19/ Meurs un autre jour

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Irène cherche un moyen de se sortir de ce traquenard. Mathieu et Louis sont aussi fébriles qu'elle. Ils ont parfaitement conscience que le dossier n'a pas été géré comme il aurait fallu par Flore Vintanier, leur idole. Ils ne comprennent pas la vindicte personnelle qui l'a poussée à prendre autant de risques avec un projet aussi important.

Irène pense plutôt qu'elle a voulu montrer à Nicole Moreau qu'elle est la plus forte, tout en pourrissant la vie d'une collaboratrice pour une raison qu'elle ignore toujours. Flore pensait avoir le week-end pour modifier à son avantage tous les points négatifs qu'elle a pointés, mais qui sont aussi de son fait. Lundi, elle n'aurait pas manqué d'accuser Irène pour son incompétence, du temps perdu à la faire travailler correctement...

Mais avec l'arrivée inopinée du client – mais est-ce si inopiné que ça ? Irène suspecte Conti d'avoir joué un coup en solo -, Flore n'a plus le temps d'exécuter son plan. Sa stratégie toute personnelle met maintenant le projet en danger. Mais pas seulement. Sa carrière aussi... Nicole va être furieuse. Bien sûr, Irène sera le fusible. Pas de doute là-dessus.


Irène est furieuse. Elle branche l'ordinateur, le couple à l'écran mural. La dernière mouture pleine de nouvelles imperfections et de bugs est en place. Irène soupire. Elle ne peut pas laisser ça comme ça. Elle ne peut pas laisser Vintanier tomber. Parce que si elle tombe, elle va l'entraîner dans sa chute. Et Irène a encore un vieux fond d'amour propre qui ne veut pas céder. Elle ne se résigne pas à se retrouver dans la situation de celle que l'on incrimine injustement. Elle a trop donné d'elle-même.

Elle prend la clé qu'elle tripote pendant une ou deux secondes avant de se décider. Mathieu l'observe avec curiosité.

— Tu fais quoi, Manoukian ?

— Je sauve les miches de ta chef de projet adorée !

— Putain ! Tu fais quoi là ?

— Je mets en place la version la moins buguée du projet.

— Parce qu'il y a une version moins...

— Oui ! Celle que j'ai pondu hier à deux heures du mat pendant que toi et ton pote vous vous tripotiez la nouille ! Tu crois quoi, abruti ? Que j'ai pu laisser passer autant de conneries sans m'en rendre compte ! Bordel ! C'est elle qui a foutu la merde dans le projet ! Moi, je passe mon temps à refaire des trucs qui fonctionnent quand je les lui livre !

Mathieu s'est rassis sous l'assaut. Il n'est pas courageux. Pour travailler depuis aussi longtemps pour Flore Vintanier, il faut être une sacrée lavette ou être aveuglé par l'amour. C'est beau ! C'est con !

Louis s'en fout. Si Flore pouvait disparaître, ça lui irait bien. Mais il sait aussi que si Flore disparaît, Mathieu suivra. Alors, il ne dit rien. Il se contente de se tasser dans son siège, car la porte s'ouvre sur les juges et le bourreau.

Irène se met en retrait. Elle attend la sentence. De toute façon, elle ne peut rien faire de plus. Elle espère que Vintanier va jouer le jeu et ne va pas tout faire foirer en voyant la version qu'elle a installée sur l'écran.

Mais elle s'inquiète pour rien. Vintanier ne sourcille même pas en voyant ce qu'elle fait défiler. Elle devait se douter qu'Irène avait une sauvegarde de son travail ! La s.... ! Il y a bien des bugs, mais minimes en comparaison de la dernière version massacrée par Flore. Elle a même un petit sourire suffisant quand le client la félicite, elle et son équipe. Il voit bien qu'il reste quelques ajustements à faire, mais dans l'ensemble, il est satisfait. Il fait remonter ses impressions. Demande des éclaircissements.


Même si elle n'est pas totalement satisfaite de cette réunion préparée à la va-vite, Nicole sourit et discute avec le client, tandis que Mathieu et Louis soupirent de soulagement dans leur coin.

Conti, lui, est franchement contrarié. Il jette un œil à Irène qui se contente de hausser les épaules.

« Bordel Irène ! Tu pouvais pas laisser tomber ! Merde ! » signe-t-il furieux mais discrètement.

« Merde aussi ! » répond-elle.

Puis, il croise le regard triomphant de Flore Vintanier. Alors il lui fait un sourire si effrayant que la jeune femme se fige et cesse de faire défiler les pages du projet. Il n'a manifestement pas dit son dernier mot.

Aussitôt Nicole et le client se tourne vers elle.

— Un problème, Mlle Vintanier ?

— Non. Aucun. Aucun problème, Je suis presque au bout de ce qui a été fait.

— Et bien, allez au bout, dit Conti en souriant toujours.

Flore avance sa main vers le pad, mais hésite. Qu'est-ce qu'il a pu manigancer ?

Fenêtre avec vueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant