Fenêtre avec vue

18/ Demain est un autre jour... de merde !

Elle éteint le salon quand elle entend quelqu'un frapper. Elle va voir à l'œilleton. À cette heure pas question d'ouvrir sans vérifier. Conti ! Qu'est-ce qu'il fout là !

— Partez, M. Conti, dit-elle sans crier et sans ouvrir.

Elle est trop fatiguée pour se battre.

— Pas question. Il faut qu'on parle.

— Non. Je vais me coucher.

— Je vais rester ici. Vous serez bien obligée de sortir demain matin.

— Vous n'êtes pas sérieux ?

— Si. Vous ne parlez plus au travail. Vous masquez vos fenêtres. Vous ne répondez pas au téléphone...

— Rentrez chez vous, M. Conti. Je suis fatiguée, là. C'est pas le moment. Ça ira mieux la semaine prochaine... si tout fonctionne demain. Rentrez chez vous.

Conti reste une minute devant la porte. Elle le surveille jusqu'à ce qu'il disparaisse. Puis elle glisse le long de la porte. Elle se trouve lâche. Mais est-ce qu'elle a le choix ? Peut-être... mais pas ce soir.

Le chat vient se frotter à elle. Décidément, il lui témoigne de l'affection exclusivement quand elle est à terre. Littéralement.

— Rien ne va ! C'est plein d'erreur et de bugs ! hurle Flore en envoyant une pile de dossiers s'écraser sur la banquette adossée à son bureau.

Irène a envie de lui rentrer dans le lard. Elles sont au travail depuis plusieurs heures. Les « multiples défauts » sont apparus après que Flore ait fait des modifications ce matin très tôt sur les documents envoyés dans la nuit. La petite pourriture a même modifié les sauvegardes sur le cloud. Comme ça pas moyen pour Irène de dire que c'était bien avant son intervention. Enfin, ça c'est ce que croit la chef de projet. Irène tripote la clé USB dans sa poche. Elle a encore une preuve de son travail, mais sera-t-elle assez courageuse pour affronter Vintanier ? Pas pour le moment. Pas la force.

Flore jubile. Elle la tient dans sa main. Elle a compris qu'Irène ne fera rien parce qu'elle a peur de perdre son boulot. Ou parce qu'elle a peur d'elle, simplement. Elle aime cette sensation de puissance sur cette fille. Elle savoure son triomphe. Elle la fera encore travailler tout le week-end. Mais lundi, c'est elle qui brillera devant le client. Flore sourit.

— Bon. Tu t'y mets sérieusement maintenant. Demain, tu finalises. Et s'il le faut tu reviens dimanche ! Ça doit être parfait lundi !

Irène se lève. Elle travaille jour et nuit depuis plus de dix jours. Alors s'y mettre sérieusement, elle pense que c'est ce qu'elle a fait. Et seule. Parce que ni Louis, ni Mathieu ne l'ont aidée. Eux, travaillent sur d'autres projets de Flore, alors que Nicole avait été très claire sur la priorité du nouveau dossier. Mais Flore ne veut qu'Irène. Parce qu'elle veut abattre Irène. Et elle en passe de réussir.

Irène soupire en voyant l'heure. La moitié du bureau est déjà rentré. Il ne reste que les bourreaux de travail... et les esclaves, comme elle. Elle veut tellement assurer le coup sur ce projet. Allez un week-end ! Qu'est-ce qu'un week-end ! Rien ! Dai ! Elle peut le faire. Il lui reste de quoi tenir.

C'est alors que Louisa apparaît.

— Qu'est-ce qu'il y a Mlle Rossi ?

— Votre client est là.

— De qui parlez-vous ? s'exclame Vintanier déjà bien contrariée de l'irruption de Louisa.

— Du client dont vous vous occupez... avec Irène.

— Mais... Mais... Nous n'avions rendez-vous que lundi !

— Et bien, il est là. Il parle avec Mme Moreau et M. Conti, en ce moment même.

— Conti parle avec lui ? rugit Flore.

À la colère qu'elles voient apparaître dans les yeux de Vintanier, Louisa et Irène devinent que Conti a dû la larguer. Sans compter que Flore doit se souvenir comment Salman s'est fait dégommer par Conti et Louisa, parce qu'elle darde un regard haineux sur la messagère, qui lui offre son plus beau sourire carmin.

— Irène ! Préparez la salle de réunion ! Grouillez ! Et faites en sorte que Mathieu et Louis soient là avec quelques informations sur le dossier ! Fissa !

Irène comprend que Flore n'a rien donné au reste de son équipe pour pouvoir l'accuser elle de tout fiasco potentiel. Ce qui va arriver si elles présentent le projet avec les multiples modifications que Flore a décidé aujourd'hui. Cazzo !