Assise à son bureau, Irène remarque le fauteuil vide de Louisa. Sa sublime amie est déjà dans le bureau de Nicole Moreau. Mathieu Delagrange attend devant. Porca miseria ! Pas de répit pour les braves ! Avec un peu de chance, Nicole aura des rendez-vous et ne remarquera pas qu'il lui manque une réponse... Quant à Conti, il suffira de l'éviter.
Irène envisage d'aller travailler dans un des bureaux disponibles qui servent en général au travail d'équipe, quand il faut boucler un projet et que la présence de tous ceux qui ont travaillé dessus est nécessaire.
— Bonjour, soleil de mes nuits.
Cazzo ! Matinal aujourd'hui.
— Bonjour M. Conti. Bien dormi ? Pas de gymnastique tardive et épuisante.
Il sourit.
— Avoir une sœur pénible chez soi empêche ce genre de projet ambitieux et agréable ! Mais vous le savez déjà. Ma sœur vous a trouvé tout à fait charmante... et à son goût... Je lui ai donné votre numéro. J'aime favoriser les amours naissantes
Conti rejoint son bureau en rigolant de voir le visage d'Irène se décomposer. Un point partout la balle au centre.
— Bon. Tu as rencontré sa sœur ! Et alors ?
— Je lui plais ! Tu ne comprends pas ! Je l'ai accueillie en petite culotte ! Je lui plais ?! murmure Irène catastrophée.
— Et alors ! Je te l'ai déjà dit ! Tu ne devrais pas te fermer aussi rapidement à ce genre d'opportunité ! dit Louisa en souriant de toutes des dents.
Elle a finalement accepté le poste de chef de projet, mais a refusé de prendre le bureau de Vintanier. Trop de mauvaises ondes. Elle est en train de débarrasser son bureau de l'open-space pour aller s'installer dans celui qui ferme avec une belle porte, juste à côté de celui de Conti.
La vie n'est pas une chienne ! C'est un vrai cauchemar ! La journée avait si bien commencé pourtant ! Moreau est finalement sortie avant de se préoccuper du cas d'Irène, et Conti ne lui a pas rappelé la proposition. Sans doute pense-t-il que Nicole s'en est déjà chargé ?
— Louisa, s'il te plaît.
Le ton est suffisamment suppliant pour que la magnifique blonde s'accroupisse avec élégance devant son amie.
— QG d'urgence ?
— Je crois que je ne suis à l'abri nulle part. J'ai envie de me rouler en boule sous le bureau et attendre un an ou deux.
— Tu ne vas pas faire ça, ma puce. Comment je ferais pour tenir ? J'ai besoin de toi, moi ! Et j'ai besoin de toi en chef d'équipe technique.
— Tu ne peux pas me demander ça, Louisa.
— Bien sûr que si.
Irène baisse la tête dépitée. Là, maintenant, elle en a gros sur la patate. Louisa lui prend les mains et se penche encore plus vers elle, pour parler encore plus bas, mais son ton est déterminé. Presque en colère.
— On n'en a jamais reparlé, Irène, mais laisse-moi te dire ce que je pense depuis toujours. Ta famille pue ! Tes frères, y compris Alessio, permet-moi de te le dire parce que je sais que tu l'adores, sont des vrais enfoirés qui ne méritent, ni l'amour que tu as pour eux, ni la culpabilité que tu te traînes comme un boulet depuis... l'incident.
— Mais c'est de ma faute si... il s'est tué.
— Non. Il s'est tué parce qu'un nombre incalculable de faisceaux convergeaient vers cette issue.
— Mais je n'ai rien vu.
— Et tes autres frères ? Ses amis ? Ils étaient bien plus proches ! Ils vivaient ensemble ! Ils mangeaient ensemble ! Baisaient les mêmes filles ! Bordel, Irène ! Tu ne peux pas porter ce fardeau toute ta vie ! Paolo est mort ! C'est un drame ! Tu as le droit d'être triste mais pas de penser que c'est de ta faute ! Parce que ça n'a jamais été ta faute ! Jamais !
— Louisa. C'est moi qui le faisais travailler si dur ! Qui lui donnais tout ce travail ! Qui pinaillais quand il y avait des défauts... J'étais Flore Vintanier...
— Arrête-ça ! Quand Flore était sur ton dos, est-ce que tu as envisagé de te suicider ? Non ! Tu as réagi ! Alors quand bien même tu aurais été comme elle avec Paolo, tu l'as aussi été avec les autres ! Lorenzo et Alessio. Aucun d'eux ne s'est donné la mort à ma connaissance ! Et tu veux savoir pourquoi ils te sont tous tombés dessus, famille et amis, avec autant de virulence ? Pour éviter de ressentir la moindre culpabilité ! Parce que ça n'est pas toi qui te moquais des affinités de Paolo ! Ça n'est pas toi qui lui faisais des remarques désobligeantes sur sa sexualité, sur sa façon d'être ! Paolo s'est tué parce qu'il était homosexuel et qu'aucun membre de ta putain de famille ne l'acceptait. Il ne voyait aucune autre issue ! Il n'en envisageait aucune autre !
Louisa jure. Louisa parle vulgairement. La situation est grave.
VOUS LISEZ
Fenêtre avec vue
ChickLitIrène Manoukian est une jeune femme banale. De son point de vue. Abonnée aux histoires sans lendemain et au second rôle auprès de son amie Louisa qu'elle adore, elle mène une existence tranquille. Qui lui va. Qui lui va vraiment ? La réponse ne lui...