48/ La recrue

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Éric Fortier est très doué. Irène le remarque très rapidement. Son travail est impeccable, mais pas seulement. Il y met discrètement une touche personnelle avec un code facilement identifiable. Il maîtrise. C'est un excellent élément. Le meilleur de son équipe, qui pourtant promet beaucoup.

Et puis, il y a autre chose.

Comme Irène, Éric Fortier est banal. Il ne présente aucune particularité d'un héros de série : pas d'argent à jeter par les fenêtres, pas de physique à tomber, pas de répartie toujours juste et spirituelle. Elle ignore cependant, s'il est secrètement amoureux d'une autre étoile. Ça se pourrait. Mais elle ne préfère pas l'envisager.

Parce qu'Irène sent qu'elle a un faible pour lui. Un sérieux faible, même. Ils ont tant de points en commun. Il a du charme mais l'ignore, comme Irène. Il s'habille à la va-vite et ne s'en préoccupe pas plus que ça, comme Irène. Il est consciencieux et obstiné dans son travail, comme Irène.

Il ne manquerait plus qu'il ne boive pas d'alcool et il cocherait presque toutes les cases. Presque, parce qu'avec un nom comme le sien, il n'est pas du sud. C'est sûr. Mais il y a des gens bien aussi dans le nord.

Irène a commencé à le voir différemment dès la fin de la première semaine de travail. À la fin de la seconde, elle se demande si les coups d'œil qu'elle surprend sur elle de temps en temps, sont chargés d'autre chose que de l'appréhension face à son approbation professionnelle.

Elle tente d'être amusante et se ramasse lamentablement. Du moins, c'est l'impression qu'elle a. Son calme imperturbable, même dans les moments de stress, l'impressionne. Elle ne sait pas comment l'approcher réellement. Sans compter qu'elle est sa chef...

Irène ne voit jamais les sourires qu'il cache dans sa barbe naissante. Car Eric Fortier, s'il a commencé par ne voir que son travail, commence à la voir elle. Il aime son parfum discret qui se mêle à son odeur corporelle. Il aime sa façon de ne pas coiffer ses cheveux et de les enrouler autour de tout ce qui lui tombe sous la main : crayon, stylo, tournevis... il aime ses blagues à deux balles et ses références à des romcom vieilles de deux siècles au moins.

Il la trouve intéressante et respecte son travail, même si, lui-même, a sa propre façon de voir certaines choses. Il se sait un peu particulier. Il sait qu'il n'est pas facile à aborder. Il sait que rien n'est jamais facile avec lui. Mais pas avec elle. Alors, il sourit à son écran. Pour le moment. Quand il sera prêt, il lui sourira à elle.


— Tu sais que je suis une pauvre gourde, Louisa...

— Allons ! Bichette ! Il ne faut pas te faire mal comme ça ! Mais bon ! Oui ! Tu as enfin pris la décision de l'inviter à boire un verre dans ton appart ?

— Heu... Louisa ? Tu parles de qui là ?

— De Conti ! De qui veux-tu que je.... Pardon ?! Irène ?! Il y a quelqu'un d'autre ? Non ? Incroyable ! Irène Manoukian, petite dévergondée ! Tu cours après deux lièvres !!!

— D'abord, mettons les choses au clair, Louisa ! Il n'y a pas deux lièvres ! Conti n'a jamais été une éventualité pour moi ! Ensuite, oui, il y a potentiellement une hypothétique autre personne...

Louisa s'empare du bras d'Irène et la traîne jusqu'au QG d'urgence. Une fois à l'intérieur des toilettes, elle s'assure, tel un ninja en mission, que personne ne se trouve là par hasard. Puis, elle fait face à Irène.

— Un nom ? demande-t-elle en souriant.

Fenêtre avec vueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant