! Chef !

— Ça suffit, Mlle Rossi ! Il va falloir que je vous recadre ! Vous avez pris un peu trop d'assurance... Manquerait plus que vous soyez insolente en plus de jurer comme un charretier ! Le mythe en prend un coup !

— Quel mythe ?

— Celui de la déesse de l'amour, bien sûr ! dit-il en s'éclipsant.

L'équipe d'Irène revient de pause à ce moment-là. Elle trouve les deux jeunes femmes en train de rire.

— Et bien, il y en a qui ne s'en font pas ! dit le premier.

— Au moins, dans ce bureau, on ne tire pas la tronche, dit un second.

— Ouais ! Parce que c'était pas notre faute à nous, si Fortier était un putain d'enfoiré d'espion !

— Oh ! Louisa ! Tu as déteint sur mon équipe ! Je suis sûre que cette vulgarité qui surgit brusquement dans ce bureau vient de toi ! Via ! Jeune fille ! lance Irène en chassant son amie.

Fenêtre avec vueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant